Des dessins inuits, précieux témoignages du changement social

Le 1er janvier 2016 Dessins d'inuits

Le milieu des années 1960 s’est révélé une période de profonds changements pour les Inuits de l’Arctique de l’Est, qui ont alors dû quitter leurs terres pour des établissements permanents. Témoin de cette transformation, Terrence Ryan était, à l’époque, conseiller artistique en résidence du célèbre atelier de gravure de Cape Dorset, situé près de l’extrémité méridionale de l’île de Baffin.

En 1964, craignant la perte de la culture traditionnelle inuite, Terrence Ryan s’est lancé dans un périple épique de quatre mois, en traîneau à chiens, jusqu’à la pointe nord de l’île. Chemin faisant, il a distribué du papier à dessin et des crayons de couleur et demandé à des gens de tout âge de consigner pour la postérité leur histoire, leur culture, leurs traditions ou leurs expériences.

Il a reçu de 159 personnes 1 842 dessins, tous produits en quelques mois. Pour nombre des collaborateurs, ce fut la seule et unique fois qu’ils se sont exprimés ainsi. M. Ryan a conservé la collection pendant 50 ans, avant de prendre des dispositions pour son transfert au Musée canadien de l’histoire, en 2015.

« Ces dessins constituent l’expression d’un peuple à la frontière de la modernité », affirme Bianca Gendreau, gestionnaire, le Canada contemporain et le monde, au Musée canadien de l’histoire. « Ils donnent un aperçu d’un mode de vie en pleine transformation, à l’instar d’une capsule témoin. Il n’existe rien d’autre de semblable. »

Aux yeux de Bianca Gendreau, la collection reflète une multiplicité de voix et de points de vue. Certains dessins sont l’œuvre de membres de la dernière génération d’Inuits à naître en pleine nature, à avoir vécu dans des iglous et à s’être déplacés en traîneau à chiens. D’autres ont été créés par la première génération à avoir grandi dans des collectivités permanentes. Il y a des scènes de la vie quotidienne, nouvelle ou ancienne, ainsi que des évocations de légendes, de croyances et de pratiques spirituelles.

Selon Bianca Gendreau, les riches détails historiques rendent la collection très précieuse pour les chercheurs et les autres personnes intéressées par l’étude et la préservation de la culture traditionnelle inuite, notamment les descendants des artistes.

Elle ajoute que le niveau de talent varie, allant de simples dessins d’enfants à des images plus raffinées qui témoignent d’un magnifique sens de la couleur et de la composition, ainsi que d’un talent inné et d’une imagination féconde. Cependant, c’est leur valeur documentaire qui rend ces dessins si précieux.

« La collection est un recueil de l’expérience et des connaissances des habitants du Nord à cette époque », de conclure Bianca Gendreau. Elle aidera le Musée à préserver et à présenter l’histoire du Canada et de son peuple au bénéfice des générations actuelles et à venir.

Image : Dessins inuits faisant partie de la collection de Terrence Ryan, collection que conserve maintenant le Musée canadien de l’histoire. Musée canadien de l’histoire, IMG 2015-0037-0001-Dm