La psychoacoustique ou la dimension sociale du son

Sylvain Raymond

Avez-vous déjà entendu parler de « psychoacoustique »? Ce domaine scientifique a trait au côté subtil, non apparent, de l’expérience sonore : la façon dont le son est acheminé vers l’auditeur et l’identification par celui-ci, en tant que destinataire. C’est une dimension essentielle de toute expérience muséale. L’acousticien Steve Haas reconnaît cependant que la conception sonore est tellement sous-évaluée que personne ne la remarque jamais. Et c’est là le signe d’un travail bien fait.

La conception sonore est une dimension essentielle, souvent sous-évaluée, de toute expérience muséale. La nouvelle salle de l’Histoire canadienne présente elle-même certains défis en matière d’acoustique. IMG2014-0106-0024-Dm

La conception sonore est une dimension essentielle, souvent sous-évaluée, de toute expérience muséale. La nouvelle salle de l’Histoire canadienne présente elle-même certains défis en matière d’acoustique. IMG2014-0106-0024-Dm

Haas s’occupe de la gestion du son depuis 25 ans dans de grandes galeries et de grands musées du monde. Nous avons fait appel à ses services pour surmonter les défis posés dans la nouvelle salle de l’Histoire canadienne. Directrice du développement créatif et de l’apprentissage pour la salle, Lisa Leblanc a aidé Haas à définir le principal public du Musée pour mieux le servir : les familles.

Des historiens, des touristes et diverses autres personnes se rendent seuls au Musée, mais les visiteurs, en majorité, viennent en groupes, et il en résulte une expérience sociale marquante. Les enfants font du bruit, les gens discutent à voix haute des expositions et les familles interagissent. Comment faire en sorte que les groupes ne dérangent pas les personnes autour d’eux?

« Ce sera un lieu animé, affirme Haas. Le contenu de la salle n’empêchera pas cela, et il faudra donc y faire entrer la psychologie. » L’exposition est conçue de façon à ce que tout le monde y participe à sa façon. Certaines parties encourageront les enfants à s’asseoir et à interagir avec des éléments, tandis que les parents se tiendront derrière à parler en tendant l’oreille. Des haut-parleurs directionnels permettront au son d’atteindre un petit groupe à proximité directe, puis le son poursuivra son chemin et sera absorbé par le plafond. Si les haut-parleurs projetaient le son horizontalement dans de grands espaces, le résultat s’apparenterait à une cacophonie, à l’entremêlement de sons entre les expositions.

Chaque élément de l’exposition a une dimension sociale : le texte est conçu pour être lu à haute voix, on a recours le moins possible aux casques d’écoute et même le contenu sonore est soigneusement choisi. Le gazouillis d’un oiseau n’a absolument pas le même effet sur l’auditeur que le rugissement d’un tyrannosaure, et les enregistrements d’aujourd’hui s’entendent d’une façon bien différente par rapport aux documents d’archives. Aussi les techniciens du son doivent-ils tenir compte de ces attentes dans la production. Il arrive que le contenu favorise une expérience plus intime. Par exemple, certaines sections sur le thème des pensionnats autochtones proposent un fauteuil et un filet suspendu qui sont propices à une expérience privée, en lieu clos.

Même si l’idée de la salle de l’Histoire canadienne est de présenter une trame continue qui nous relie tous au fil d’une histoire commune, il est important que l’acoustique permette à chaque groupe de visiteurs de s’exprimer de façon « contenue ». Cela semble compliqué? Nous espérons que non. Si tout se déroule comme prévu, vous ne remarquerez rien du tout.

Revenez bientôt pour lire notre prochain billet sur le sujet : Le défi de l’acoustique sous le dôme .