POINT DE RENCONTRE : LE CANOT DU MAÎTRE DANS LA SALLE DE L’HISTOIRE CANADIENNE

Tim Foran

Détail du canot du maître réalisé par l’artisan moderne, Richard (Rick) M. Nash. Musée canadien de l’histoire, photo : E. Laberge

Détail du canot du maître réalisé par l’artisan moderne, Richard (Rick) M. Nash. Musée canadien de l’histoire, photo : E. Laberge

Dès son ouverture le 1er juillet 2017, la Salle de l’histoire canadienne présentera environ 1 800 artefacts qui mettront en lumière l’histoire du Canada et de ses peuples, des temps les plus anciens jusqu’à nos jours. Presque tous ces artefacts seront d’authentiques objets historiques. Il y aura quelques rares exceptions, dont la plus notable sera une reproduction grandeur nature d’un canot du maître (parfois appelé canot de Montréal) de 10 mètres de long.

À la fin des années 1700 et au début du siècle suivant, les négociants en fourrure installés à Montréal – en particulier la Compagnie du Nord-Ouest – utilisaient des canots d’écorce de bouleau comme celui-ci pour transporter des marchandises de Montréal à Fort William, en haut du lac Supérieur, et expédier des fourrures en direction inverse. Un tel canot était parfaitement adapté aux allers et retours de l’époque : assez robuste pour supporter un énorme poids (quatre tonnes de marchandises et douze voyageurs), suffisamment léger pour faire du portage autour des rapides et entre les cours d’eau, et d’une facture simple pour faciliter la réparation à partir de matériaux trouvés sur les rives du Saint-Laurent et des Grands Lacs (écorce de bouleau pour réparer les bris, racine d’épinette pour coudre les morceaux d’écorce et gomme d’épinette ou de pin pour imperméabiliser les joints).

Malheureusement, il n’existe que peu sinon aucun canot du maître d’origine ayant survécu jusqu’au xxie siècle que l’on pourrait exposer aujourd’hui. C’est pourquoi il a fallu en construire un pour la section de la salle qui racontera l’histoire du commerce des fourrures. Le canot exposé est l’œuvre d’un artisan moderne, Richard (Rick) M. Nash, de Dorset, en Ontario.

Déplacement du canot du maître en vue de son installation dans la Salle de l’histoire canadienne. Musée canadien de l’histoire, photo : E. Laberge

Déplacement du canot du maître en vue de son installation dans la Salle de l’histoire canadienne. Musée canadien de l’histoire, photo : E. Laberge

Pendant plus d’une quarantaine d’années, Rick Nash a étudié et documenté les procédés de construction de canots autochtones datant de l’époque de la traite des fourrures. Il a acquis une vaste expérience pratique de ces procédés, ayant construit des dizaines de canots à l’aide de méthodes, de matériaux et d’outils traditionnels.

Rick a consacré les quatre saisons de 2013 à réaliser ce canot du maître : il a chaussé ses raquettes en hiver et au début du printemps pour recueillir des feuilles d’écorce de bouleau et de solides morceaux de cèdre et d’épinette; en été et en automne, il a bâti la charpente au moyen de simples outils à main (hache, couteau à lame incurvée et alène), cousu les panneaux d’écorce à la surface et attaché ces panneaux aux plats-bords avec de la racine d’épinette, avant de sceller l’embarcation avec de la résine.

Installation du canot du maître dans la Salle de l’histoire canadienne. Musée canadien de l’histoire, photo : W. Piskorz

Installation du canot du maître dans la Salle de l’histoire canadienne. Musée canadien de l’histoire, photo : W. Piskorz

Le canot de M. Nash, comme les modèles fabriqués dans les ateliers de Montréal au xviiie siècle, est au confluent des expériences amérindienne et euro-canadienne. Afin de combler les besoins en transport des commerçants euro-canadiens, les premiers artisans fabriquant des canots du maître ont adopté et adapté des procédés perfectionnés au fil des siècles par les peuples autochtones. Leurs embarcations transportaient des équipages mixtes de voyageurs canadiens-français et haudenosaunees, entre une enclave de l’établissement européen (Montréal) et les terres d’origine des Anishinaabes plus loin vers l’ouest.

Ainsi le canot du maître illustre à merveille un des fils conducteurs de la Salle de l’histoire canadienne : les rencontres et les échanges entre les Premiers Peuples et les nouveaux arrivants.