Réaliser une exposition sur un Canadien légendaire

Erin Gurski

Terry Fox, un Canadien légendaire

Terry Fox, un Canadien légendaire. Photo : Gail Harvey.

« Vous êtes une immense source d’inspiration. Vous ne pouvez imaginer ce que vous avez fait pour moi. Merci. »

— Terry Fox s’adressant aux habitants de la ville d’Oshawa, le 9 juillet 1980

Terry Fox est un Canadien légendaire connu dans le monde entier. Des milliers de personnes, au pays et à l’étranger, participent aux courses annuelles Terry Fox, et ce, depuis 35 ans. À ce jour, plus de 650 millions de dollars ont été recueillis au profit de la recherche sur le cancer, au nom d’un jeune homme extraordinairement dévoué et courageux qui croyait aux miracles.

Peut-être avons-nous à l’esprit Terry Fox et son Marathon de l’espoir tous les mois de septembre, mais, une fois les lignes d’arrivée franchies, les larmes séchées et les fréquences cardiaques revenues à la normale, la légende réintègre sa place dans la mémoire en attendant d’en sortir de nouveau un an plus tard. Pour beaucoup d’entre nous, la vie continue.

Ces deux dernières années, cependant, le Marathon de l’espoir a fait partie de ma vie quotidienne. Depuis juin 2013, je suis adjointe aux recherches de l’exposition Terry Fox – Courir au cœur du Canada qui sera bientôt inaugurée au Musée. Travailler sur un sujet aussi ancré dans l’âme canadienne aura été à la fois beaucoup plus éprouvant et gratifiant que je pouvais le concevoir.

Terry traverse l’Ontario à la course.

Terry traverse l’Ontario à la course. Photo : Gail Harvey.

D’entrée de jeu, on m’a demandé de revoir toutes les séquences existantes sur le Marathon de l’espoir. Tout au long de l’été, j’ai passé des heures à regarder Terry courir, prononcer des discours et profiter de rares moments de répit. J’ai retenu mon souffle en l’entendant raconter qu’il avait failli être happé par un camion de transport en Nouvelle-Écosse. J’ai souri en l’apercevant donner le coup d’envoi à un match de football opposant Ottawa à la Saskatchewan. J’ai ri en le voyant guerroyer à coups de gâteaux avec son jeune frère Darrell le jour de son anniversaire. J’ai grimacé lorsque je l’ai vu, allongé sur une civière, s’adresser en haletant aux journalistes à Thunder Bay pour leur dire qu’il devait retourner chez lui afin de suivre un autre traitement. Et j’ai pleuré lorsque l’infirmière Alison Sinson a annoncé, aux premières heures du 28 juin 1981, que Terry s’était éteint paisiblement, entouré de ceux qu’il aimait. En bref, j’ai revécu tout le Marathon de l’espoir, jour après jour, dans le confort de mon bureau.

Terry salue des admirateurs lors d’un rassemblement au Nathan Phillips Square de Toronto

Terry salue des admirateurs lors d’un rassemblement au Nathan Phillips Square de Toronto le 11 juillet 1980. Photo : Gail Harvey.

Comme je suis née presque dix ans après la fin du Marathon de l’espoir, la plupart de ces images m’étaient entièrement nouvelles. Alors que j’écoutais les discours et regardais encore et encore les images saisies sur le vif, j’ai commencé à rassembler les morceaux d’un Terry que les enfants n’apprennent pas à connaître à l’école. Le Terry que je découvrais n’était pas une légende pouvant facilement faire l’objet d’un film, d’un livre ou même d’une exposition. Il était tour à tour drôle et sérieux, charmant et maladroit, confiant et timide, enthousiaste et contrarié, dynamique et exténué. En un mot, il était vrai.

Le visionnement des séquences soulevait une question : comment pouvait-on résumer les multiples facettes de ce jeune homme dans une exposition? Devait-on même essayer? Après tout, Terry n’a jamais voulu attirer l’attention sur sa personne. « Tout ce qui compte, c’est de pouvoir vaincre le cancer, et que le Marathon de l’espoir continue », disait-il.

La réponse à ce dilemme était aussi étonnamment humaine : si une équipe de professionnels, y compris l’adjointe aux recherches qui écrit ces lignes, vit toute la gamme des émotions simplement en parcourant le contenu à l’état brut, pourquoi ne pas laisser celui-ci parler dans une exposition? En tant qu’historiens et chercheurs, nous pouvons décrire jusqu’à en perdre haleine les dures épreuves que Terry a dû surmonter avec sa prothèse rudimentaire. Toutefois, rien ne parle plus que l’image à l’écran d’un Terry qui, à bout de souffle, réussit l’exploit à peine imaginable d’avancer avec cette jambe artificielle qui lui fera parcourir une distance quotidienne de 26 milles (42 kilomètres) pendant 143 jours.

Terry Fox avait l’étoffe d’un héros, et je viens de consacrer une bonne partie des deux dernières années à regarder vidéos, photos, livres, carnets, lettres, coupures de presse et artefacts pour comprendre sa légende. Il s’avère que le titre de l’exposition ne pouvait être mieux choisi : Terry Fox a couru au cœur du Canada et a gagné le cœur des Canadiens et Canadiennes. On ne l’oubliera jamais.

Terry devant la camionnette du Marathon de l’Espoir

Terry devant la camionnette du Marathon de l’Espoir, quelque part entre Parry Sound et Estaire, en Ontario. Photo : Gail Harvey.

À l’occasion du 35e anniversaire du Marathon de l’espoir, le Musée canadien de l’histoire offre aux visiteurs la chance de revivre les grands moments de cette légende nationale. Je suis fière d’avoir pu contribuer dans une modeste mesure aux efforts de la merveilleuse équipe qui a monté cette exposition. Le rôle de nos Musées ne consiste-t-il pas, entre autres, à permettre aux visiteurs de plonger dans notre incroyable histoire?

Nous en sommes aux derniers préparatifs de l’exposition et tout sera bientôt terminé, mais je pense qu’aucun de nous ne cessera vraiment de penser à Terry Fox. Alors merci, Terry. Tu as été, et tu restes, une immense source d’inspiration, et tu ne peux imaginer ce que tu as fait pour nous.