Une Bible ordinaire… pas si ordinaire

Le 18 mars 2013

En quoi l’humble Bible que possédait Tommy Douglas, tirée à des millions d’exemplaires, est-elle si unique? C’est qu’elle a été non seulement le ferment de sa vie spirituelle, mais aussi de son action sociale et de son engagement politique, comme en font foi les nombreux soulignements, annotations et pages cornées de cette Bible, la seule qu’il ait jamais possédée. 

En effet, aux yeux de cet Écossais dont la famille s’installe à Winnipeg en 1919 (l’année de ses 15 ans), le christianisme est une religion sociale qui vise autant à améliorer la vie ici-bas qu’à la préparer dans l’au-delà. Cette croyance, appelée la Social Gospel, aura une profonde incidence sur son parcours.   

Bible de Tommy Douglas avec notes

Bible de Tommy Douglas avec notes
Photo : IMG2013-0066-0008-Dm

Déjà en 1919, l’adolescent est témoin de la grève générale qui secoue Winnipeg. Issu d’une famille pauvre, mais fière et croyante, il s’en montre le digne héritier. Actif  dans l’église baptiste, il décide de devenir pasteur. C’est chose faite en 1930. Il exerce son ministère à Weyburn, en Saskatchewan, éprouvée par la crise économique et la sécheresse. L’action politique lui paraît vite incontournable pour soulager ses semblables.   

Il laisse la chaire en 1934 pour se faire l’apôtre des Canadiens ordinaires par la tribune politique. Élu député fédéral de Weyburn en 1935, c’est en politique provinciale qu’il fait d’abord sa marque. Il sera premier ministre de la Saskatchewan de 1944 à 1961, sous la bannière de la Co-operative Commonwealth Federation (CCF), un parti ouvertement socialiste. Cela fait de lui le premier chef d’un gouvernement socialiste en Amérique du Nord. Il démissionne en 1961 pour œuvrer à Ottawa et cofonder le Nouveau Parti démocratique (NPD), qui succède à la CCF. Il en sera le chef jusqu’en 1971, puis il est nommé critique en matière d’énergie jusqu’à son retrait de la vie publique, en 1979. 

Les Canadiens lui doivent le premier régime provincial d’assurance-maladie au pays, qui voit le jour en 1961, ainsi que la première Déclaration des droits au Canada.

« L’apport de Tommy Douglas à la vie politique est inestimable, souligne Xavier Gélinas, conservateur à la division d’histoire politique canadienne du Musée canadien des civilisations. Au total, on lui doit une centaine de lois, dont on peut dire que plusieurs ont façonné l’identité canadienne. » 

Cette immense contribution lui vaut d’être reçu compagnon de l’Ordre du Canada en 1980. Il s’éteint le 24 février 1986. Sa Bible est aujourd’hui précieusement conservée dans les collections du Musée.