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Histoire des Autochtones du Canada
Tome I (10 000 à 1 000 avant J.-C.)

Les Paléoesquimaux anciens (Sommaire, Chapitre 21)

Les origines du Paléoesquimau ancien remontent aux cultures néolithiques du nord-est de la Sibérie (Dumond 1984; Irving 1968a; McGhee 1978). On a d'abord inventé le terme "Paléoesquimau" pour désigner une ancienne culture hypothétique de chasseurs de bœufs musqués qui se distinguait d'une culture de chasseurs de baleines à fanons qu'on croyait être les ancêtres des Inuits actuels (Steensby 1917). Lewis J. Giddings (1951; 1956) et William N. Irving (1953) ont employé ce terme pour désigner une technologie microlithique qui s'est propagée vers l'est depuis l'Alaska. Que cette culture ait développé sa singulière adaptation à l'environnement arctique en Sibérie ou en Alaska constitue une question encore controversée (voir McGhee 1978 et 1987 pour un examen des différentes hypothèses concernant les origines). Les Paléoesquimaux anciens ont été les premiers à réussir la maîtrise des contraintes environnementales de l'arctique de l'Amérique du Nord. Ces contraintes comprennent un froid glacial, une pauvreté de nourriture d'origine végétale, une disponibilité saisonnière limitée de la plupart de la nourriture d'origine animale, un nombre limité d'espèces de proies, et une rareté de combustible et de matières premières (McGhee 1974 : 831-832). Les Paléoesquimaux anciens aussi semblent avoir été les premiers êtres humains à exploiter effectivement les mammifères marins sur la banquise. Originellement, la "tradition des Outils microlithiques de l'Arctique" (Irving 1968a) englobait plusieurs variétés régionales ou de subcultures de la culture paléoesquimaude mais on s'est récemment entendu pour changer ce nom en "Paléoesquimau", terme plus court et plus implicite (Maxwell 1976). Paradoxalement il y a un certain fondement à reconnaître avec scepticisme une association générique directe entre les Paléoesquimaux et les Inuits du nord de l'Alaska, de l'arctique canadien et du Groenland connus par les documents historiques (McGhee 1978). La supposition originelle d'une association reposait sur le postulat que le mode de vie et la continuité culturelle semblait s'étendre depuis l'apparition initiale du Paléoesquimau vers 2 500 avant J.-C. jusqu'aux parlants Inuits du nord de l'Alaska (Anderson 1984). Si le Paléoesquimau représente vraiment une migration récente en Alaska depuis la Sibérie, alors on doit résoudre les problèmes de la nature de ses liens avec l'enregistrement archéologique des parlants Yuit du sud et du sud-ouest de l'Alaska et de la côte est de la Sibérie ou aux parlants aléoutiens des îles Aléoutiennes. Par exemple, est-ce que les Paléoesquimaux anciens parlaient une langue Chukotan du nord-est de la Sibérie (McGhee 1978 : Chapitre 2)? La nature de l'enregistrement permet plusieurs opinions possibles concernant la parenté susceptible d'exister entre les Paléoesquimaux et les Inuits. Ici, on privilégie une migration récente en Alaska depuis la Sibérie remontant à entre 3 000 et 2 000 avant J.-C. et, par conséquent, une migration vers l'est. Le terme Paléoesquimau est retenu plutôt que PaléoInuit car la parenté avec les parlants yuit du sud de l'Alaska n'est pas claire et que le témoignage même de continuité culturelle avec les parlants Inuits au nord est compromis par la discontinuité que constitue le complexe Old Bering Sea.


Masque - Dessin : David Laverie
Petit masque du Paléoesquimau ancien

Ce petit masque en ivoire remontant à 2 250 avant J.-C. récupéré d'un sol de tente au site Icebreaker Beach sur l'île Devon, T.N.O., représente, croit-on, le portrait d'une femme tatouée. Mesurant environ 54 mm par 29 mm, la sculpture a été exécutée avec un souci de réalisme en contraste avec l'art anthropomorphique du Paléoesquimau moyen. On le considère comme un exemple de la tradition de l'art stylistique et symbolique qui, plongeant potentiellement ses racines en Sibérie ou en Alaska, a eu cours pendant toute l'évolution du Paléoesquimau.

(Adapté de Helmer 1986 : 188. Dessin de M. David W. Laverie.)


La propagation rapide des Paléoesquimaux anciens dans tout l'arctique peut être attribuée à leur habilité d'exploiter le territoire au-delà des migrations saisonnières qui caractérisaient les cultures indiennes qui dépendaient des forêts. En dépit de l'absence d'une culture archéologique ancestrale située sur la côte de la Mer de Béring dont pourrait dériver le Paléoesquimau ancien, on privilégie une origine occidentale étant donné l'absence de cultures ancestrales potentielles en Alaska ainsi que l'apparition soudaine du Paléoesquimau ancien dans de grandes régions antérieurement inoccupées ou à peine occupées. Dans le dernier cas, il y a une discontinuité culturelle nette avec les occupations antérieures, ce qui permet de conclure à un remplacement de populations plutôt qu'à un changement culturel découlant d'une diffusion d'ordre technologique. Quant aux langues potentiellement parlées par les Paléoesquimaux anciens, on a remarqué que quelques-uns des descendants directs, les Tunis ou les Dorsétiens, étaient des parlants inuits d'après les traditions orales des parlants Inuits de notre époque dans l'arctique canadien (Rasmussen 1931 : 113-114).

L'apparition soudaine et la dispersion rapide du Paléoesquimau "...constituent non seulement le début de la préhistoire de la plupart de l'arctique américain mais révèlent aussi l'un de ses principaux mécanismes d'intégration à savoir le premier indice de l'intérêt dans, et de l'habilité de coloniser, l'extrême arctique, intérêt si fondamental à la conception qu'on se fait généralement de la nature des Esquimaux récents" (Dumond 1984 : 74). La caractéristique la plus singulière du Paléoesquimau a certainement été l'habilité de maintenir une population viable dans les vastes toundras et sur le littoral gelé de l'arctique de l'extrême nord. Une économie flexible, reposant sur l'exploitation des ressources terrestres et marines, et une technologie exceptionnelle ont permis à ces gens de prospérer les premiers loin au nord de la frontière forestière dans des régions potentiellement habitables dès 5 000 avant J.-C. (McGhee 1975 : 55). Dans l'enregistrement archéologique de l'hémisphère occidental, la propagation du Paléoesquimau à travers l'Arctique canadien depuis le nord de l'Alaska jusque dans le nord du Groenland pour délimiter un territoire dont la configuration ressemble à un triangle asymétrique de près de 5 000 km d'est en ouest et de 3 000 km du nord au sud, constitue un accomplissement qui n'a été dépassé que par la propagation des Paléoindiens des milliers d'années auparavant. Il y a des parallèles à établir avec les migrations antérieures. La technologie du Paléoesquimau ancien est d'une façon frappante similaire depuis l'Alaska jusqu'au Groenland ce qui permet de croire que la colonisation des nouveaux territoires n'a pas été seulement une démarche rapide mais qu'un degré inhabituel de cohésion culturelle et de conservatisme a été maintenu dans le temps et l'espace sur de vastes régions. Comme pour les Paléoindiens, le déplacement des Paléoesquimaux anciens s'est effectué dans des territoires inoccupés sauf le long de la limite orientale de leur territoire où ils ont remplacé ou réoccupé l'ancien territoire des "Indiens". On peut présumer que le gibier non habitué aux prédateurs humains aurait constitué initialement des proies faciles aux nouveaux arrivants, ce qui aurait favorisé ainsi une propagation accélérée des gens.

Dans toute cette région aussi énorme et topographiquement diversifiée qu'est l'arctique, un degré exceptionnel de mobilité a dû être maintenu afin de conserver les secteurs culturels. L'homogénéité culturelle aurait été favorisée par une organisation sociale qui régissait de petites bandes et qui comportait des règlements très flexibles eu égard à l'adhésion des membres. Un tel système aurait le mieux satisfait les exigences matrimoniales et sociales des bandes individuelles et aurait contribué à former des bandes étroitement reliées. Une série de bandes reposant sur une parenté étendue aurait donc agi comme un réseau social dans lequel les droits et les obligations auraient fourni un degré de sécurité sociale de toutes les parties composantes. Sans doute que les caprices de la disponibilité des ressources dans l'arctique auraient forcé le maintien d'une mobilité à la fois physique et sociale dans un réseau social ample. Plusieurs facteurs apparemment responsables du degré extraordinaire d'homogénéité culturelle chez les Paléoesquimaux anciens sont aussi présents chez leurs voisins, les Bouclériens moyens qui vivaient plus au sud. Un degré exceptionnel de mobilité, exigé par le caractère dispersé des ressources d'origine animale, se reflète dans les modes d'établissement. En plus de l'adhésion flexible à une bande accessible aux familles et aux individus, le mode de résidence des femmes entre les bandes et d'autres mécanismes d'assurance réciproque, notamment des partenaires de commerce entre les bandes, auraient agi comme un agglutinant pour tenir ensemble un système social géographiquement étendu. À ce propos, les contraintes rencontrées par les cultures de chasseurs dans l'arctique dénué d'arbres et par les cultures de chasseurs forestiers, quoique différentes en degré, auraient été similaires de nature du fait que les deux régions exigeaient un degré exceptionnel de mobilité et de flexibilité sociale renforcée par un très grand réseau de parenté consanguine et/ou fictive. Alors qu'un tel réseau social aurait accommodé la diffusion de caractères depuis l'arctique occidental, notamment des outils en ardoise polie et des lampes en pierre, les exigences locales auraient pu masquer le témoignage de la diffusion en changeant la forme des techniques introduites. L'insuffisante de nos connaissances quant au rôle de la diffusion par stimulus, c'est-à-dire la diffusion des connaissances technologiques plutôt que le transfert physique direct et la reproduction des objets ou ensembles techniques, a probablement inspiré la supposition douteuse que les cultures de l'arctique représentent des "systèmes fermés" (Maxwell 1980 : 163).

Il y a controverse concernant l'opinion voulant qu'au moins deux migrations initiales aient été impliquées dans l'occupation de l'arctique canadien et du Groenland. Les deux migrations auraient eu lieu lors des conditions climatiques plus chaudes qui ont accru l'ampleur des plans d'eau qui prévalaient entre 2 500 et 1 500 avant J.-C. (McGhee 1978; Nichols 1968; 1972). Se propageant apparemment dans l'extrême arctique, la première migration représentée par une sous-culture appelée l'Indépendancien I (Knuth 1952) n'a pas été identifiée en Alaska et a été datée par le radiocarbone à une époque plus ancienne dans l'est que le Paléoesquimau dans l'ouest. On présume donc que les plus anciens sites de l'Alaska n'ont pas encore été découverts. Cette migration entre 2 500 et 2 000 avant J.-C. a pu avoir été suivie par un second mouvement de population qui a eu lieu dans le bas arctique plusieurs siècles plus tard et qui est attribuée à la sous-culture pré-dorsétienne. Le Pré-Dorsétien manifeste des similarités plus spécifiques avec le Denbighien, sous-culture contemporaine du nord de l'Alaska, que ce n'est le cas pour l'Indépendancien I. Subséquemment à ces déplacements initiaux de colonisation, des populations reliées à la sous-culture de l'Indépendancien I semblent s'être dirigées vers le sud en suivant la côte des îles de Baffin et de là vers le nord de la côte du Labrador (Cox 1978; Fitzhugh 1976; Tuck 1975) et jusqu'à l'île de Terre-Neuve (Tuck : Sans date). Dans la même veine, vers 1 500 avant J.-C., des Pré-Dorsétiens de la région du golfe du Couronnement se dirigèrent depuis la côte arctique vers l'intérieur lors d'une détérioration du climat et s'établirent dans les Barrengrounds (Clark 1987; Gordon 1975; Noble 1971). Quelques-uns de leurs campements se retrouvent jusque sur la rive nord de lac Athapasca en Saskatchewan (Wright 1975) et dans le nord du Manitoba (Irving 1968). À peu près en même temps que les Paléoesquimaux anciens se déplaçaient dans les Barrengrounds, une population apparemment petite de Pré-Dorsétiens adaptés au milieu côtier se propageait en suivant les deux côtés de la baie d'Hudson (Nash 1969; Taylor 1962).

Vers la fin de la Période III, plusieurs changements ont lieu chez le Paléoesquimau ancien et marquent le début du Paléoesquimau moyen, appelé Dorsétien, de la Période IV. Le changement le plus significatif concerne, croit-on, la construction d'iglous et l'établissement de villages pour la chasse aux phoques sur la banquise. Des lampes à l'huile en pierre ou des équivalents potentiels non décelables en archéologie auraient constitué des éléments techniques nécessaires au chauffage, à la cuisson et à l'éclairage des iglous car des foyers ouverts ne pouvaient pas être utilisés dans des maisons de neige fermées. De telles lampes, très rares chez les Paléoesquimaux anciens, deviennent fréquentes après 1 000 avant J.-C. Apparaît aussi ce qui est considéré comme des couteaux destinés à la coupe des blocs de neige pour la construction des iglous. Cependant, le témoignage indirect indique que les villages hivernaux pour la chasse aux phoques sur la banquise ont peu avoir existé durant la Période III.

Sauf quelques exceptions, la conservation des restes organiques dans les sites du Paléoesquimau ancien est faible ou nulle. Cette situation constitue un contraste évident par rapport aux occupations subséquentes, car le développement croissant du pergélisol a assuré la conservation non seulement des os mais des matériaux organiques, notamment le bois. Par conséquent, l'étude de la technologie du Paléoesquimau ancien doit compter sur l'inventaire de l'outillage en pierre, une industrie dominée par une classe distinctive de burins et leurs chutes de ravivage. Si on en juge par les études de l'usure des burins (Gordon 1975; Maxwell 1985), ils fonctionnaient comme un genre de plane sur des matériaux durs, notamment l'ivoire et l'os. Les chutes obtenues par la méthode de "raviver" le tranchant du burin en détachant un seul éclat ont pu avoir servi de perçoirs. Les microlames obtenues de nucléus spécialement préparés constituaient un autre outil fréquent. Ces objets de grande importance et les armatures, en moins grand nombre, de pointes triangulaires et de pointes à pointe double pour les flèches et les têtes de harpon, et les becs se trouvent dans tout l'arctique de l'océan Pacifique à l'océan Atlantique (Maxwell 1985 : Figure 3.4). Lorsque les instruments en os survivent, de petites aiguilles comportant des chas ténus sont généralement présentes. Plus rares sont les harpons, initialement des types non basculants suivis des variétés basculantes.

Le témoignage direct eu égard à la subsistance est limité. Même quand les os sont conservés, leur signification culturelle est douteuse, particulièrement dans l'extrême arctique, étant donné l'habitude de brûler les os comme combustible et d'entreposer la nourriture accumulée en automne en vue de leur consommation hivernale. Le brûlage des os crée une distorsion de l'échantillon faunique en faveur des restes de petits gibiers qui étaient inappropriés comme combustible, et l'entreposage saisonnier de la nourriture confond les efforts pour déterminer la saison. Le Paléoesquimau a généralement été décrit comme ayant une économie d'acquisition de la nourriture impliquant l'exploitation des mammifères tant marins que terrestres mais la nature variable du territoire immense en question entraînait une variation régionale des économies. Dans certaines régions, par exemple, la chasse annuelle pouvaient se concentrer sur les caribous et les bœufs musqués ou, dans d'autres circonstances, sur les phoques. De tous les sous-systèmes culturels, les modes d'établissement plus que les restes limités d'origine faunique fournissent la base la plus fiable pour juger des activités d'acquisition de la nourriture. L'emplacement des sites dans tout le territoire du Paléoesquimau indique que les adaptations pouvaient être diffuses ou concentrées selon les circonstances locales. Cependant, la majorité des emplacements des sites indiquent une exploitation saisonnière équilibrée des animaux marins et terrestres impliquant la chasse au phoque sur les plans d'eau en été, la chasse aux caribous en automne dans l'intérieur vraisemblablement conjointement avec la récolte de l'omble en retournant sur les lacs de l'intérieur depuis l'océan, et la chasse aux phoques sur la banquise en hiver. Comme on l'a indiqué, il y avait plusieurs variations dans les rondes saisonnières visant l'acquisition de la nourriture mentionnée précédemment, notamment l'importance accordée à la chasse aux bœufs musqués par l'Indépendancien I dans le nord-est de l'extrême arctique. Un autre écart des rondes saisonnières destinées à l'acquisition de la nourriture impliquant la dichotomie mer/terre était le fait des chasseurs adaptés au caribou de l'intérieur et des pêcheurs des Barrengrounds du district du Keewatin quoique qu'on ne peut percevoir clairement si l'adaptation à l'intérieur des terres revêtait un caractère permanent ou constituait un événement saisonnier.

Un très faible témoignage nous donne un aperçu des croyances cosmologiques des Paléoesquimaux anciens. Quelques fragments de petits masques en os provenant de sites très récents situés dans la région d'Igloolik (Maxwell 1985) constituent des indices d'une forme quelconque de chamanisme. Cette fonction découle partiellement de l'art varié en deux ou trois dimensions du Paléesquimau moyen durant la Période IV. Un petit masque saisissant découvert dans l'extrême arctique semble représenter le tatouage d'un individu mais le symbolisme du motif est inconnu (Helmer 1986). Comme pour la plupart des groupes de chasseurs, les Paléoesquimaux croyaient vraisemblablement que tous les objets et les éléments avaient des pouvoirs spirituels. Ces pouvoirs, généralement indifférents aux humains qui constituaient aussi une partie intégrale du système, pouvaient, en fonction du comportement approprié ou non de la part des individus, provoquer des réactions bonnes ou mauvaises. Les chamans étaient les individus dont les pouvoirs spéciaux permettaient de manipuler les esprits dangereux.

Sauf les contacts culturels avec l'arctique occidental qu'entraînaient l'essaimage et la mobilité des individus et des familles, les Paléoesquimaux anciens semblent avoir eu relativement peu de contacts avec leurs voisins. Leurs voisins au Canada étaient la culture de l'Intérieur du Nord-Ouest dans le subarctique oriental, le Bouclérien moyen dans le sud du district du Keewatin et dans toute la forêt boréale jusqu'à la côte du Labrador, et le Maritimien moyen sur la côte du Labrador. Au fur et à mesure que les Paléoesquimaux anciens franchirent la frontière nord de ses voisins, on peut présumer que, en dépit d'une certaine contraction vers le sud de ces dernières cultures en raison de la détérioration du climat, les intrus étaient considérés comme des ennemis. Le témoignage de contacts directs entre les Paléoesquimaux anciens et les Maritimiens moyens dans le nord de la côte du Labrador revêt la forme d'outils étrangers diagnostiques impliquant l'addition à la technologie du Paléoesquimau ancien relative aux harpons à tête basculante qui ressemblaient aux formes du Maritimien moyen et, dans les sites du Bouclérien moyen, l'apparition de pointes de projectile à encoches latérales symétriques, qu'on croit être des pointes de flèche. De telles formes de pointes de projectile ont des prototypes dans des sites du Paléoesquimau ancien. Ainsi, il semble y avoir eu un échange d'éléments techniques se rapportant à la chasse, notamment les harpons à tête basculante du Maritimien moyen et l'ensemble arc et flèche du Paléoesquimau ancien (Tuck 1976a).

Un nouveau né ou un enfant prématuré découvert dans un sol d'occupation du site Rocky Point sur l'île Devon (Helmer and Kennedy 1986) représente les seuls restes squelettiques en existence qui peuvent certainement être attribués au Paléoesquimau ancien. Étant donné l'âge de l'individu, on ne peut rien dire de ses affinités biologiques. La conservation limitée des os durant la Période III et la possibilité que les restes des défunts aient été détruits par leur exposition aux éléments, réduisent les chances que des échantillons susceptibles d'éclairer les affinités raciales soient jamais découverts. Cependant, quant au Paléoesquimaux moyen (Dorsétien) de la Période IV, il semble "vraisemblable de prédire en toute sécurité que les restes squelettiques de ces cultures vont se conformer au modèle morphologique des Mongoloïdes de l'arctique" (Oschinsky 1964 : 32).

En dépit de la surface exceptionnelle des sites mis au jour, spécialement dans l'extrême arctique, la nature du témoignage du Paléoesquimau ancien souffre de limites importantes. Ces limites découlent des reconnaissances archéologiques souvent restreintes aux centres actuels de populations et de transport, la faible visibilité archéologique des vestiges archéologique peu nombreux laissés par des chasseurs très mobiles, les conditions des sols qui ont détruit les matières organiques, le soulèvement isostatique isolant les anciens sites à l'écart des régions des activités humaines récentes, l'érosion et la poussée des glaces sur les rives des rivières, les conditions du pergélisol qui ont détruit ou mélangé les dépôts stratifiés, et l'accumulation des dépôts de tourbe dans le bas et l'ouest de l'arctique qui a enseveli les restes archéologiques les plus anciens. En compensation partielle de ces inconvénients, on note la nature facilement reconnaissable de l'industrie lithique des Paléoesquimaux anciens et l'usage préféré par ces derniers des cherts de haute qualité et souvent de couleurs brillantes.


 
Tome ITome II

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