implication du salariat en politique coïncida étroitement avec les hauts et les bas du mouvement syndical au cours des années précédant la Première Guerre mondiale. L'action menée sur la scène politique se divisait ni plus ni moins en deux écoles de pensée. Les partis travaillistes indépendants, associés étroitement au syndicalisme professionnel et souvent créés par les conseils locaux du travail, étaient répandus un peu partout au pays. Ces partis professaient les idéaux du travaillisme, une idéologie mettant l'accent sur la réforme graduelle du capitalisme. Les travaillistes préconisaient des changements législatifs en vue de mieux protéger les travailleurs et de faire respecter leurs droits, la nationalisation des services publics et l'adoption de la journée de travail de huit heures. Une meilleure réglementation gouvernementale, croyaient-ils, mettrait fin à ce qu'ils percevaient comme l'hégémonie du capitalisme.

Par ailleurs, les partis socialistes qui prenaient naissance au cours de ces années envisageaient une transformation plus fondamentale du capitalisme. Certains socialistes étaient des marxistes appliquant, dans leur pratique, le modèle d'analyse de classes. D'autres socialistes, souvent chrétiens, se considéraient comme des socialistes éthiques. Le Parti socialiste du Canada et le Parti socialiste démocratique du Canada étaient les deux principaux partis socialistes de l'époque.

Ni les partis socialistes ni les partis travaillistes indépendants ne représentaient une menace sérieuse pour les partis politiques établis au pays. Néanmoins, en politique municipale, le salariat commençait à établir sa présence et il réussit à faire élire, à l'occasion, un membre au sein des législatures provinciales. Trois candidats travaillistes obtinrent un siège à la Chambre des communes : Arthur Puttee, de Winnipeg, Ralph Smith, de Vancouver et Alphonse Verville, de Montréal. Ces hommes provenaient de l'aile la plus modérée des partis travaillistes indépendants, un fait qui put être confirmé après les élections par leur adhésion au caucus du Parti libéral.

L'aspect peut-être le plus important de l'évolution de la politique travailliste date de la période précédant immédiatement le début de la guerre. Avant cette époque, les socialistes et les travaillistes, avec leurs idéologies différentes, étaient en lutte les uns contre les autres. Les socialistes croyaient qu'il fallait s'attaquer directement au capitalisme pour créer un monde meilleur pour la classe ouvrière tandis que les travaillistes étaient convaincus de la nécessité d'une réforme plus graduelle. Or, voici que dans beaucoup de villes du pays, les deux camps commencèrent à assouplir leur attitude et à collaborer sur beaucoup de questions d'intérêt local. Ce mode de collaboration se poursuivit durant les premières années de la guerre et, comme nous le verrons, eut d'importantes répercussions sur l'avenir politique des partis travaillistes à compter de 1916.



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