près la Seconde Guerre mondiale, de nombreux syndicats étaient résolus à affermir les progrès réalisés au cours des années précédentes. En outre, des milliers de travailleurs non syndiqués cherchaient à régulariser leur situation. Il est certain que tout le monde voulait prévenir le retour aux maigres salaires et à l'instabilité professionnelle qui avaient caractérisé l'entre-deux-guerres. Cette manière de penser creusa une fois de plus un fossé infranchissable entre les syndicats et bon nombre d'employeurs. Les entreprises n'étaient pas heureuses des concessions qu'avaient obtenues les syndicats durant la guerre et ne voulaient pas voir la portée de ces droits s'élargir. Conséquemment, une nouvelle vague de grèves s'abattit sur le pays. En 1950, lorsque les relations du travail entrèrent dans une période de calme relatif, aucune des grandes industries du pays n'avait été épargnée. Comme l'écrivit l'historien spécialiste du syndicalisme, Craig Heron, à propos de cette époque : [TRADUCTION]« Au moment fort de l'année 1946, les grévistes firent fermer l'industrie forestière en Colombie-Britannique, l'industrie du caoutchouc en Ontario, les ports du Centre du Canada, la chaîne de journaux de Southam, l'industrie sidérurgique du pays et des douzaines d'usines de production de masse durant la plus grosse grève jamais encore vue au Canada. » (Heron, p. 75) Dans les années qui suivirent, les exploitants d'abattoir et les cheminots déclenchèrent une gigantesque grève nationale. Au Québec, les travailleurs de l'amiante livrèrent littéralement bataille à la compagnie et à la police provinciale dans une violente bagarre qui marqua un tournant dans l'histoire du syndicalisme dans cette province.

Une décision judiciaire marquante fit suite à une grève se déroulant à Windsor, en Ontario, chez les travailleurs de Ford, qui furent au nombre de 17 000 à y participer. Le juge Ivan Rand accorda au syndicat, dans le cadre du règlement, le précompte obligatoire des cotisations syndicales. Le juge Rand conclut que tous les travailleurs dans une unité de négociation bénéficiaient des conventions négociées par le syndicat. Par conséquent, il raisonna qu'il leur fallait payer des cotisations, bien qu'ils ne fussent pas obligés d'adhérer au syndicat. Cette décision donna aux syndicats une stabilité financière dont ils n'avaient encore jamais joui. Cette formule, conjuguée à la décision du gouvernement fédéral de codifier le décret 1003 pour en faire la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends au travail, créa le cadre juridique qui régit les relations de travail au Canada durant les 30 années suivantes.

Les syndicats utilisèrent ce nouveau pouvoir de négociation pour s'assurer des hausses salariales et de meilleures conditions de travail et se pourvoir d'une protection contre les décisions arbitraires de la direction en matière de mises à pied et de promotions en instaurant un processus de griefs et une clause d'ancienneté. Les finances améliorées des syndicats leur permirent d'embaucher du personnel permanent et d'améliorer leur compétence sur le plan de la négociation collective. Il s'agissait là de mesures pour lesquelles les syndicats s'étaient battus à fond de train pendant longtemps. Ces victoires étaient certes importantes, mais les critiques s'inquiétaient d'une telle évolution qui risquait de rendre les syndicats trop bureaucratiques et moins enclins à répondre aux besoins de leurs membres.

En dépit de l'apparente solidarité chez les travailleurs durant la période d'après-guerre, de sérieuses divergences politiques continuèrent à diviser le mouvement. L'antagonisme entre les partisans du Parti communiste du Canada et de la Fédération du Commonwealth coopératif s'accentua avec la montée de la guerre froide en Amérique du Nord. L'hystérie politique gagnant du terrain, les sociaux-démocrates et d'autres anticommunistes emboîtèrent le pas aux syndicalistes américains. Ils expulsèrent les communistes de leurs syndicats industriels puis finirent par rejeter de leurs rangs un certain nombre de syndicats sous prétexte qu'ils abritaient des communistes. L'International Wood Workers of America, le plus gros syndicat de la Colombie-Britannique, ne fut pas épargné. Les communistes n'aidèrent pas leur cause en continuant à donner leur appui inconditionnel à l'Union soviétique et à ses alliés. Ce conflit au sein de la « centrale ouvrière » déboucha, dans les années 50 et 60, sur les combats les plus acharnés et les plus violents qu'ait connus l'histoire du syndicalisme au Canada. Sur une note plus positive, toutefois, le Congrès canadien du travail et le Congrès des métiers et du travail parvinrent à régler un grand nombre de leurs différends. Au début des années 50, des discussions sérieuses s'amorcèrent en vue de parvenir à une fusion de ces deux organes centraux.



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