Mer et monde : Les pêches de la côte est du Canada

Les grands enjeux de la gestion des pêches de l'Atlantique

Joseph Gough, M.A.

à la TABLE DES MATIÈRES


III. Problématiques actuelles et futures

Le MPO parle parfois d'une « pêche du futur », caractérisée par la durabilité écologique, la viabilité économique, la compétitivité internationale, une flottille conforme à la ressource, et un rôle accru des participants dans la prise de décisions. Ces buts ressemblent beaucoup à ceux des énoncés politiques plus élaborés des années 1970 et du début des années 1980.

Malgré ces énoncés politiques, plusieurs questions restent sans principe directeur clair. C'est particulièrement le cas de la répartition. Chacun a son opinion, défendue encore plus vivement en l'absence d'une politique publique reconnue.

Le MPO entreprend actuellement une Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique avec des consultations publiques qui se dérouleront en 2001. Cette révision vise à établir certains principes directeurs de la gestion des pêches.

On peut regrouper les divers aspects de la gestion des pêches sous trois grands volets : la compréhension de la ressource, une conservation et une protection de base, et la meilleure utilisation du poisson. Chaque volet comporte des problèmes; et chacun influe sur les autres.

IIIa. La compréhension de la ressource

Malgré l'augmentation de la recherche universitaire, les scientifiques et les techniciens du MPO demeurent les principaux chercheurs en biologie et en environnement du Canada. Plus d'un millier de scientifiques et de membres du personnel connexe étudient directement les poissons et les océans, et des centaines d'autres œuvrent en sciences de l'environnement et de l'habitat. Les chercheurs étudient l'histoire et la migration des poissons; ils évaluent et prévoient surtout les stocks des espèces à nageoires.

La conservation était déjà un enjeu clé avant l'effondrement de la morue; mais jusqu'alors, on pensait en général que la situation était plus ou moins sous contrôle. Depuis la crise, le gouvernement et l'industrie pensent davantage à la conservation. Conformément aux recommandations du Conseil de conservation des ressources halieutiques, les quotas sont sévèrement contrôlés.

Les scientifiques du MPO et les gestionnaires des pêches placent maintenant la conservation au cœur de leur mission. Ils adoptent le principe de précaution (en effet, la Loi sur les océans de 1997 prévoit spécifiquement un principe de précaution axé sur la prudence). Malgré les réductions financières gouvernementales des années 1990, les scientifiques ont amélioré leurs techniques et leurs données, et sont mieux en mesure de déterminer les risques associés aux diverses capacités de pêche.

Dans le grand public, plusieurs environnementalistes adoptent la ligne dure en faveur de la conservation, et insistent sur la préservation. L'industrie de la pêche par contraste met l'accent sur l'utilisation pratique et tend à accorder le bénéfice du doute à la pêche. Le MPO cherche l'équilibre; il favorise d'abord la conservation tout en sachant qu'il est impossible d'éviter tout risque à tous les stocks et espèces. Une approche raisonnable peut tout de même encourager la pérennité et la biodiversité.

Aujourd'hui, les chercheurs tentent de faire participer l'industrie de la pêche plus étroitement aux pratiques scientifiques avec de bons résultats dans certains cas. Notamment, les plus petites pêches plus homogènes et en meilleur état, telles celles du pétoncle au large et du crabe des neiges du golfe Saint-Laurent, coopèrent souvent à la cueillette de données. Les représentants des pêcheurs assistent maintenant de routine aux réunions d'évaluation des scientifiques; et le Conseil de conservation des ressources halieutiques organise des réunions publiques sur ses recommandations.

Le système d'évaluation des stocks

En ce qui a trait aux espèces à nageoires comme la morue et le hareng, les évaluations dépendent beaucoup des données sur les captures recueillies par la gestion des pêches. En outre, les navires de recherche effectuent des études systématiques et documentent l'abondance de poissons avec des sondages acoustiques et des chaluts échantillons.

Les scientifiques évaluent l'abondance des classes d'âge particulières, puis les additionnent pour obtenir une vue d'ensemble. Ce système est beaucoup plus précis pour les classes d'âge plus vieilles mieux connues grâce aux données sur les captures. Pour les classes d'âge plus jeunes, les chercheurs doivent faire des hypothèses informées. Aujourd'hui, les scientifiques déclarent que, même pour les stocks les mieux connus, leur évaluation de la taille de la biomasse comporte un taux d'erreur de 25 % à 30 %.

Les chercheurs doivent faire face à plusieurs difficultés dans l'évaluation et la prévision des stocks d'espèces à nageoires. Ils sont incapables de prédire le « recrutement » – c'est-à-dire la survie du frai et l'intégration des alevins dans le stock pêchable. En outre, les évaluations et les prévisions subissent parfois les contrecoups des vices statistiques dus aux rejets en mer et aux captures non déclarées ou dissimulées par les pêcheurs.

Il n'existe pas de système comparable pour la prévision de la biomasse des crustacés, en partie parce qu'il est très difficile d'établir l'âge des animaux. Une évaluation des stocks a lieu, de manière plus générale, pour le crabe des neiges, le pétoncle et, jusqu'à un certain point, la crevette. Ces pêches dans les différentes régions, sont souvent soumises à des quotas, mais non les homards côtiers.

La rareté du poisson de fond

Si la pêche de certains stocks de poissons de fond a repris avec prudence, le moratoire est maintenu sur la morue du Nord qui est le plus gros stock de tous. Aujourd'hui, les scientifiques s'accordent à dire que la surpêche a causé l'effondrement et que les facteurs environnementaux l'ont accentué. En effet, l'abondance et la vigueur de certains stocks ont chuté même dans les régions où l'on ne pêche pas.

Il semble que les pêches exerçaient déjà une grande pression dans les années 1980, en raison des quotas élevés aggravés par les rejets et les fausses données; toutefois, les conditions environnementales étaient alors plus favorables. Lors de leur modification, la poursuite d'une pêche importante provoqua l'effondrement. En ce qui concerne les stocks de poissons de fond chevauchant la zone de 200 milles, la pêche étrangère augmentait de manière significative la pression. Toutefois, personne n'a pesé de manière concluante tous les facteurs, à cause d'un manque de données précises sur les captures.

Au Canada avant l'effondrement, les pressions de l'industrie et les décisions des gestionnaires des pêches et des ministres ont permis l'octroi de quotas plus élevés que recommandés. Le MPO reconnaît aussi, de prime abord, les limites de ses techniques d'évaluation.

Lors de l'imposition du moratoire sur la morue du Nord en 1992, nombreux sont ceux dans les collectivités de pêche qui s'attendaient à une reprise dans quelques années, sept tout au plus. Neuf ans plus tard, la morue est toujours très rare et personne ne fait des prévisions sûres quant à la reprise. Certains soupçonnent que les troupeaux de phoques contribuent à ralentir le rétablissement du stock; d'autres pointent plutôt les facteurs environnementaux.

Si, dans bien des régions, on note un refroidissement des eaux au large de la côte est, on ne comprend qu'en partie les facteurs environnementaux influant sur la survie du poisson de fond. Certains pensent qu'un changement écologique de grande portée – un « changement de régime » – se déroule actuellement et qu'il continuera de miner la survie du poisson de fond et le rétablissement des stocks.

L'essor de la pêche des crustacés

Pourquoi la pêche du homard, de la crevette et du crabe a-t-elle augmenté? Encore une fois, personne ne le sait. Le déclin du poisson de fond a peut-être réduit la prédation; des effets environnementaux semblent à l'œuvre, mais on ne sait pas comment. Dans certaines régions, les températures plus froides de l'eau ont profité au crabe des neiges et à la crevette; mais on ne voit pas de relations évidentes entre les changements récents de température et l'abondance du homard.

Le Conseil de conservation des ressources halieutiques a prévenu de la menace que la pêche fait peser sur le homard en particulier, car on le capture souvent avant sa reproduction. Le MPO a récemment pris des mesures de conservation pour encourager une plus grande production d'œufs. Les déclins cycliques sont probables chez le crabe et la crevette. Ceci dit, les crustacés confondent souvent les prévisions scientifiques.

Autres enjeux de conservation

Si la plupart des problèmes de conservation sont liés au nombre de captures, à la taille et à l'âge de la première capture, ou à l'environnement, les solutions sont multiples. Certains suggèrent qu'outre les règlements habituels, le gouvernement bannisse les méthodes de pêche les plus destructrices et favorise des engins de pêche moins nuisibles.

Le MPO a pris certaines mesures pour favoriser les engins sélectifs et passifs. Toutefois, le ministère considère en général qu'une mauvaise utilisation de presque tous les types d'engins les rend destructeurs et qu'une bonne utilisation favorise la conservation. Certains engins sont la seule façon de pêcher le poisson de certains secteurs.

Le poisson a besoin d'un milieu de vie sain et la Loi sur les pêches est dotée de grands pouvoirs environnementaux. Le MPO doit constamment composer avec des enjeux tels que la construction de barrages, de routes et de logements, et l'exploration minière ou pétrolière au large.

Récemment, les zones de protection marines (ZPM) ont suscité de l'intérêt. La Loi sur les océans les régit. Le MPO en a constitué une et en examine d'autres. Si les ZPM peuvent aider, leur efficacité dépend toujours des activités avoisinantes; plusieurs espèces de poissons sont de grands migrateurs.

L'idée d'adopter une « approche écosystémique » est également populaire. Toutefois, les scientifiques commencent tout juste à comprendre le vrai sens de cette expression, en raison de la complexité de l'écosystème.

Certains préconisent de nouveaux efforts pour élaborer une « éthique de la conservation » chez les utilisateurs de la ressource. Le MPO a rarement entrepris de grandes campagnes publiques de conservation. Cependant, il encourage la conception et l'utilisation d'engins de pêche sélectifs. Il remet des prix et lance des messages en faveur d'une pêche responsable. L'industrie et le gouvernement ont élaboré ensemble le Code de conduite pour une pêche responsable. Il s'agit de savoir si c'est suffisant.

En général, l'industrie des pêches et la population canadienne peuvent-elles compter sur des stocks fiables dans le futur? Malgré les progrès réalisés dans l'efficacité de la science et de la gestion, le partage des responsabilités avec l'industrie et la sensibilisation à la conservation, des risques demeurent. Même le meilleur système n'offre aucune garantie contre les facteurs écologiques.

Les perspectives s'amélioreront si et quand la capacité de la flottille de la côte est correspondra à la ressource (actuellement, la surcapacité demeure malgré une certaine réduction de la flottille), et si on impose des limites raisonnables à la quantité et à la taille des captures.

IIIb. Une conservation et une protection de base

La Loi sur les pêches et d'autres lois accordent au MPO l'autorité de contrôler qui peut pêcher, quand, où, comment, quelle espèce et quelle quantité. Les règlements fédéraux visent également la transformation du poisson. Les provinces accordent des permis aux usines et contrôlent la plupart des autres aspects de la transformation.

Le MPO fait respecter les règlements de la pêche de l'Atlantique au moyen d'un corps de plusieurs centaines d'agents de pêche qui travaillent sur terre et dans des navires de patrouille, petits et grands. Ils font respecter des milliers de règlements différents. En outre, plusieurs pêches sont dotées de plans annuels détaillés établis par politique; idéalement, ils résultent de vastes consultations menées auprès de l'industrie et d'autres parties intéressées.

En tant que bien commun, les pêches ont toujours exigé beaucoup de contrôle. Les dépenses de mise en application des règlements sont considérables, même après les réductions gouvernementales des années 1990. La loi prévoit déjà des amendes importantes (même si les juges ne les imposent pas toujours) et le ministre peut retirer les permis.

Pourtant, le respect des règlements reste un problème évident, quoique d'une ampleur indéterminée. Certaines flottilles auraient multiplié par deux leurs quotas durant les années 1980 et 1990. La conservation est menacée plus que jamais par l'immense capacité de pêche des navires modernes qui violeraient les règlements.

Pourquoi les pêcheurs n'obéissent-ils pas aux règles de conservation par pur intérêt? Malgré les quotas individuels de nombreuses pêches, la pêche reste un bien commun. Plusieurs pêcheurs considèrent qu'un poisson dans le filet aujourd'hui en vaut bien deux demain.

Ceci dit, le respect des règlements s'est grandement amélioré dans la pêche au homard ces dernières années et l'effondrement du poisson de fond a rehaussé la sensibilisation à la conservation.

Certains déclarent que les quotas individuels ont amélioré l'auto-conformité dans certains groupes. D'autres soulignent que, notamment en ce qui concerne le poisson de fond, la subdivision du total autorisé des captures en milliers de quotas individuels a compliqué encore plus le contrôle. Pour contrebalancer cette tendance, le ministère a imposé un programme de vérification à quai financé par les pêcheurs dans la plupart des pêches de l'Atlantique.

Le Canada et d'autres États patrouillent les eaux à l'extérieur de la zone de 200 milles. La sanction des infractions relève de l'État de leur pavillon. Ce système a créé de grandes difficultés compte tenu du comportement irresponsable de certaines flottilles étrangères dans les années 1980 et 1990. Le Canada a fait des pressions pour conclure l'Accord des Nations Unies sur les pêches, sur le point d'être ratifié, qui accroîtra, jusqu'à un certain point, le pouvoir de contrainte des États côtiers.

IIIc. L'utilisation du poisson

Qui devrait profiter du poisson et comment? Depuis l'approche plus interventionniste de la gestion dans les années 1970, cette question est encore plus actuelle. Aujourd'hui, elle implique les facteurs suivants :

  • Les objectifs socioéconomiques
  • La répartition et l'accès
  • La qualité et la commercialisation
  • Les pêches autochtones
  • La régie des pêches

Les objectifs socioéconomiques

Dans sa politique sur les pêches commerciales de 1976, le Canada énonce plusieurs bénéfices optimaux pour la société canadienne et le ministre de l'époque, l'honorable Roméo LeBlanc, se déclare partisan des pêcheurs côtiers et de leurs collectivités.

Toutefois, en pratique, le système de quotas, de zones et de permis mis en place consacre largement les parts existantes des pêches et n'entraîne aucune redistribution majeure aux secteurs côtiers ou autres. Les décideurs espèrent que l'abondance accrue, la limitation du nombre de bateaux, l'amélioration de la qualité et du marketing, et un pouvoir plus grand accordé aux pêcheurs amélioreront la situation pour tous.

Après la crise industrielle du début des années 1980, le Groupe de travail fédéral sur les pêches de l'Atlantique énonce les priorités politiques suivantes : d'abord, la viabilité économique; deuxièmement, un maximum d'emplois; et, troisièmement, la canadianisation. Sous la viabilité, le groupe de travail envisage la fermeture ou la consolidation de certaines usines assez grandes. Toutefois, les collectivités livrent d'importantes luttes contre les fermetures, et les entreprises « restructurées » continuent d'exploiter la plupart des usines jusqu'à l'effondrement du poisson de fond au début des années 1990.

Durant les années 1980 et 1990, les partisans débattent des mérites de ce qu'on appelle alors les pêches « sociales » par opposition aux pêches « économiques » (les termes sèment souvent la confusion).

En gros, les plus grandes entreprises exploitant les plus gros navires demandent :

  • Plus de liberté d'exploitation pour les entreprises avec un accès plus sûr à la ressource.
  • La mise au rancart de la règle du « propriétaire-exploitant », cette politique des années 1970 qui interdit aux plus grandes entreprises de s'approprier les bateaux des pêcheurs autonomes. Le secteur privé (entreprises de transformation et certains propriétaires de navires) soutient qu'on doit lui permettre d'acquérir ces permis. Si les pêcheurs autonomes peuvent acheter les usines de transformation, pourquoi les usines ne peuvent-elles pas acheter les bateaux des pêcheurs autonomes? Dans quelques secteurs, les entreprises ont contourné la règle du propriétaire-exploitant par d'autres moyens.
  • Une plus grande utilisation des droits de quasi-propriété. Les entreprises favorisent l'utilisation accrue des quotas transférables grâce auxquels elles peuvent obtenir un accès plus sûr à la ressource. Les quotas transférables encourageront un système plus entrepreneurial, favoriseront l'efficacité, contribueront à une meilleure « pêche pour le marché », une pêche moins saisonnière et susciteront un sentiment de propriété de la ressource qui favorisa la conservation.
  • La fin de la pêche « sociale » dont les caractéristiques comprennent des subventions fréquentes ou des programmes ponctuels de création d'emplois, un recours excessif à l'assurance-chômage et une efficacité moindre.

Par contraste, les pêcheurs propriétaires de petits bateaux et certains représentants des collectivités soutiennent évidemment que :

  • Les bateaux plus petits et semi-hauturiers peuvent être tout aussi rentables, même s'ils sont plus saisonniers; et que la saisonnalité n'est pas le pire des problèmes.
  • Ces flottilles de secteurs, si elles obtiennent les allocations nécessaires, peuvent assurer autant d'emplois dans les usines de transformation que les plus grands exploitants et plus d'emplois dans les pêches.
  • Les collectivités de pêche sont le fondement socioéconomique et culturel de la côte atlantique; le gouvernement doit empêcher les entreprises de fermer les principales usines de façon à détruire les collectivités.
  • La règle du propriétaire-exploitant demeure nécessaire pour des raisons tant sociales qu'économiques.
  • Les quotas individuels (ou les « contingents d'entreprise ») détenus par les grandes entreprises constituent en fait la privatisation d'une ressource de bien commun.

Ces façons de penser s'opposent toujours, mais le ton a baissé un peu ces dernières années. Dans la pêche au poisson de fond, habituellement la plus litigieuse, plusieurs pêcheurs autonomes ont eux-mêmes adopté des quotas individuels. Et les principales usines ont pour la plupart fermé leurs portes.

Aujourd'hui, les gouvernements provinciaux semblent moins enclins, comme jadis, à encourager de nouvelles ou de plus grandes usines de poisson pour favoriser l'emploi. L'effondrement de la morue a bien fait comprendre les limites de la pêche et son incapacité à subvenir aux besoins de tous. La plupart des parties conviennent que les pêches ne sont plus, comme jadis, l'employeur de dernier recours (« je peux toujours aller pêcher »).

La répartition et l'accès

Les arguments au sujet des bénéfices économiques et sociaux tournent généralement autour de qui obtient le poisson, au moyen de permis et de quotas. Lorsqu'ils traitent d'accès et de répartition, le MPO et ses conseils consultatifs tiennent compte d'une liste de facteurs comprenant la proximité physique de la ressource, les parts historiques et plusieurs autres. Toutefois, le ministère n'accorde pas de poids particulier aux différents éléments. Ainsi, on peut débattre de l'enjeu de la répartition sous tous les angles.

Les problèmes non résolus sont souvent renvoyés au niveau ministériel. La décision ultime, peu importe son équité, provoquera des accusations de pressions excessives ou « politiques ». On en appelle fréquemment à « dépolitiser les pêches ».

À l'occasion, le MPO a mis de l'avant l'idée d'une agence autonome pour traiter des questions d'accès et de répartition conformément à un ensemble plus rigide de règles. Toutefois, cette suggestion ne fait pas consensus. La Révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique abordera cette question.

La qualité et la commercialisation

Durant plusieurs années, le MPO a mené un programme d'inspection des pêches très actif pour assurer la sécurité des produits et favoriser de plus hautes valeurs. L'Agence canadienne d'inspection des aliments fait maintenant un travail similaire. Dans les années 1980, le MPO a lancé un appel en faveur d'un système à grande échelle pour classer les produits et améliorer la commercialisation. Malgré la disparition de ce concept, les discussions techniques connexes, la formation en industrie, la restructuration des grandes entreprises et les facteurs du marché ont entraîné une amélioration importante tant de la qualité que de la commercialisation.

Les pêches autochtones

En 1992, la décision « Sparrow » de la Cour suprême du Canada pave la voie à une participation accrue des Autochtones dans la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Le MPO réagit en élaborant une stratégie des pêches autochtones pour favoriser cette participation de manière plus ordonnée. En vertu d'un programme de garde-pêche autochtones, les Autochtones aident dans bien des secteurs à contrôler les pêches. On compte aussi un certain travail scientifique et d'amélioration; en outre, le ministère aide des Autochtones à devenir pêcheurs commerciaux. Les affaires semblent plutôt stables dans la plupart des régions.

Le 17 septembre 1999, une décision de la Cour suprême du Canada remet profondément en question les pêches du Québec et des Maritimes. En effet, la décision « Marshall » déclare que les Mi'kmaq, les Malécites et Passamaquoddy ont un droit issu d'un traité de pratiquer la pêche commerciale, ce qui suscite des revendications et des contre-revendications passionnées entre les représentants autochtones et les pêcheurs commerciaux, le tout accompagné d'accrochages en mer.

Le 17 novembre 1999, la Cour suprême précise que le gouvernement fédéral a le pouvoir de réglementer la pêche découlant d'un traité comme les autres, dans des limites raisonnables.

Durant l'année 2000, le MPO a négocié des ententes de pêche intérimaires avec 30 des 34 Premières Nations concernées. Ces ententes comprennent : l'accès aux bateaux, aux permis et aux quotas, de la formation et de l'aide additionnelle pour favoriser la réussite de la pêche. Plusieurs millions de dollars ont servi à compenser quelque 200 pêcheurs commerciaux traditionnels qui ont choisi de retirer leurs permis volontairement pour les rendre accessibles aux Autochtones.

Les représentants autochtones ont travaillé avec le MPO à un programme de formation qui permettra aux Autochtones de mieux connaître la pêche moderne et les aidera à recruter leurs propres formateurs ou « mentors ». Le MPO souhaite également une plus grande participation autochtone au système des comités consultatifs. En outre, le ministère des Affaires indiennes et du Nord doit diriger un vaste processus à long terme pour régler la situation.

La plupart des « bandes Marshall » semblent raisonnablement satisfaites des progrès actuels malgré de nouvelles demandes. Toutefois, deux collectivités, celles d'Indian Brook et de Burnt Church, contestent les règlements fédéraux et revendiquent leur propre droit de gérer les pêches, ce qui a de nouveau provoqué des affrontements publics. La décision de la cour et les conflits publics ont suscité des réactions ailleurs au Canada et ont alimenté de nouvelles ambitions à l'égard des pêches dans certaines collectivités autochtones que la décision Marshall ne touchait pas.

Les « bandes Marshall » elles-mêmes comptent plus de 25 000 personnes de tous âges. Un an après la décision de la Cour suprême de septembre 1999, les représentants autochtones ont déclaré qu'ils avaient déjà donné de l'emploi à plus de 500 personnes dans la pêche ou dans des domaines connexes. Leurs attentes demeurent élevées pour l'avenir.

Certains observateurs déclarent qu'il sera peut-être plus difficile de trouver des pêcheurs en activité prêts à retirer leurs licences. Quelques-uns pensent que les pêches, avec leur histoire houleuse, pourront régler par elles-mêmes les problèmes économiques des collectivités autochtones des Maritimes dont les taux de chômage sont les pires du pays.

Durant 2001, il sera peut-être possible de clarifier la situation puisque les représentants fédéraux, autochtones et, dans certains cas, provinciaux aborderont les problèmes à long terme, notamment les nouvelles variables d'anciennes questions : combien de personnes la pêche peut-elle raisonnablement faire vivre, qui a le premier droit au poisson, et qui prendra les décisions.

La régie

Historiquement, les grandes entreprises influencent beaucoup la politique et la gestion des pêches; les pêcheurs aussi, mais de nanière beaucoup moins organisée. Toutefois dans les années 1970, ils font davantage entendre leur voix. Le ministère met sur pied des comités consultatifs de l'industrie pour chacune des pêches importantes et incite aussi les pêcheurs à renforcer leurs organisations existantes et à en créer de nouvelles.

Les comités consultatifs représentent typiquement les pêcheurs et les transformateurs, et souvent les représentants autochtones et d'autres parties. Ils sont maintenant bien enracinés. Si le MPO conserve l'autorité de la prise de décisions finales, certains comités jouent un rôle très important dans la gestion des pêches et possèdent presque un pouvoir de veto sur les décisions gouvernementales.

Toutefois, certains conseils consultatifs des pêches trouvent toujours difficiles de discuter des fondements de leurs décisions, surtout quand différents secteurs ou types d'engins sont concernés. L'absence d'information et de compréhension communes complique parfois la situation. Même des questions plutôt simples sont soumises à la décision du MPO.

Certaines petites organisations de pêcheurs auraient aimé avoir davantage de capacité administrative et sont souvent aux prises avec leurs propres membres. À Terre-Neuve, la province la plus organisée, les gouvernements fédéral et provincial ainsi que le syndicat des pêcheurs ont coopéré à un programme de « professionnalisation » qui oblige les nouveaux venus à suivre une formation et qui accrédite les pêcheurs professionnels. Le Québec est sur le point d'adopter une même approche ainsi que la région sud du golfe Saint-Laurent jusqu'à un certain point. Les pêcheurs du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et de la baie de Fundy, historiquement parmi les plus prospères, sont plutôt attentistes concernant la professionnalisation.

Malgré divers problèmes, l'approche centrée sur la consultation et la « cogestion » a fait son chemin. La cogestion a particulièrement progressé dans les pêches homogènes et prospères telles celles de la crevette du Nord, du crabe et du pétoncle au large. Toutefois, dans bien d'autres pêches également, l'industrie a obtenu davantage de pouvoir grâce aux conseils de gestion locaux ou aux ententes de projets conjoints.

Si certains dans l'industrie favorisent une autorité centrale forte et une approche raisonnable du MPO, la plupart désirent toujours plus de consultation et de cogestion. Quelques-uns suggèrent un élargissement des pêches spécifiques à des conseils plus englobants.

Le MPO lui-même incite l'industrie à jouer un plus grand rôle dans la gestion. Dans les années 1990, le ministère a favorisé le « partenariat » qui aurait nécessité des changements législatifs afin de permettre la conclusion d'ententes comprenant davantage d'obligations juridiques pour les pêcheurs. La méfiance de l'industrie et la crainte du transfert de responsabilités ont fait dévier cette initiative. Le même sort guettait les propositions gouvernementales pour une certaine forme de conseil, indépendant du gouvernement, qui s'occuperait de la répartition et des quotas controversés.

Malgré ces écueils, il y a progrès. Le système de gestion, peu importe ses défis, relève plus que jamais de la responsabilité de l'industrie.




 
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