Mer et monde : Les pêches de la côte est du Canada

En quête du délice des jours maigres
Le voyage de pêche du Saint-André (1754)
En quête du délice des jours maigres : 
Le voyage de pêche du Saint-André (1754)

Par Jean-Pierre Chrestien à la TABLE DES MATIÈRES


La pêche sur le Grand Banc

Rixe à bord
 

Les rapports entre les hommes d'équipage n'étaient pas toujours harmonieux. Bien que plusieurs membres d'équipage aient été souvent apparentés, des conflits naissaient parfois. On peut facilement imaginer la difficulté de vivre ensemble de six à dix mois dans un espace restreint et des conditions assez pénibles. Les conflits de personnalité pouvaient prendre des proportions et la moindre incartade déclencher la bataille. C'est peut-être ce qui arriva à bord du Saint-André le 30 juin 1754. Ce jour là — 410 morues avaient été prises, ce fut l'une des meilleures journées de la campagne —, en début de soirée, par beau fin et petit vent, fatigués et banqués depuis près de deux mois, le saleur et le contremaître en viennent aux coups. Mais laissons plutôt Jean Marin Le Roy nous présenter son procès verbal de l'altercation :


Nous, soussignés, officiers, majors, mariniers, matelots et Monsieur du navire, le Saint-André, commandé par le capitaine Gabriel Bellet d'Honfleur, que ce jour, trentième jour de juin mil sept cent cinquante quatre, étant à la pêche des morues vertes sur le Grand Banc de Terre-Neuve, par la latitude de 43 degrés 56 minutes Nord et environ 22 lieues un tiers sur le Banc. Le capitaine a fait carguer le grand hunier environ sur les sept heures du soir. Le saleur étant à carguer le point dessous le vent, il me semble 112 qu'il a dit au contremaître qu'il fallait gréer les écoutes de hune 113 parce qu'elles étaient trop sèches. Le contremaître a répondu qu'il n'entendait point de commandement de lui. Le saleur lui a fait réponse qu'il vint les carguer lui-même puisqu'il en parlait si à son aise. Sur le champ le contremaître est sorti hors de son baril et a passé d'avant en arrière et est venu frapper le saleur à coups de poing. Et puis ensuite, il a pris un double de manœuvre et lui en a frappé plusieurs coups sur la tête. Le saleur s'est défendu de son mieux. Le contremaître voyant cela l'a quitté et a été prendre un gaffot de bois de hou (dont la longueur est d'environ deux pieds et demi et environ trois pouces de grosseur) et en a frappé le saleur rudement sur les bras et sur la tête, dont un coup lui a ouvert la tête, qu'on lui voyait le crâne, et l'a rendu incapable de faire son devoir de saleur et hors d'état de pêcher. Dans cette bataille 114, le saleur a pris un éclat de bûche pour se défendre, mais comme c'est un homme ancien, il n'a pu se défendre. Moi, Jean Marin Le Roy, pilote et second dudit navire ci-dessus nommé étant à l'étal pour habiller environ 40 morues, j'ai crié au contremaître de se tenir tranquille et de ne pas frapper. Il a fait le sourd à ma voix et a continué sur le champ. Je suis sorti pour empêcher le bruit. Le contremaître m'a repoussé avec violence en me disant que j'eus à me retirer. Au même temps, le chirurgien est venu, le capitaine aussi, plusieurs de l'équipage, et 115 nous avons fait cesser le bruit. Après quoi, nous avons signé après lecture faite [signature : ] Jean Marin Le Roy        G. Bellet


Cette bastonnade mis donc le saleur dans un tel état qu'il fut par la suite incapable d'accomplir son devoir et même de pêcher.



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