Marius Barbeau Un aperçu de la culture canadienne (1883-1969)
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La vie de Barbeau

Le temps du travail

Mon père étant cultivateur, jardinier, avait beaucoup d'ouvrage à faire sur sa grande terre. Il lui fallait de l'aide. Il engageait des voisins pour diverses tâches: le vieux Marcoux, pour battre son grain dans la batterie; Michel Leclerc, pour l'aider à faire le sucre d'érable, etc. Pour être utile, mon père me faisait « sarcler » dans son jardin les mauvaises herbes, des longues rangées d'oignons, de carottes, etc toutes recouvertes de mauvaises herbes, surtout du mouron. À « quatre pattes » je sarclais. Mais je n'aimais pas ça. Il fallait me soumettre à l'auto­rité.

Puis venait le temps des labours. Et mon père qui était premier prix d'agriculture dans la paroisse en labou­rait grand avec une paire de boeufs. C'était moi, petit garçon, le « toucheur » des boeufs. Avec une grande baguette, je criais: « Hue! Dia » (gauche, droite) et les boeufs se soumettaient lentement. Cela à la grande journée, sur les coteaux, loin de la maison. Mon père, rêveur, mélancolique, souvent irrité, ne me parlait jamais. J'avais hâte au déjeuner dans un panier, préparé avant le départ par ma mère qui n'allait jamais aux champs. J'avais faim, c'était bon! Les champs et les coteaux c'était beau, mais triste à l'automne. Quelle tâche ennuyeuse, sillon après sillon. Il n'y avait plus de fin!

Pendant le temps des foins, je foulais dans la grande voiture à panier avec ma petite soeur Dalila. J'avais alors dix ou onze ans. Je devenais fils « d'habitant », destiné sans le désirer, à la terre, à devenir cultivateur, comme c'était le cas chez tous les voisins.

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