À la croisée des cultures 200 ans d'immigration au Canada (1800-2000)
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Un aperçu historique de l'immigration au Canada

Bâtir un pays

Une des différences remarquables entre cet afflux et les vagues d'immigration précédentes était le nombre de personnes d'Europe occidentale, centrale ou orientale, dont très peu parlaient anglais ou français en 1931.

Les personnes d'origine britannique prédominaient encore au pays (52 %), mais de nombreuses autres sont venues se joindre à eux et aux Canadiens français. Sur le plan national, on comptait 1 021 133 personnes en milieu rural dont la langue maternelle n'était ni le français, ni l'anglais, ni une langue autochtone. Comme l'illustre le tableau 3, les colons allemands, ukrainiens et hollandais représentaient 54,4 % de ce total. Les contours de l'immigration urbaine étaient radicalement différents : celle-ci était fondée beaucoup plus sur la race et la classe sociale.

Avant la Première Guerre mondiale, une nette division entre la main d'œuvre et le capital est apparue dans les villes, souvent accentuée par les différences ethniques, linguistiques et religieuses. D'une part, l'Ouest avait besoin de travailleurs qualifiés et non qualifiés dans un grand nombre de secteurs économiques, tout comme il avait eu besoin d'agriculteurs et d'ouvriers pour cultiver les terres et élever du bétail. D'autre part, des concentrations élevées d'immigrants urbains, surtout non instruits, souvent non qualifiés, et certes appauvris, ont donné lieu à de piètres conditions sociales. Le Canada a été l'un des derniers pays industrialisés à créer un filet de sécurité sociale pour ses citoyens, et les classes d'immigrants ont souffert en conséquence avant la Seconde Guerre mondiale, surtout lorsque le chômage augmentait brusquement, comme en 1907, 1913 et 1919, et dans les années 1930, ou lorsqu'une épidémie éclatait, comme ce fut le cas de la grippe espagnole immédiatement après la Première Guerre mondiale.

La lutte des classes provoquée par l'immigration massive a été encore plus intense en Colombie-Britannique. Et elle était entachée de racisme parce qu'un grand nombre d'Asiatiques avaient été attirés dans cette province par le travail dans les secteurs du transport et des ressources. Les ruées vers l'or en Californie et en Colombie-Britannique ont engendré des dizaines de milliers de mineurs qui exploitaient des placers et se déplaçaient d'un champ aurifère à l'autre. Une fois la ruée de la région de Cariboo terminée, au milieu des années 1860, un bon nombre se sont tournés vers le charbonnage sur l'île de Vancouver, y compris des centaines de Chinois qui étaient prêts à accepter la moitié du salaire des Blancs. Les Chinois ont aussi aidé à construire le chemin de fer du Canadien Pacifique en Colombie-Britannique. Ils avaient été importés à cette fin.

À la fin du siècle, on comptait un contingent appréciable de Japonais dans la pêche au saumon, et pendant la Grande Guerre, les scieries demandaient des travailleurs sikhs du nord de l'Inde. Ces importations reflétaient la pénurie chronique de main-d'œuvre au Canada. Les hommes d'affaires, notamment ceux qui exploitaient des mines de charbon, des scieries ou des usines, cherchaient continuellement des taux d'immigration plus élevés afin de maintenir, et même accroître, la production.

Au début du XXe siècle, animée par l'expansion rapide des marchés étrangers et continentaux pour ses minerais et son bois d'œuvre, et favorisée par l'amélioration des techniques d'extraction, l'économie de la Colombie-Britannique avait besoin non seulement de manœuvres, mais aussi d'ouvriers qualifiés et d'ingénieurs. La Grande-Bretagne, et en particulier les États-Unis, sont devenus les principales sources de ces travailleurs. Et avec eux sont arrivés des épouses et des enfants qui voulaient et avaient besoin de maisons, d'écoles, d'hôpitaux, de services municipaux et d'une panoplie d'autres commodités typiques des localités modernes. Une éruption de constitutions en corporation municipale entre les années 1895 et 1915 dans tout l'Ouest canadien, et la création de deux nouvelles provinces, la Saskatchewan et l'Alberta, en 1905, ont rendu la région semblable à l'Est sur le plan politique. Mais elle n'avait ni l'homogénéité socioculturelle ni le raffinement socioéconomique de la région plus ancienne.