Conserver les objets en vue de les exposer

Éliane Laberge

L’inauguration, le 1er juillet, de la nouvelle salle de l’Histoire canadienne approche à grands pas. La construction est pratiquement terminée et nous sommes en train d’installer les artefacts qui relateront l’histoire du Canada. Depuis trois ans déjà, nos restaurateurs s’affairent à préparer les objets en vue de leur exposition dans la nouvelle salle.

L’un des artefacts qui figurera dans la salle est une planche porte-bébé en bois construite aux alentours de 1860 dans le style des Anishinaabes et portant leur motif. Il sera exposé dans la Galerie 2, qui couvre la période allant de 1763 à 1914, une ère de lutte et de persévérance pour les Premiers Peuples du Canada. Comme l’explique le conservateur Forrest Pass, cette planche porte-bébé, étant associée à une naissance, raconte une histoire de résilience, de détermination et de renouveau à l’époque difficile de la colonisation.

Avant d’être prêt à être exposé, un objet comme ce porte-bébé passe entre de nombreuses mains, notamment celles expertes des restaurateurs du Musée. Leur rôle dans l’histoire de l’objet passe souvent inaperçu… mais c’est voulu ainsi. Ces spécialistes travaillent étroitement avec les conservateurs pour éviter que leur intervention efface l’histoire de l’artefact et nuise à sa compréhension.

La planche porte-bébé avant et après le processus de conservation. Photo : Musée canadien de l'histoire

La planche porte-bébé avant et après le processus de conservation. Photo : Musée canadien de l’histoire

Comme l’explique la restauratrice de textiles Caterina Florio, « lorsqu’on restaure un artefact, notre premier objectif est de stabiliser les matériaux. Le but est de ralentir leur détérioration et d’empêcher de nouveaux dommages, non de rendre l’objet comme neuf. On ne veut jamais cacher le fait qu’il a été beaucoup utilisé et passé de génération en génération ». Emily Lin, restauratrice d’objets, ajoute : « Nous voulons éviter que la restauration modifie la finalité de l’objet ou l’interprétation qu’on devrait en faire. »

Avant d’amorcer le processus de conservation, l’artefact est d’abord photographié et examiné, puis on consigne dans quel état il se trouve. Par la suite, on consulte le conservateur sur les diverses possibilités de traitement et l’on effectue des examens pour comprendre l’objet dans ses moindres détails. Comme le porte-bébé est fabriqué à partir de différents matériaux, sa restauration a nécessité la collaboration de deux spécialistes.

La restauratrice d’objets, Emily Lin, s’inquiétait des fissures dans la planche et des perles de verre qui menaçaient de se détacher. Après avoir fixé le fil pour éviter de perdre d’autres perles, elle a nettoyé celles-ci, très doucement, avec de l’eau et des cotons-tiges. À l’aide d’un adhésif approprié, elle a collé une fissure sur la planche pour ensuite retirer la poussière et la saleté de la surface. Pour ce faire, elle s’est servie d’un petit pinceau pour chasser la poussière vers la buse de l’aspirateur plutôt que d’aspirer directement sur la surface. Elle a aussi pris soin de poser un tamis sur la buse pour le cas où d’autres perles se détacheraient. Fidèle au principe d’intervention minimale, aucune perle n’a été ajoutée. Voilà, qui complétait l’intervention d’Emily.

Détail du ruban avant et après restauration. Photo : Musée canadien de l'histoire

Détail du ruban avant et après restauration. Photo : Musée canadien de l’histoire

Puis ce fut au tour de Caterina Florio, restauratrice de textiles, d’intervenir. Pour sa part, elle était surtout préoccupée par la frange effilochée et endommagée du ruban posé sur le bord supérieur de l’artefact. Pour stabiliser cette partie, elle a maintenu en place le tissu lâche et fragile en la recouvrant d’un filet de nylon tressé fixé grâce à quelques coutures judicieusement placées. Cette approche consolide le ruban et uniformise l’aspect de l’artefact. Encore une fois, l’objectif n’était pas de dissimuler les dommages, mais d’empêcher le ruban de se défaire davantage. Enfin, Caterina a aussi effectué un nettoyage superficiel du tissu. L’accumulation de poussière assèche les fibres, les rendant plus fragiles et susceptibles de se détériorer encore plus.

Pour terminer, un support sur mesure a été inséré dans la partie en textile pour éviter que les fibres s’affaiblissent sous l’effet de l’affaissement et du froissement du tissu.

Au cours des trois dernières années, les restaurateurs ont contribué à créer la nouvelle exposition. Ils ont notamment fait en sorte que la planche porte-bébé, de même que de nombreux autres artefacts tirés des collections du Musée, puissent être exposés dans des conditions qui assureront leur préservation pour les générations futures.