Conversation avec Dean F. Oliver Directeur principal (recherche) et conservateur en chef au Musée canadien de l’histoire

Le 8 mars 2021
Image de Dean F. Oliver

Dean F. Oliver, directeur principal, (Recherche) et conservateur en chef, Musée canadien de l’histoire
IMG2015-0039-0033-Dm

Depuis combien d’années travaillez-vous aux deux Musées?

Je viens d’entamer ma 23e année, comme le dernier des corsaires dans la chanson « Barrett’s Priveteers »! J’ai passé les deux tiers de ces années au Musée de la guerre, et les autres, au Musée de l’histoire.

Rêviez-vous de faire carrière comme historien?

Je me suis certainement toujours intéressé à l’histoire. En faire une carrière a plutôt été une issue accidentelle : j’ai fait les choses que j’adorais et que je croyais importantes, aidé (et parfois, sauvé) par des gens généreux et brillants à toutes les étapes.

Avez-vous déjà travaillé à un projet de recherche particulièrement pertinent d’un point de vue personnel?

Oui, c’est le cas de nombreux projets, peut-être même de tous. L’exposition Afghanistan – Chroniques d’une guerre a été un projet exceptionnel. Personne ne croyait que nous le réussirions, et beaucoup pensaient que nous ne devions pas le réaliser. Une exposition équilibrée sur une guerre en cours, qui était un sujet chaudement débattu dans tous les foyers et les bureaux? Ce fut un effort d’équipe spectaculaire, impliquant tous les échelons. La soirée d’inauguration, nous étions parmi nos concitoyennes et nos concitoyens pour voir leurs réactions et écouter leurs conversations, et nous avons compris que nous avions créé quelque chose d’unique, peut-être d’extraordinaire.

De quelle façon la recherche s’intègre-t-elle au rôle global des Musées?

Les Musées sont des centres de connaissances. La recherche – explorer, trouver, discuter, écouter, écrire, diffuser – constitue notre rôle principal. Nous effectuons la recherche en tant qu’institutions, mais également de concert avec les communautés, les gardiennes et les gardiens du savoir, les membres du public, le personnel enseignant, les auteurs et les auteures, ainsi que les artistes de tous genres. La recherche, lorsqu’elle est éthique, collaborative et respectueuse, nous enracine dans l’authentique, dans le réel, et maintient nos Musées à l’écart des tourbillons de non-sens qui, malheureusement, sont des sources d’information populaires ces temps-ci. La recherche donne la parole à la diversité et prête attention à la dissidence. Elle renforce la confiance du public, notre ressource la plus essentielle. La recherche est agréablement cumulative : chaque lettre, chaque artéfact et chaque récit nous en apprend un peu plus à notre sujet, aujourd’hui et depuis des siècles.

La société et la façon dont nous « racontons l’histoire » changent. Est-ce que les méthodes de recherche changent elles aussi?

L’histoire n’a jamais été aussi excitante, accessible ou valorisée par le public. À mesure que se diversifient les sources, qu’évoluent les profils démographiques et que les dossiers s’entremêlent, de nouvelles formules de collaboration, de collecte et d’interprétation se révèlent nécessaires. La stratégie de recherche du Musée privilégie déjà les expériences autochtones, le Nord du Canada et les questions contemporaines. La diversité des expériences face à la COVID-19, les changements environnementaux, les évènements transnationaux et les mouvements sociaux sont de sujets qui doivent, eux aussi, être mis en relief. Il s’agit, comme toujours, d’un projet toujours en devenir.

L’année qui se termine passera à l’histoire, notamment en raison de la pandémie de COVID-19 et du mouvement La vie des Noir.e.s compte (Black Lives Matter). Qu’est-ce que cela signifiera pour les Musées?

Il y va d’une responsabilité fondamentale de témoigner des questions importantes au moyen de la collecte d’information, de la documentation, de l’étude et de la mise en commun. Et il existe une responsabilité encore plus complexe de permettre à toutes les voix de s’exprimer et de se parler, même au sujet des dossiers les plus compliqués et les plus difficiles. Il faut du courage et beaucoup d’humilité pour parler du colonialisme et de justice sociale. Il faut aussi un savoir-faire technique pour rassembler les communications électroniques, les mèmes Internet, les sites Web et les autres formes d’expressions relativement nouvelles, et pour les conserver sur des plateformes stables.

En vous basant sur votre façon de voir votre travail, quel objectif principal vous motive? Qu’espérez-vous laisser comme legs?

Je crois que le passé est important; le passé présenté en entier, avec honnêteté et sans interdit, et non pas celui qui est truffé de faussetés habiles qu’offrent les démagogues populistes, les professeures et les professeurs favorables au prosélytisme ou les activistes qui ont vécu de l’injustice. Le travail historique n’est pas pour les cœurs tendres, car on y opposera résistance, on l’ignorera ou on l’expurgera. On n’étudie pas le passé pour éviter les erreurs : on l’étudie pour se connaitre soi-même, pour comprendre son monde et, peut-être, pour faire des choix et porter des jugements reposant sur la sagesse, l’empathie et le savoir.

Je laisserai le soin à d’autres personnes de déterminer la nature de mon legs. Au soir de ma vie, j’aurai voulu avoir travaillé fort, dit la vérité et appuyé les gens de mon entourage en conformité avec ces objectifs. Il s’agit donc d’un projet en cours, et qui continuera de progresser d’ici à ce que ce temps vienne.

Mots-clefs : Kudos printemps 2021