Des Aînés autochtones retissent les liens avec leur histoire

Patricia Corrigan

Neuf Aînés autochtones ont visité le Musée canadien de l’histoire à la fin de janvier dans le cadre du programme Memory, Meaning-Making and Collections project, issu d’un partenariat entre le Native Canadian Centre of Toronto et l’Université de Toronto.

Ce programme vise à éveiller les souvenirs d’Aînés autochtones en milieu urbain, à tisser des liens avec leur culture et à donner un sens à leur histoire à partir d’objets tirés de collections muséales. On encourage les Aînés à partager leurs expériences de vie et les souvenirs personnels que certains artefacts peuvent faire surgir pour que la mémoire qu’ils en gardent puisse être transmise et être intégrée à la mémoire collective.

« Cette visite est l’aboutissement d’une quête pour certains Aînés, explique la directrice du programme des études muséales de l’Université de Toronto, Mme Cara Krmpotich, Ph. D. Ils avaient vu de plus petites collections de musées régionaux. Ici, comme ils sont en contact avec une vaste série d’artefacts provenant de leur culture, ils sont amenés à relater les souvenirs et les récits qu’évoquent les découvertes. C’est le but de ce programme. »

Au cours de leur visite, les Aînés ont rencontré des employés du Musée qui leur ont fait voir une sélection d’artefacts cris et ojibwés, leur ont fourni des précisions ethnologiques et archéologiques, et expliqué les soins apportés aux collections ainsi que la recherche en conservation à laquelle donnent lieu tous ces artefacts.

les perles forment un triple motif floral frontal stylisé entouré de petits motifs de fleurs et de feuilles

Paire de panneaux perlés destinés à être cousus sur des jambières. Ils sont faits à partir de drap noir et abondamment décorés de perles multicolores. Musée canadien de l’histoire, III-G-864, 4241-2111-8839-003

Quelques observations d’Aînés au sujet de leur expérience :

Evelyn Wolfe, Ojibwée-Crie

« On m’a envoyée dans un pensionnat et je n’étais jamais retournée à la réserve. Ce n’est qu’à cinquante ans que j’ai voulu en savoir plus sur ma culture. J’apprends tellement maintenant et je découvre des choses que je n’avais jamais pu voir encore. »

Evelyn est née dans la Première Nation de Brunswick House, près de Chapleau dans le nord de l’Ontario, et a vécu de nombreuses années à Toronto.

Orrice Coates, Chippewa

« Cette pagaie utilisée pour la récolte du riz est magnifique. À l’île Georgina, il y a des années de cela, mon grand-père pouvait traverser le lac Simcoe pour y récolter du riz sauvage. Mais le niveau du lac a augmenté lorsqu’ils ont construit des canaux, et il n’y a plus de riz maintenant. »

Orrice Coates a grandi au sein de la Première Nation des Chippewas de l’île Georgina, dans le sud de l’Ontario, et vit maintenant à Toronto.

palette rudimentaire en bois

Battoir pour la récolte du riz. Cette palette rudimentaire aurait servi à récolter le riz. Musée canadien de l’histoire, III-G-371, 3191-211-0079-D2003-06748

Ernie Sandy, Ojibwé

« Je trouve intéressant de voir ce qui est montré ici pour représenter mon peuple. L’ingéniosité et le caractère pratique des choses sont bien visibles. »

Pendant une trentaine d’années, l’Aîné Ernie Sandy a appris et enseigné les rituels, les leçons de sagesse et les notions de son peuple. Il vit à Orillia, en Ontario.

Susan Hunter, Première Nation crie Washaho

« C’est l’aiguille utilisée pour fabriquer des filets de pêche qui m’a le plus frappée. Ma grand-mère et moi avons fait des filets ensemble, et cette aiguille m’a rappelé des souvenirs d’elle. »

Susan a vécu à Toronto la plus grande partie de sa vie. Elle est née au sein de la Première Nation de Fort Severn, sur la baie d’Hudson, la collectivité qui s’est établie le plus au nord en Ontario

Aiguille à filet de pêche faite en bois

Aiguille à filet de pêche faite en bois. La corde à filet s’enroule autour du corps de l’aiguille, entre les saillies à la base, et autour de la dent en bois au centre. Cette aiguille a servi à fabriquer des filets à esturgeon. Musée canadien de l’histoire, III-D-15, 4207-2113-3762-D2004-21741

Dan Smoke, Sénéca, Six Nations de la rivière Grand

« J’ignorais que le Musée possédait des vêtements portés par mon arrière-arrière-grand-père, John Arthur Gibson, grand chef de la Confédération iroquoise à la rivière Grand, et qu’il existait un enregistrement de lui en train de faire le récit de la création de mon peuple. Je sens que je devais passer par ici pour aider à raconter l’histoire de mon arrière-arrière-grand-père. »

Mary Lou Smoke, Anishinaabekwe (Ojibwée) de la baie Batchawana

« Je ne savais pas que ma mère était allée dans un pensionnat. Nous participions toujours aux activités de l’église, comme les repas-partage, et, un jour, je lui ai posé la question : “Maman, que faisaient les Indiens il y a une centaine d’années?” Elle m’a répondu qu’elle l’ignorait, mais que je finirais par le découvrir. C’est toute ma vie qui resurgit maintenant avec le rappel des modes de vie anciens. »

Dan et Mary Lou Smoke vivent à London, en Ontario, où ils animent une émission de radio, Smoke Signals, et enseignent la spiritualité autochtone et la représentation des Premières Nations dans les médias à l’Université Western. Ils font renaître, enseignent et pratiquent eux-mêmes les modes de vie traditionnels depuis le début des années 1970.

Chemise de style européen faite en peau de daim.

Chemise de style européen faite en peau de daim. Elle a déjà appartenu à John A. Gibson, grand chef de la Confédération iroquoise à Grand River. Musée canadien de l’histoire, III-I-327, 5139-2222-3983-D2005-21177

La visite des Aînés au Musée canadien de l’histoire a été rendue possible, en partie, grâce à une subvention du CN.