L’art d’encadrer un chandail de hockey pour le conserver

Rebecca Latourell

Les amateurs de sport du monde entier témoignent de leur soutien inconditionnel envers leurs équipes en collectionnant toutes sortes de souvenirs. Les chandails comptent parmi ces précieuses pièces de collection. Bien souvent, les aficionados du sport les exhibent fièrement, en les portant ou en les accrochant au mur chez eux. La conservation à long terme est toutefois un exercice délicat lorsqu’un tel chandail fait l’objet d’un « encadrement de type commercial ».

Rappelons que le but premier de la conservation dans un musée est de préserver l’état des artefacts pour les rendre accessibles aux générations futures. L’objectif peut être le même quand il s’agit d’un encadrement de type commercial, mais ce n’est pas toujours le cas. Lors de la réception d’un chandail encadré commercialement en vue de l’exposition Hockey, les laboratoires de conservation du Musée canadien de l’histoire ont dû prendre plusieurs mesures pour veiller à bien le préserver.

L’encadrement commercial de ce chandail de Wayne Gretzky a été modifié pour mettre à profit des méthodes et des matériaux plus appropriés en matière de conservation. Le chandail garde toutefois la touche d’un encadreur commercial qu’il avait au départ. Photo : Musée canadien de l’histoire.

L’encadrement commercial de ce chandail de Wayne Gretzky a été modifié pour mettre à profit des méthodes et des matériaux plus appropriés en matière de conservation. Le chandail garde toutefois la touche d’un encadreur commercial qu’il avait au départ. Photo : Musée canadien de l’histoire.

Comme l’apparence d’un chandail est bien souvent le facteur déterminant dans un contexte commercial, on peut utiliser n’importe quoi pour l’exposer, sans faire de chichis. Des vis, des clous, des agrafes, des épingles de sûreté, des pistolets étiqueteurs, du ruban adhésif double face font partie des moyens de fixation possibles.

Dans les laboratoires du Musée, nous voulions obtenir la même apparence, mais en ayant recours à des méthodes et à des matériaux appropriés en matière de conservation. Nous avons constaté que des cartons mousses recouverts de papier (Fome-CorMD) avaient été placés à l’intérieur du chandail encadré que nous avons reçu, notamment dans les manches, pour lui donner une forme; nous les avons remplacés par des cartons sans acide à quatre épaisseurs de qualité « archives ». Nous avons aussi amélioré la forme des nouveaux cartons pour mieux remplir et soutenir les épaules.

Le support matelassé en Plexiglas a été riveté à un morceau secondaire, aussi en Plexiglas, et au panneau. Photo : Musée canadien de l’histoire.

Le support matelassé en Plexiglas a été riveté à un morceau secondaire, aussi en Plexiglas, et au panneau. Photo : Musée canadien de l’histoire.

De plus, nous avons décidé d’enlever le ruban adhésif double face qui servait à fixer l’ourlet au panneau. Les petits clous ainsi que les épingles ont été retirés de l’ourlet, des poignets et des manches. Le chandail avait été monté sur le support original (carton de mousse Fome-Cor) au moyen d’une seule vis au niveau de l’encolure en V; cette même méthode de fixation a été utilisée dans le nouveau montage. Comme les visiteurs ne verront que l’arrière du chandail, le montage au niveau de l’encolure en V ne sera pas visible.

De plus, une feuille de polyester ‒ une mince pellicule de plastique relativement stable ‒ a été ajoutée à l’arrière du chandail pour le séparer du panneau original, lequel pouvait contenir de l’acide. Quelques épingles droites très fines ont servi à maintenir les manches, et des points de couture ont permis de fixer les bords ourlés des manches afin que les supports en carton n’en sortent pas.

Des patrons de papier ont été créés en traçant les formes des bras et du corps du chandail même. Nous les avons utilisés pour concevoir les morceaux de carton qui soutiennent le chandail et lui confèrent l’allure voulue. Photo : Musée canadien de l’histoire.

Des patrons de papier ont été créés en traçant les formes des bras et du corps du chandail même. Nous les avons utilisés pour concevoir les morceaux de carton qui soutiennent le chandail et lui confèrent l’allure voulue. Photo : Musée canadien de l’histoire.

Il nous avait été demandé, pour notre exposition Hockey, d’imiter le style d’encadrement commercial en utilisant un chandail de notre collection, endossé à d’innombrables reprises par Carey Price. Dans ce cas précis, les conservateurs du Musée voulaient montrer le devant du chandail.

Vous pouvez deviner la difficulté que posait le montage du chandail pour notre équipe! Nous risquions de dévoiler l’accessoire de montage si nous le suspendions directement au niveau de l’encolure en V. De concert avec le personnel chargé de la préparation des expositions, nous avons mis au point un plan : fabriquer à partir d’une feuille d’acrylique (PlexiglasMD) un cintre adapté à la taille du chandail et le matelasser légèrement pour mieux soutenir les épaules. Le cintre a été attaché à une pièce de Plexiglas plus épaisse pour être ensuite fixé au panneau au moyen de rivets métalliques. Sans cette pièce plus épaisse de Plexiglas, faute d’un espace nécessaire entre le panneau et le chandail, celui-ci risquait d’être froissé lors du montage.

Le chandail de Carey Price encadré au faux fini commercial. Photo : Musée canadien de l’histoire.

Le chandail de Carey Price encadré au faux fini commercial. Photo : Musée canadien de l’histoire.

Les mêmes méthodes que nous avons appliquées pour modifier l’encadrement commercial original d’un chandail ont été reprises ici ‒ utilisation de cartons de qualité archives, d’épingles droites et de quelques points de couture ‒ pour faire comme si le chandail était suspendu au mur, comme il est courant de le faire au pays et ailleurs dans le monde entier. Du 10 mars au 9 octobre 2017, le Musée canadien de l’histoire présente Hockey. Venez visiter l’exposition et voyez si vous avez l’œil. Pourrez-vous trouver les encadrements de qualité muséale aux faux finis commerciaux?