Les menottes de Riel : une sobre évocation d’un sombre chapitre

Sylvain Raymond

À première vue, rien ne semble particulièrement remarquable au sujet de cet artefact – une banale paire de menottes de la fin du xixe siècle. Ces menottes sont cependant associées à un épisode crucial et controversé de l’histoire canadienne : elles ont été mises aux poignets de Louis Riel juste avant sa pendaison, à Regina, le 16 novembre 1885.

Menottes portées par Louis Riel

Les menottes portées par Louis Riel avant sa pendaison. MCG, 20030122-004a

Après l’exécution de Riel, ces menottes se sont retrouvées dans la collection des Queen’s Own Rifles of Canada, avant leur transfert au musée de l’Association du Corps de prévôté canadien, puis au Musée canadien de la guerre en 2002. Elles sont maintenant exposées dans la salle de l’Histoire canadienne, nouvelle exposition phare du Musée canadien de l’histoire.

« Elles invitent les visiteurs à poser des questions importantes et difficiles sur la relation entre les peuples autochtones et non autochtones dans ce pays », souligne Tim Foran, conservateur de l’Amérique du Nord britannique au Musée canadien de l’histoire. « Elles nous incitent à réfléchir à ce que cette relation a pu être dans le passé, à ce qu’elle paraît être maintenant et à ce que nous aimerions qu’elle devienne. Elles sont une évocation très sobre d’un chapitre très sombre de cette relation. »

Né dans la colonie de la rivière Rouge en 1844, Louis Riel a été à la tête d’Autochtones dans deux mouvements armés contre le gouvernement canadien : la Résistance de la rivière rouge de 1869-1870, qui a mené à la fondation de la province du Manitoba et à la reconnaissance des droits fonciers des Métis, et la Résistance du Nord-Ouest de 1885, qui, en plus d’être à l’origine de pertes dévastatrices pour les Premières Nations et les Métis, a entraîné l’exécution de Riel pour haute trahison.

L’exécution de Riel a eu des répercussions durables partout au pays. De nombreux peuples autochtones ont salué en lui un défenseur de leurs droits et aspirations contre un État colonial agressif. Ils ont associé son exécution au début d’un nouveau régime qui les assujettirait comme jamais auparavant sur les plans politique, social et culturel.

L’exécution a aussi marqué un creux dans la relation entre les Canadiens francophones et anglophones. Les premiers avaient tendance à voir dans le sort de Riel, francophone et catholique, la preuve que leur langue et leur culture étaient persécutées à l’extérieur du Québec.

Les perceptions ont évolué au fil des ans : Riel est aujourd’hui largement reconnu comme un Père de la Confédération en raison de son rôle dans la fondation du Manitoba, et son nom et son image ont servi à l’avancement de différentes causes. Néanmoins, Riel demeure un personnage profondément controversé, dont l’histoire suscite toujours la réflexion et le débat sur les relations entre les peuples autochtones et non autochtones, les francophones et les anglophones, les minorités et les majorités.