Toute une époque en sculpture : le village en miniature de Saint-Jean-Port-Joli

Laura Sanchini

L’art populaire a une longue et riche histoire au Québec. Il était autrefois considéré comme une curiosité et traité comme une forme inachevée d’expression artistique, mais les croyances tenaces à son égard ont changé peu à peu au xxe siècle. Des universitaires ont commencé à se pencher sur l’importance de cet art, non seulement en raison de ces œuvres créées malgré l’absence de formation institutionnelle, mais aussi parce que ce courant offre un éclairage révélateur sur nombre d’aspects : l’esthétique populaire, l’histoire communautaire et la vision personnelle d’artistes.

Une vue d’ensemble du village miniature de Saint-Jean-Port-Joli, dans laquelle on peut voir l’impressionnante église, à l’arrière-plan, ainsi que la ferme et les étables, à droite. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0001-Dp1

Une vue d’ensemble du village miniature de Saint-Jean-Port-Joli, dans laquelle on peut voir l’impressionnante église, à l’arrière-plan, ainsi que la ferme et les étables, à droite. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0001-Dp1

On m’a récemment proposé de travailler à un projet mettant en vedette l’une des nombreuses œuvres d’art populaire du Musée. En tant que nouvelle conservatrice responsable des métiers d’art, du design et de la culture populaire, j’en ai profité pour passer un peu de temps auprès de cette œuvre impressionnante et me plonger dans l’étude des merveilleuses collections dont j’ai maintenant la responsabilité.

L’église miniature de Saint-Jean-Port-Joli. L’intérieur sculpté et peint offre une reproduction fidèle de l’église du village. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0002-Dp1

L’église miniature de Saint-Jean-Port-Joli. L’intérieur sculpté et peint offre une reproduction fidèle de l’église du village. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0002-Dp1

L’œuvre d’art populaire en question se compose en fait de 262 sculptures sur bois distinctes qui, assemblées, forment une reproduction miniature du village de Saint-Jean-Port-Joli. En 1929, Jeanne Bélanger-Robichaud, coiffeuse de son état dans ce petit village du Québec, a commencé à sculpter une miniature de l’église comme ex-voto — une offrande — en reconnaissance du rétablissement de sa fille qui était gravement malade. Haute d’un peu plus de quatre pieds, l’église était une miniature sculptée avec minutie offrant une reproduction fidèle et électrifiée de l’intérieur de l’édifice.

Une calèche et son cheval sur la rue principale. Comparez la grandeur des personnages aux autres sculptures dans cette photo. Jouer librement avec les proportions et repousser les limites du réalisme sont des caractéristiques essentielles de l’art populaire. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0004-Dm

Une calèche et son cheval sur la rue principale. Comparez la grandeur des personnages aux autres sculptures dans cette photo. Jouer librement avec les proportions et repousser les limites du réalisme sont des caractéristiques essentielles de l’art populaire. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0004-Dm

L’église miniature a fait si grande impression que sa conceptrice a commencé à recevoir des demandes de voisins désireux de faire sculpter leur résidence. Au cours des 41 années suivantes, Jeanne a progressivement sculpté les maisons, chalets, étables et fermes de son village. Elle s’est aussi mise à sculpter des versions miniatures de poteaux de téléphone, de clôtures, de tas de bois et de calèches tirées par des chevaux, reproduisant ainsi son village dans les moindres détails. Poursuivant sur cette lancée, les sculpteurs sur bois de la région — fondateurs de la célèbre école de sculpture sur bois de Saint-Jean-Port-Joli — ont réalisé des dizaines de minuscules villageois, insufflant vie et humour dans ce village miniature.

Gros plan de la résidence du villageois George Gagnon. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0006-Dm

Gros plan de la résidence du villageois George Gagnon. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0006-Dm

Cet impressionnant village sculpté reflète de nombreux aspects du patrimoine et de la culture du Canada. Il témoigne de l’importance de la tradition religieuse, tout en faisant ressortir l’esthétique originale de l’art populaire québécois du xxe siècle. Même si le village comprend plus de 200 petites sculptures plus étonnantes les unes que les autres, sa véritable beauté frappe davantage lorsque toutes ses composantes sont réunies. On peut alors vraiment apprécier la créativité de Mme Bélanger-Robichaud.

Gros plan du balcon d’une maison où l’on peut voir deux villageois en miniature. Le chat en céramique constituait un cadeau à l’achat d’une boîte de thé Red Rose. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0007-Dm

Gros plan du balcon d’une maison où l’on peut voir deux villageois en miniature. Le chat en céramique constituait un cadeau à l’achat d’une boîte de thé Red Rose. Musée canadien de l’histoire, IMG2015-0289-0007-Dm

Connaissez-vous une œuvre d’art populaire qui raconte l’histoire et le patrimoine de votre coin de pays?