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L'art haïda
Art haïda




     Les artistes



*Bill Reid

*Robert Davidson

*Jim Hart

*La nouvelle
génération
Bill Reid

La renaissance de l'art haïda commence par une histoire qui est tenue pour apocryphe. Un jour fatidique de 1956, Bill Reid, dont la mère était une Haïda de Skidegate et dont le père était un Américain d'ascendance allemande, faisait la lecture des informations à la radio de la CBC à Vancouver : la nouvelle qui allait changer sa vie était l'annonce d'une subvention pour la reconstitution des mâts totémiques et des maisons d'un village haïda sur le campus de l'Université de Colombie-Britannique. Reid affirme qu'aussitôt après le bulletin de nouvelles il a éteint son micro et téléphoné au musée d'anthropologie de l'université pour offrir son aide dans la réalisation de ce projet. C'est ainsi qu'il a redécouvert l'art haïda et en a fait l'apprentissage, et qu'il est devenu un pionnier dans le domaine de la reconstitution culturelle, carrière qu'il allait poursuivre pendant près d'un demi-siècle.

Bill Reid s'est perfectionné pendant de nombreuses années en copiant des œuvres de ses prédécesseurs, particulièrement de son arrière-grand-oncle, Charles Edenshaw. Il a étudié plusieurs centaines de bijoux en or et en argent réalisés par ce dernier et conservés dans des musées, et copié des illustrations de Contributions to the Ethnography of the Haida, de John R. Swanton, et de Primitive Art, de Franz Boas, ainsi que d'ouvrages de Marius Barbeau sur les mythes et les sculptures en argilite haïdas.

Cette période d'apprentissage, qui est bien documentée, lui a permis d'atteindre une grande maturité artistique dans la fabrication de bijoux en or et en argent, établissant de nouvelles normes de valeur parmi les collectionneurs enthousiastes. Enfin, Reid a entrepris une série de sculptures publiques, qui n'ont pas manqué d'étonner le monde de l'art à cause de leur originalité croissante, et de leurs dimensions toujours plus imposantes. Ces œuvres tout à fait nouvelles, qui dépassaient, et de loin, leurs prototypes traditionnels, ont permis pour la première fois à un style autochtone de susciter l'intérêt à l'échelle nationale au Canada. Par la suite, l'œuvre de Reid a été reconnue internationalement grâce à des expositions à Paris, Budapest, Tokyo et Washington.

À partir de son immense sculpture en cèdre intitulée Le Corbeau et les premiers hommes, commandée en 1980 par Walter Koerner pour le musée d'anthropologie de l'Université de Colombie-Britannique, Reid a fait évoluer l'art haïda vers des dimensions de beaucoup supérieures à celles des mâts de façade ou des poteaux funéraires. Sa deuxième œuvre monumentale, l'épaulard en bronze réalisé pour l'aquarium de Vancouver en 1984, s'apparente étroitement aux compotiers ou plats à fruits de Charles Edenshaw, dont les poignées de couvercle étaient ornées de figures centrales de la cosmologie haïda. La boîte en or qu'il a réalisée en 1971 pour le British Columbia Museum, dont la poignée de couvercle représente une Baleine fortement cambrée, en est un prototype. Cette Baleine mesure 7,6 cm de hauteur, tandis que la version monumentale en bronze mesure 5,5 m de hauteur. Son oeuvre monumentale suivante, exécutée en 1984-1985, est une oeuvre murale en relief et en bronze, Messagers mythiques, pour le siège social de Teleglobe Canada à Burnaby, près de Vancouver.


CD93-1-074
Messagers mythiques (au Musée canadien des civilisations)
MCC LH991.2821.1

Expo 86, à Vancouver, tomba en plein dans une période où Bill Reid était obsédé par l'idée que la pirogue haïda était un paradigme de la culture haïda. Son importance primordiale avait été reconnue par le révérend William Collison, qui avait intitulé ses souvenirs de la première mission chez les Haïdas In the Wake of the War Canoe (dans le sillage de la pirogue de guerre). Reid reçut commande de sculpter et de peindre une pirogue de guerre de 15 m dans un tronc de cèdre rouge pour cette exposition internationale. Il accepta de réaliser pour le Musée canadien des civilisations une réplique en fibre de verre de cette pirogue pour pallier aux fluctuations des conditions climatiques. Il la baptisa Lootas (ou Dévoreur de vagues). Chacune de ces nouvelles pirogues devait être la réplique exacte de l'autre : l'une serait principalement ornée de lignes figuratives noires, l'autre de lignes figuratives rouges. Une des pirogues fut ainsi baptisée Aigle noir et l'autre Corbeau rouge.

L'œuvre maîtresse de Bill Reid est incontestablement L'esprit de Haida Gwaii, commandé par la compagnie R.J. Reynolds pour la nouvelle ambassade du Canada à Washington. Cette imposante sculpture, dont l'exécution a duré plus de trois ans, et qui a coûté 1,8 millions de dollars, a été dévoilée en 1992. Le modèle en plâtre ayant servi au moulage de la version en bronze s'harmonisait parfaitement à l'intérieur baroque en plâtre que l'architecte Douglas Cardinal avait créé pour le nouveau Musée canadien des civilisations (ill. 164). Bien avant l'achèvement du musée et son inauguration en 1989, j'avais laissé entendre à Maury et Mary Young, de Vancouver, les donateurs éventuels, que L'esprit de Haida Gwaii serait le fleuron de la Grande Galerie, témoignant que la culture autochtone de la côte nord-ouest n'était pas morte, mais que, à l'instar des chamans, elle renaissait de ses cendres.

In Memoriam : Bill Reid
(1920-1998)



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