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Les villages haïdas
Villages haïdas




     La guerre



Les Haïdas étaient craints tout le long de la côte parce qu'ils avaient l'habitude d'effectuer des raids éclairs contre lesquels leurs ennemis n'étaient guère en mesure de se défendre. Leur remarquable habileté en mer, la qualité supérieure de leurs embarcations et le fait qu'ils jouissaient d'une protection relative contre les représailles dans leur île forteresse rendaient les Haïdas d'autant plus agressifs vis-à-vis des tribus voisines. Diamond Jenness, un des premiers anthropologues du Musée canadien des civilisations, a vu juste en disant des Haïdas qu'ils étaient les «Vikings amérindiens de la côte nord-ouest» :

C'était là une époque passionnante, il y a environ un siècle, lorsque les grosses pirogues de guerre haïdas, toutes faites d'un unique tronc de cèdre évidé et dotées d'un équipage de cinquante ou soixante guerriers, longeaient la côte de Sitka, au nord, au delta du Fraser, au sud, pour commercer ou effectuer des raids. Il y avait généralement à bord de chaque embarcation un chaman, ou homme-médecine, pour capturer et détruire les âmes des ennemis avant la bataille. Les femmes, qui accompagnaient parfois les guerriers, se battaient aussi férocement que leurs maris.

Les Haïdas faisaient la guerre pour acquérir des objets précieux tels que des cuivres et des couvertures chilkats, dont on manquait dans les îles, mais surtout des esclaves, qui accroissaient leur productivité ou faisaient l'objet d'échanges avec d'autres tribus. Les captifs de haut rang étaient aussi la source d'autres biens reçus en rançon tels que des motifs emblématiques, des danses et des chants.

Même à l'époque préhistorique, les Haïdas se livraient à des batailles en mer. Ils attachaient des cordes en écorce de cèdre à de lourds anneaux de pierre qu'ils lançaient pour fracasser les pirogues ennemies et pouvaient facilement récupérer pour les lancer de nouveau. Une pierre pesant de 18 à 23 kg pouvait briser le flanc d'une pirogue et la faire couler. La plupart des tribus évitaient de se battre en mer contre les Haïdas et tentaient de les attirer sur le rivage pour que la lutte soit plus égale. Les Tsimshians ont élaboré un système d'alerte à l'aide de feux pour avertir leurs villages sur la rivière Skeena de l'arrivée d'envahisseurs haïdas sur le continent.

Les épisodes guerriers se firent sans aucun doute plus nombreux dans le demi-siècle allant de 1780 à 1830, les Haïdas n'ayant pas d'ennemis à leur hauteur à l'exception des nombreux marchands européens et américains qui fréquentaient leurs rivages mais préféraient le commerce au combat. Pendant cette période, les Haïdas s'emparèrent de plus d'une demi-douzaine de navires, dont l'Eleanora, pris par des chefs du village de Skungwai (ou Ninstints) en représailles des mauvais traitements que son capitaine avait fait subir au chef Koyah. La capture du Susan Sturgis par le chef Wiah, de Masset, et le sauvetage de son équipage par Albert Edward Edenshaw fut un événement encore plus spectaculaire. À l'occasion de tels conflits, les Haïdas apprirent rapidement les tactiques de combat des nouveaux venus, qu'ils utilisèrent avec succès lors de batailles subséquentes :

Dès 1795, un navire marchand britannique déchargea ses canons contre un village du centre de l'archipel parce que quelques membres de son équipage avaient été tués par les habitants, et les survivants durent prendre le large lorsque les Indiens leur rendirent la pareille. Ils se rendirent compte plus tard que les Indiens s'étaient servis d'un canon et de munitions dérobés à une goélette américaine quelques années auparavant.

Des canons pivotants furent installés dans de nombreuses pirogues de guerre haïdas, même si, au début, le recul causé par la décharge fit se fendre la coque de bien des embarcations.

Les sites fortifiés firent partie de la stratégie défensive de tous les groupes de la côte nord-ouest pendant au moins 2 000 ans. Le capitaine James Cook fut si impressionné par un fort haïda au large de la côte ouest de l'île Graham qu'il lui donna le nom d'île Hippah d'après les forts maoris qu'il avait vus en Nouvelle-Zélande. Les défenses militaires des forts haïdas comportaient de solides palissades, des défenses roulantes, de lourdes trappes et des plates-formes de combat avec des réserves de grosses pierres qu'on lançait contre les assaillants.




VII-B-1543 Ce lourd casque de guerre en bois ayant la forme d'une tête de Phoque, avec des yeux et des dents de cuivre, a probablement été fait vers 1820 et conservé comme un trésor de famille.

Recueilli dans Haida Gwaii en 1897 par Charles F. Newcombe.
MCC VII-B-1543 (S92-4308)




Les guerriers portaient différents types d'armures, dont des casques, des gorgerins de bois pour se protéger le cou et des plastrons souvent dissimulés sous une tunique de cuir ornée de leur emblème. Peu de plastrons haïdas faits de lamelles de bois ont survécu, mais de nombreux spécimens tlingits figurent dans des collections de musées. Il existe toutefois un bon nombre de tuniques de cuir haïdas peintes.

Comme armure, les Haïdas préféraient le manteau de guerre, qui était fait d'épaisses peaux d'otarie ou de plusieurs couches de peau de wapiti. On obtenait les premières par des échanges sur la rivière Nass, tandis qu'on se procurait celles-ci auprès de marchands européens et américains, qui les obtenaient eux-mêmes de tribus vivant à l'embouchure du fleuve Columbia.




VII-X-1073 Tenue complète de guerrier de la côte septentrionale : casque rond en bois, visière en bois plié, tunique en cuir peinte sur un plastron fait de lamelles de bois imbriquées. Ce type d'armure a ses origines dans la Chine et le Japon de l'âge du bronze. Sa présence dans le Nouveau Monde se limitait à la côte ouest, mais des éléments de la tenue, particulièrement le plastron en lamelles de bois, se sont répandus vers le sud jusqu'en Californie.

MCC VII-X-1073 (S94-13 386)




Les Haïdas remplacèrent l'arc et la flèche ainsi que la lance courte par les armes à feu dès que celles-ci devinrent disponibles au début du XIXe siècle, et certains de leurs fiers propriétaires sculptèrent leurs emblèmes sur la crosse de leur mousquet. On continua cependant à se servir de poignards de guerre dans les corps à corps, et des centaines d'entre eux ont été recueillis dans des tribus du nord. Ces poignards étaient de véritables oeuvres d'art conservées précieusement par de nombreuses générations au sein des familles de chefs. Les descendants du célèbre chef tsimshian Legaic conservèrent son poignard de guerre jusque dans les années 1980, où sa valeur avait atteint plus de cent mille dollars.

Vers les années 1830, les guerres endémiques avaient cédé la place à la Pax Britannica sur la côte nord-ouest, la guerre devenant trop coûteuse pour que les marchands de fourrures du continent puissent la tolérer. John R. Swanton fut frappé de la similitude entre la guerre et le potlatch chez les Haïdas : «Les festins [...] et les potlatchs étaient, plus que la guerre, la voie haïda conduisant à la grandeur. La guerre, lorsqu'elle n'était pas menée pour se venger de blessures, n'était qu'un moyen d'accroître leur capacité de donner des potlatchs



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