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Les villages haïdas
Villages haïdas




     Haida Gwaii



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Skidegate

Deux personnes s'étant rendues à Skidegate à peu près à la même époque nous donnent un aperçu de la vie cérémonielle haïda au moment où le rideau tombait définitivement. Le révérend William H. Collison, de Masset, qui s'est rendu à Skidegate en 1876 avec Albert Edward Edenshaw et son fils Cowhoe (baptisé plus tard sous le nom de George), décrit ainsi l'accueil qui lui fut réservé :

On avait étendu des nattes en écorce de cèdre pour nous à l'arrière de la maison du centre [...] On a d'abord apporté de l'eau, du savon et des serviettes, et chacun de nous a été invité à se laver les mains. Les premiers aliments qu'on nous a offerts ont été du saumon séché et de la graisse d'eulakane [...] Puis on nous a offert des algues bouillantes, qu'on amalgame en gâteaux carrés d'environ douze pouces sur douze [30,5 x 30,5 cm] et d'à peu près un pouce et demi [3,8 cm] d'épaisseur, et qu'on fait sécher au soleil. Avant de les faire bouillir, on les hache menu, et on y mélange de la graisse d'eulakane avant de servir. On a alors distribué de grosses cuillers de corne, celles données aux chefs étant incrustées d'haliotide ou de nacre. On m'a donné, pour m'honorer particulièrement, une grosse cuiller de service plaquée argent, qui est devenue si chaude à cause des algues bouillantes que je ne pouvais pas y poser mes lèvres. Je leur ai donc demandé de me donner à la place une de leurs cuillers en corne. Cela les a bien fait rire de voir que le Yetz haada préférait une cuiller de leur fabrication à celles produites par ses propres compatriotes.

Après ce plat, on nous a servi du flétan séché et de la graisse, puis du frai de harengs bouilli. Au cours de ce repas, j'avais remarqué deux jeunes hommes, torse nu, qui battaient des baies séchées dans des cuves remplies d'eau jusqu'à en faire une substance écumeuse, qui n'était pas sans évoquer la crème glacée. C'est ce qu'on nous a servi en dernier en guise de dessert.

Dawson a assisté à un potlatch à Skidegate le 24 juillet 1878. Il nous donne ici une riche description de son déroulement :

La fumée du feu -- la seule source de lumière -- s'échappait par de larges ouvertures dans le toit [...] Les participants au spectacle étaient une vingtaine, vêtus de façon hétéroclite mais portant leurs plus beaux vêtements, ou tout au moins les plus voyants, ainsi que certains ornements, etc. convenant à cette occasion. Tous, ou presque, portaient des coiffes variées faites de corde en écorce de cèdre ornée de plumes, etc., ou, comme dans un cas, d'un cercle hérissé de moustaches d'otaries. Beaucoup avaient les épaules ceintes de corde en écorce de cèdre diversement ornée et colorée, avec des glands, etc. Un homme portait des guêtres couvertes de franges de becs de macareux enfilés qui faisaient du bruit quand il bougeait. Pratiquement tous tenaient des brins d'épinette fraîche et portaient autour de la tête des plumes duveteuses qui remplissaient également la chaude atmosphère de la maison. Il y avait aussi des hochets. Cependant, tranchant sur les autres, cinq femmes se tenaient devant, vêtues assez uniformément, plusieurs portant des châles de chèvre des Rocheuses particulièrement beaux achetés aux Indiens du continent. Les coiffes de ces femmes étaient également jolies, à peu près semblables, faites de petits masques en bois sculpté incrusté de coquilles d'haliotide, lesquels, fixés sur de l'écorce de cèdre et ornés de plumes aux couleurs vives, etc., surmontaient le front. Le visage des femmes - comme si toutes participaient à la danse - était peint de couleurs vives, le vermillon étant particulièrement populaire. Le maître des cérémonies, aussi très important, se tenait au milieu de la rangée de derrière, un peu plus haut que les autres. Il n'était pas vêtu de façon particulièrement éclatante, mais avait à la main un long bâton avec lequel il marquait la mesure et indiquait le début du chant [...]

Le joueur de tambour -- un objet ressemblant à un tambourin plat formé d'une peau étirée sur un cerceau -- s'asseyait face aux danseurs et près du feu, de façon à ce que chacun puisse voir les mouvements des autres. Le tambour battait très régulièrement des «coups doubles», ainsi - tom tom - tom tom - tom tom - etc.!

Les danseurs gardaient ainsi la mesure dans une sorte de psalmodie ou de chant sur des paroles qui semblaient fixées, et qui devenait très fort ou retombait en fonction des gestes du Maître des cérémonies, qui, outre qu'il marquait la mesure, glissait de temps à autre quelques mots pour diriger ou exhorter [...] Quand le choeur atteint un forte, les hochets sont agités avec dix fois plus de vigueur et le bruit devient assourdissant. Après une dizaine de minutes de danse, le Maître des cérémonies fait un signe et tous s'arrêtent, terminant avec un Hugh très fort! Au bout de quelques minutes de repos, les danseurs recommencent à se mouvoir au son du tambour.

Les gens de Skidegate demandèrent au révérend William Duncan, de Metlakatla, de leur affecter un missionnaire, et il leur envoya Edward Mathers, un enseignant tsimshian. Ce n'était pas là ce que voulaient les Haïdas, qui déléguèrent donc un groupe conduit par le chef Nanjingwas à Metlakatla pour plaider une nouvelle fois leur cause auprès du révérend Duncan : «Vous êtes allé à Masset [...] et y avez établi votre résidence, alors que vous ne nous avez envoyé qu'un Tsimshian pour nous enseigner. Ce n'est pas ainsi que les choses doivent se passer, car Skidegate était autrefois tout aussi puissant que le nord, et nous devrions avoir aussi un maître blanc.» Cette déclaration témoigne de la longue rivalité entre Skidegate et Masset, et entre les Haïdas et les Tsimshians. Cette rivalité explique en partie la production des impressionnantes œuvres d'art qui sont maintenant considérées comme étant d'importance mondiale.

La mission méthodiste de Fort Simpson envoya aux Haïdas un maître blanc, George Robinson, en 1883. Les effets d'une mission permanente à Skidegate furent rapides et profonds. En moins d'un an, les maisons traditionnelles en planches furent remplacées par des habitations unifamiliales à charpente, et les rangs de maisons le long du rivage par un système de rues en damier. L'église devint le centre de la vie communautaire, mais rien n'indique que les mâts totémiques aient été détruits à l'instigation des missionnaires, comme cela s'était produit à Masset.




Charpente de la Maison-du-Grizzli, maintenant abandonnée, à Skidegate. La cabane que cette famille a construite à l'intérieur de la charpente de son ancienne demeure témoigne du déclin de sa fortune.

Photo : Richard Maynard, 1884.
MCC 67236




Edward Dossetter, un photographe de Victoria qui voyageait à bord du Rocket, avait fait escale à Skidegate en 1881 et pris d'excellentes photographies. Au moment de son séjour, plusieurs maisons nouvelles étaient en construction et quelques nouveaux mâts commémoratifs avaient été érigés, mais cette activité marqua la fin de l'érection de monuments traditionnels dans le village; les quelques maîtres sculpteurs subsistants ne reçurent plus aucune commande après le milieu des années 1880.

En 1884, lorsque Richard Maynard, un autre photographe de Victoria, qui accompagnait Newton H. Chittenden pour des levés effectués par la province dans les îles de la Reine-Charlotte, s'est rendu à Skidegate, la plupart des maisons anciennes avaient été démolies ou étaient en ruine et beaucoup de mâts étaient tombés. Les gens de Skidegate avaient décidé d'adopter les usages de l'homme blanc.






Jeunes femmes de Skidegate portant les insignes d'une société secrète et entourées d'hommes, parmi lesquels se trouve le chef Tom Price (à droite), en chemise blanche. C'est le révérend Charles Harrison qui a organisé cette séance de pose en 1890 pour tenter de décourager l'usage des peintures faciales et des masques ainsi que les sociétés secrètes.

Photo : Reverend Charles Harrison.
MCC 71-6778






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