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Histoire des Autochtones du Canada
Tome II (1 000 avant J.-C. à 500 après J.-C.)

Prologue à la Période IV (1 000 avant J.-C. à 500 après J.-C.)

Vers 1 000 avant J.-C., les conditions environnementales au Canada étaient semblables à celles qui existaient lors de l'arrivée des Européens. Les populations autochtones étaient bien établies dans leurs divers territoires et leur culture remontait clairement, dans la plupart des cas, à la période précédente. La diffusion de la technologie, des croyances cosmologiques et des autres secteurs culturels constituait les facteurs les plus générateurs des changements culturels. Cependant, une bonne part de cette diffusion revêtait la forme d'une diffusion par stimulus en vertu de laquelle une population régionale non seulement adoptait une innovation mais la modifiait afin de l'accommoder à ses propres besoins, embrouillant ainsi la piste des voies de diffusion.


Carte IV - Distribution culturelle
Carte IV - Distribution culturelle, 1 000 avant J.-C. à 500 après J.-C.
A Maritimien récent | B Grands-Lacs-Saint-Laurentien récent | C Bouclérien récent de l'est | D Bassin ancien de l'ouest | E Bouclérien récent de l'ouest | F Planussien récent | G Platélien récent | H Côte Ouest (phase récente) | I Intérieur du Nord-Ouest (phase récente) | J Paléoesquimau moyen

Cette carte comporte un certain nombre de modifications par rapport à la Planche 8 de l'Atlas historique du Canada (Harris et Matthews 1987) dont elle est inspirée. La plupart des modifications concernent le changement du nom des cultures et n'affectent pas la distribution de ces dernières. La Carte IV, comme les cartes précédentes, se propose de n'être qu'un guide géographique simplifié des cultures dont il est question dans le Tome II.

(Dessin de M. David W. Laverie.)


Deux innovations importantes apparurent dans l'est du Canada approximativement à la même époque : le modelage des vases en poterie originaire du sud, et l'arc et la flèche en provenance du nord-est. La poterie, dont la pâte malléable se prête au modelage et devient dure comme de la pierre à la cuisson, constitue un témoignage particulièrement utile aux archéologues car elle laisse un enregistrement très révélateur des relations et des développements culturels. Les caractéristiques de la poterie, à savoir la forme, les motifs et l'impression de divers instruments peuvent servir de repères chronologiques et à l'identification culturelle. Alors qu'elle a été inventée de manière indépendante à plusieurs endroits du monde, la poterie la plus ancienne d'Amérique du Nord provient de ce qu'on appelle aujourd'hui le sud-est des États-Unis où elle apparaît il y a plus de 5 000 ans. Vraisemblablement, l'Amérique du Sud était son lieu d'origine ultime. Comme la poterie apparaît approximativement 1 000 ans plus tôt dans l'est que dans le sud-ouest de l'Amérique du Nord, le chapelet d'îles situées dans la mer des Caraïbes, appelées les Antilles, a probablement constitué sa voie de diffusion. Ces îles jouèrent le rôle d'un pont entre le nord-est de l'Amérique du Sud et la Floride. À l'inverse de la poterie, l'arc et la flèche étaient une innovation d'origine asiatique qui semble avoir été introduite dans l'hémisphère occidental par les Paléoesquimaux anciens (Wright 1995 : Chapitre 21). Ces deux avancées technologique se propagèrent par la suite dans toute l'Amérique du Nord.

La submersion des côtes orientales des provinces maritimes a partiellement oblitéré l'enregistrement archéologique des Maritimiens récents. Des témoignages indiquent pourtant qu'un culte de sépultures, issu de la vallée de l'Ohio, exerçait des influences sur les populations locales antérieurement à 500 avant J.-C. Ces influences, qui comportaient des pratiques mortuaires définies, à savoir la construction de tumulus funéraires et l'utilisation, comme offrandes mortuaires aux défunts, d'objets exotiques en provenance de la vallée de l'Ohio, se propagèrent aux Maritimes en suivant vraisemblablement le fleuve Saint-Laurent.

Les GLSt-Laurentiens récents se propagèrent vers l'ouest dans la région des Grands-Lacs-Saint-Laurent où on trouve plusieurs complexes régionaux de styles de poterie ainsi que d'autres traits. Cependant, tous ces complexes culturels régionaux semblent être le fait des GL-St-Laurentiens moyens de la Période III. Les cérémonies funéraires, en provenance elles aussi de la vallée de l'Ohio, apparaissent dès 600 avant J.-C. et les développements subséquents ont éventuellement conduit à la floraison des tumulus funéraires dans la région de Rice Lake dans le sud-est du sud de l'Ontario il y a environ 2 000 ans. À cette époque, l'argent dont la source se trouvait dans la région de Cobalt située dans le nord de l'Ontario a s'est greffée sur la tradition de l'industrie du cruivre vielle de 7 000 ans, et a été largement échangé vers le sud.

Dans presque tout le Québec situé au nord du fleuve Saint-Laurent, les Bouclériens récents de l'est ont conservé le mode de vie des Bouclériens moyens; ils ont adopté l'arc et la flèche mais ont généralement rejeté les vases en poterie, sauf à la limite sud du Bouclier canadien. Les Bouclériens récents de l'ouest (Laurelliens) ont occupé l'extrême ouest du Québec, le nord de l'Ontario, une bonne partie du Manitoba, une petite partie du nord-est de la Saskatchewan, et les limites nord des états limitrophes; ils se distinguaient de leurs voisins de l'est du Bouclier par l'adoption enthousiaste de la poterie et par un changement majeur affectant l'industrie de la pierre taillée. Les populations locales limitrophes du Minnesota-Ontario ont mis graduellement en pratique les cérémonies associées aux tumulus funéraires en provenance du sud et seraient les bâtisseurs des structures de terre les plus imposantes érigées au Canada avant l'arrivée des Européens.

Le bison est demeuré la base alimentaire des Planussiens récents qui ont aussi retenu et amélioré certains caractères plus anciens, par l'exemple l'usage des précipices à bisons et des enclos, le travois à chien, les tipis, la production du pemmican et le rituel associé aux alignements radiaux de galets. Il y a environ 2 000 ans, la poterie a été introduite depuis l'est mais n'est jamais devenu un caractère de grande importance aux yeux des Planussiens récents. On a également spéculé sur le fait que les Bouclériens moyens ou les Bouclériens récents de l'ouest aient introduit l'arc et la flèche dans les Prairies depuis l'est, peut-être à la Période III. Les villages de maisons semi-souterraines du Platélien récent ont augmenté en taille et en complexité, particulièrement dans la région de Lillooet où certains ont cru y déceler l'existence de sociétés hiérarchisées. Alors que la dépendance à l'égard du saumon s'est poursuivie depuis la période précédente, des témoignages indiquent qu'après 500 avant J.-C., la nourriture d'origine organique, par exemple la lewisie reviviscente, la pomme de terre de montagne, l'oignon sauvage, et les racines de cèdres, aurait acquis une importance accrue.

Pendant toute la Période IV, l'évolution de la culture de la Côte Ouest (phase récente) a clairement précédé le modèle culturel de la Côte Ouest que nous ont révélé les documents historiques. Les grandes maisons en planches se sont généralisées. Le façonnage, par bouchardage et polissage des outils et des ornements en pierre a augmenté de popularité. Des indices nous permettent de croire à une intensification des processus causant l'apparition de sociétés hiérarchisées et une augmentation des activités guerrières. Vers la fin de la Période IV, l'arc et la flèche ont été introduits sur la côte depuis le plateau canadien. L'événement le plus marquant de la culture de l'Intérieur du Nord-Ouest (phase récente) a été son expansion vers l'est dans les barrengrounds jusqu'aux limites de la forêt septentrionale des districts de l'est du Mackenzie et du sud du Keewatin, dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi que dans les régions du nord de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Durant la Période IV, les Paléoesquimaux moyens occupaient une grande région dont l'île de Baffin était le cœur. Les Paléoesquimaux anciens partageaient plusieurs caractéristiques avec leurs ancêtres mais ils en différaient sous plusieurs rapports, tels la construction de maisons semi-souterraines en hiver et le façonnage d'un plus grand nombre d'outils par polissage. Sur quelques sites, le pergélisol a conservé les objets fabriqués en bois de dérive qui nous livrent un aperçu de la riche industrie du bois, dont des manches de microlame et des burins, des kayaks, des parties de traineau, et d'autres objets qui ne se conservent habituellement pas dans les dépôts archéologiques.

En général, les développements culturels à la Période IV ont été marqués par l'intensification et l'élaboration de développements identifiés à la Période III précédente. Le régionalisme culturel a continué à faire son chemin. Cependant, pour la première fois, un nouveau rituel funéraire associé à la construction de tumulus funéraires en terre s'est ajouté aux rituels funéraires précédents. Ces influences tiraient leur origine depuis le sud mais, au moment où elles ont atteint l'est du Canada, elles avaient été modifiées pour satisfaire les besoins locaux. On a spéculé sur le fait que l'élaboration mortuaire dans les régions du lac Rice et de la rivière Rainy en Ontario ait été stimulée par l'invention de méthodes qui permettaient la conservation du riz sauvage. Comme la production d'un surplus alimentaire sous la forme de riz desséché constituait un élément de richesse, cette situation semble avoir engendré des inégalités de statut. L'enregistrement indiquant l'existence d'un statut attribué qui aurait eu l'inégalité sociale comme compagnon, correspond à un phénomène très local et étranger, somme toute, aux GL-St-Laurentiens récents et aux Bouclériens récents de l'ouest. Cette situation s'est maintenue temporairement dans l'est mais a persisté à la Période V dans la région de la rivière Rainy, dans le nord de l'Ontario.

Ces grandes lignes font état du fait que les influences culturelles ont touché l'ensemble de l'Amérique du Nord par voie de diffusion mais que les forces culturelles régionales ont moulé les influences externes dans le creuset de leurs besoins locaux respectifs. Aucune région du Canada n'a été épargnée par la diffusion culturelle, que les innovations proviennent de l'Amérique du Sud ou de l'Asie, et qu'elles aient affecté la technologie ou les systèmes de croyances cosmologiques.


 
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