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Histoire des Autochtones du Canada
Tome I (10 000 à 1 000 avant J.-C.)

Les Planussiens anciens (Sommaire, Chapitre 9)

La phase ancienne de la culture des Plaines (le Planussien ancien : dérivé du latin "planus" qui veut dire "plat") appartient à un segment temporel s'échelonnant de 8 000 A.A. à 4 000 avant J.-C. Le lecteur se rappellera que les tables de calibration utilisées dans cet ouvrage (Klein et al. 1982), qui permettent d'exprimer les années de radiocarbone en années de calendrier, remontent seulement jusqu'à 7 240 A.A. et, par conséquent, expliquent les années A.A. et avant J.-C. ci-dessus. Du point de vue des séries culturelles établies pour le nord des plaines, on considère cette période ou bien comme une césure culturelle ou bien par une des dénominations suivantes : la Préhistoire moyenne (ancienne II); l'Archaïque des Plaines (ancien); la Période moyenne des Indiens des Plaines; et la Préhistoire moyenne (ancienne) (Walker 1992 : Figure 18).

Vers 8 000 A.A., les pointes de projectiles lancéolées et pédonculées finement taillées des Planoïens récents laissent leur place aux pointes de projectiles encochées et, moins fréquemment, aux pointes lancéolées et pédonculées démunies de leur technique de taille d'autrefois. Le changement subit des styles de pointes de projectile survient partout dans les plaines de l'Amérique du Nord et influence même le piémont voisin des montagnes Rocheuses. Ces changements n'affectent cependant pas de façon évidente les modes d'établissement et de subsistance ainsi que le reste de l'outillage, exception faite des techniques de taille de la pierre. Ces observations permettent de croire que la diffusion était responsable du changement dont témoignent le style des pointes de projectile et plusieurs aspects des anciennes techniques de la taille de la pierre. De plus en plus, on attribue l'apparition des pointes encochées à la diffusion du propulseur (Buchner 1980 : 20; Vickers 1986 : 62) plutôt qu'à une immigration d'individus dans les Plaines (Gryba 1976 : 92; Husted 1969 : 88). La chronologie des datations par le radiocarbone obtenues des sites qui recélaient des pointes de projectile anciennes nous fait soupçonner que le propulseur a été inventé quelque part dans ce qui est maintenant le sud-ouest des États-Unis vers 10 000 A.A. Si, comme les données l'indiquent, ces pointes encochées représentent l'introduction d'un dispositif technique, en l'occurrence le propulseur, dans les plaines et dans les régions avoisinantes, le Planussien ancien prolonge tout simplement le Planoïen ancien à qui s'est ajouté une technologie nouvelle mais importante. Comme les archéologues organisent nécessairement le temps et l'espace en fonction d'événements culturels, l'apparition des pointes de projectiles encochées fournit un style approprié à l'identification d'un horizon. Néanmoins, il est pratiquement certain que le remplacement de la lance de main par le dispositif javelot-propulseur a suivi un processus complexe qui s'est échelonné sur une période de temps beaucoup plus étendue qu'on ne l'imagine généralement.

Il est très difficile de reconnaître l'antiquité de plusieurs anciennes formes de pointes de projectile encochées en l'absence d'un contexte datable. Par conséquent, leur utilité comme "fossile directeur" à titre de contre-datation typologique présente de nombreux risques, spécialement en raison de la variabilité considérable des formes de pointes de projectile provenant d'un site à occupation unique (Gryba 1980; Schroedl and Walker 1978. La multiplication des noms de types à caractère régional (Mummy Cave, Bitterroot, Mont Albion Corner-Notched, Gowen side-notched, Salmon river side-notched, Hawken side-notched, Blackwater side-notched, etc.) n'a certainement pas contribué à solutionner le problème; leur signification temporelle et spatiale n'est pas claire (Vickers 1986 : 59) et leur application cavalière aux reconstitutions historiques a entraîné la confusion plus que la clarification. On a récemment fourni un effort pour définir des critères objectifs à respecter lors de la classification de telles pointes de projectile (Walker 1992 : 132-142); il reste à voir comment les archéologues des plaines réagiront face à un système de classification fondé sur des fonctions discriminantes et dérivé des mathématiques. En dépit de ces difficultés, il est clair que le Planussien ancien a fourni les assises culturelles aux Planussiens moyens de la Période III.

Les plaines ont connu une épisode lourde de conséquences à ce moment-là, nommément une période de température intermittente sèche et chaude appelée l'Altithermal ou l'Hypsithermal. Cette période de sécheresse est survenue entre 9 000 et 6 000 A.A. (Anderson et al. 1989 : 528; Schweger et al. 1981 : 581). Il est cependant opportun de noter que la rigueur des températures chaudes et sèches revêtait sans aucun doute un caractère régional (Anderson et al. 1989). En fait, les données écologiques sont si nombreuses à dénoter une variabilité régionale que le concept de l'Altithermal ne peut simplement pas servir de repère chronologique. Le concept a été tellement utilisé comme phénomène climatique étendu qu'on en a recommandé l'abandon (Schweger 1987 : 374-375). On évalue également avec un cynisme grandissant la corrélation étroite qu'on établit entre les épisodes climatiques et les réactions humaines. L'opinion courante la plus acceptée veut que les plaines à herbes courtes aient été sporadiquement occupées pendant toute la période de l'Altithermal. Il est probable que des populations, petites et parsemées, étaient impliquées et que, durant les moments de sécheresse prononcée dans certaines régions, les gens se déplaçaient normalement dans les régions marginales à la suite du gibier. De telles occupations auraient été centrées dans les vallées les plus importantes. Alors qu'il existe encore une controverses sérieuse au sujet de la datation et de la sévérité de l'événement climatique (Buchner 1980; Vickers 1986), on doit reconnaître que son impact sur les gens ne peut éventuellement être reconnu que grâce aux données archéologiques, et non paléoenvironnementales (Vickers 1986 : 58).

L'impact de l'Altithermal sur les bandes de chasseurs des Plaines a évidemment entraîné des effets sur la disponibilité des pâturages et de l'eau et, par conséquent, sur les déplacements et les concentrations des troupeaux de bisons (Buchner 1980). Un climat plus sec et plus chaud aurait favorisé les herbes aux dépens de la forêt et, par conséquent, les herbes et les troupeaux de bisons qui en dépendaient se serait répandus vers le nord et particulièrement vers le nord-est. Dans l'éventualité où les herbes se seraient répandues aux dépens des forêts, la densité et la qualité des pâturages auraient été réduites par la sécheresse. Des conditions de sécheresse auraient eu tendance à attirer les troupeaux dans les vallées principales, dans les forêts-parcs marginales et dans les régions boisées où l'eau et les pâturages étaient suffisamment disponibles. Les oasis boisés dans les régions herbacées, telles que les Cypress Hills qui chevauchent le sud de l'Alberta et la Saskatchewan, auraient aussi fourni un refuge aux troupeaux aussi bien qu'à leurs prédateurs humains. Les cycles d'érosion et de dépôt qui ont enseveli profondément ou ont détruit les sites (Vickers 1986 : 49-51; Wilson 1983) s'ajoutent aux changements environnementaux produits par le climat et à leurs effets sur les troupeaux et, par voie de conséquence, aux modes d'établissements humains ainsi qu'à la difficulté de reconnaître la technologie des Planussiens anciens à partir des sites de surface. Cette visibilité archéologiques grandement réduite a gravement limité la reconstitution archéologique du mode de vie des Planussiens anciens (Dyck 1983).

Une irruption volcanique en Orégon à 6 600 A.A. (5 805 à 5 250 avant J.-C.) a constitué un événement naturel important qui a recouvert d'un dépôt de cendres volcaniques géologiquement reconnaissable et datable (Bobrowsky et al. 1990) une grande parie du sud de la Colombie Britannique, le sud de l'Alberta, le sud-ouest de la Saskatchewan, et les états adjacents. Ce dépôt, dénommé la retombée volcanique de Mazama ou tephra, sert de repère temporel horizontal, géologique et archéologique, et indique que les vestiges situés au-dessous ou au-dessus du dépôt de cendres remontent à une date respectivement antérieure ou postérieure aux cendres.


 
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