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Histoire des Autochtones du Canada
Tome II (1 000 avant J.-C. à 500 après J.-C.)

Les Paléoesquimaux moyens (Sommaire, Chapitre 30)

Contrairement aux nombreuses cultures considérées dans cet ouvrage, il existe plusieurs comptes rendus instructifs et faciles à lire sur les Paléoesquimaux (e.g. Maxwell 1984; McGhee 1996; Schledermann 1990). Il existe une synthèse récente de l'archéologie des Paléoesquimaux au Groenland, synthèse qui est directement pertinente au Canada (Grønnow and Pind 1996). Pour un compte rendu personnel qui fournit des lumières sur les problèmes rencontrés par les archéologues de l'arctique ainsi que des renseignements sur les Paléoesquimaux, voir Schledermann (1996). Un sommaire utile des Paléoesquimaux moyens (complexe dorsétien) peut se trouver dans Maxwell (1985 : Chapitres 6 et 7). Le terme "complexe" est utilisé ici pour désigner une sous-unité régionale ou temporelle du Paléoesquimau et considéré comme un mécanisme de classification archéologique provisoire qui sera certainement sujet à des modifications dans l'avenir. Des termes comme pré-Dorsétien, Dorsétien, Lagoon, Indépendance II, Sawwaw, et Groswater font partie de cette catégorie. La recherche archéologique en cours révèle que la diversité régionale apparente au Paléoesquimau moyen et récent était déjà en progrès durant le Paléoesquimau ancien à la Période III (e.g. Sutherland 1996). Le complexe le plus connu du Paléoesquimau moyen est le Dorsétien qui a été identifié pour la première fois à partir de l'examen d'objets du Musée national du Canada (Jenness 1925). On a très tôt reconnu que les complexes ci-haut mentionnés étaient reliés au complexe de Denbigh Flint de l'Alaska. La tradition des Outils microlithiques de l'arctique est la classification culturelle parapluie qui englobe tous les groupements régionaux et temporels. Alors que plusieurs archéologues (Collins 1956; Harp 1958; Taylor 1959) avaient remarqué l'existence d'une parenté étroite entre le Pré-Dorsétien et le Dorsétien, le mérite d'avoir démontré la nature de cette parenté revient à Taylor (1968).


Instruments des Paléoesquimaux moyens - Dessins : David Laverie
Instruments des Paléoesquimaux moyens

À gauche se trouvent deux harpons à tête basculante remontant à 900 avant J.-C. et 500 après J.-C., respectivement. À leur droite, se trouve un burin en chert poli et l'extrémité distale d'une pointe cannelée. À droite, se trouve une lampe en stéatite quoique, à la Période IV, les lampes sont habituellement rectanguloïdes.

(Dessins de M. David W. Laverie.)


Il est nécessaire de commenter l'usage du mot "Esquimau" dans Paléoesquimau. Je suis d'accord avec l'observation "...que les Dorsétiens parlaient une vieille variation de la langue esquimaude" (Taylor 1968a : 9), une opinion supportée par les traditions orales des Inuits, plus communément appelés Esquimaux, qui affirment que les Tunits (Dorsétiens) parlaient la même langue qu'eux (Rasmussen 1931 : 113-114). D'autres ne sont pas aussi enclins à accepter cette affirmation (e.g. McGhee 1996 : 41).

Au cours de la grande partie de la Période IV (1 000 avant J.-C. à 500 après J.-C.), l'arctique oriental a été affecté par un refroidissement qui a débuté vers 2 000 avant J.-C. Le plus grand impact que le refroidissement du climat a eu sur les gens s'est manifesté par la manière avec laquelle il a influencé les conditions des banquises et les plans d'eau restreints, appelés polynas, où des concentrations de mammifères marins auraient été disponibles.

Le Paléoesquimau moyen est utilisé comme une rubrique pour tous les complexes régionaux composant la tradition des Outils microlithiques de l'arctique remontant à 1 000 avant J.-C. et 500 après J.-C. Ceci implique une occupation qui s'étend du delta du fleuve Mackenzie dans l'ouest jusqu'au Groenland dans l'est, au nord de l'île d'Ellesmere et au sud jusqu'à l'île de Terre-Neuve. Une telle distribution d'occupation englobe une envergure est-ouest de 3 000 km et une envergure nord-sud approchant 4 000 km (Taylor 1968a : 6). Étant donné la variabilité de la topographie, des ressources fauniques et des conditions des banquises dans toute cette énorme étendue de terre et de mer, une variabilité culturelle considérable est inévitable, mais toujours dans le cadre d'un modèle culturel généralement partagé. Dans le but d'identifier la variabilité culturelle régionale chez le Paléoesquimau moyen, le complexe local impliqué sera spécifié. Le terme "sous-culture" pour de tels complexes a été utilisé antérieurement, mais est discontinué ici comme une source inutile de confusion potentielle. Des banques de données plus amples sont requises pour évaluer les relations mutuelles de ces complexes et indubitablement il y aura des changements significatifs de classification dans l'avenir. Par exemple, chaque complexe est indubitablement composé de plusieurs communautés indépendantes qui auraient eu leur propre nom pour eux-mêmes et un sens clair de leur identité propre. Une telle fluidité classificatoire ne peut pas et ne devrait pas être évitée dans une discipline à base de données comme l'archéologie. À titre de discipline dont les classifications sont basées sur des processus culturels, plutôt que sur des lois de génétique ou de physique, l'archéologie se voit forcée d'établir les classifications requises au contrôle d'une masse de données tout en étant conscient que la réalisation de ces données est toujours incomplète et doit être ajustée avec l'obtention de renseignements nouveaux. Un intérêt croissant dans les problèmes de la classification archéologique de l'arctique devrait résoudre quelques-unes des difficultés récurrentes de classification, notamment l'assignation du même site à différents complexes par divers chercheurs.

En plus des complications engendrées par les liens susceptibles d'exister entre les variantes régionales du Paléoesquimau moyen, l'enregistrement révèle que plusieurs différentes migrations ont eu lieu à différents endroits à des époques différentes. Les antécédents du complexe de Groswater du Paléoesquimau moyen dans le nord du Québec, au Labrador et à Terre-Neuve, par exemple, ont été dérivés de développements culturels de l'île d'Ellesmere et du Groenland voisin. La colonisation de la région de la baie d'Hudson, par contre, a été faite par des populations provenant de l'ouest dans bassin de Foxe.

Le Paléoesquimau moyen descend du Paléoesquimau ancien de la Période III (4 000 à 1 000 avant J.-C.). La controverse entourant la transition du complexe pré-dorsétien au complexe dorsétien continue à la Période IV. Par exemple, on discute encore pour savoir quand exactement et comment le complexe pré-dorsétien est devenu le complexe dorsétien. Ici la période de la transition du Pré-Dorsétien au Dorsétien est inclue dans le Paléoesquimau moyen et, ainsi, débute à 1 000 avant J.-C. plutôt que 500 ans plus tard comme plusieurs l'avancent pour le début du Dorsétien (McGhee 1996). La différenciation des deux complexes a été principalement basée sur la présence ou l'absence de certains éléments archéologiques, avec une emphase claire placée sur les différences plutôt que les similarités. Plusieurs assomptions de nature douteuse ont été faites concernant les relations entre les deux complexes, notamment la suggestion que les Paléoesquimaux anciens avaient l'arc et la flèche mais que les Paléoesquimaux moyens ont abandonné ce système d'armes. Une autre hypothèse veut que tous les Paléoesquimaux aient manqué de moyens techniques pour capturer les grands mammifères marins à partir d'embarcations. Cette opinion semble se fonder principalement sur l'absence d'attirail spécialisé dont les Inuits plus récents se sont servis pour la chasse aux mammifères marins et qui ont survécu dans l'enregistrement. Des restes de grandes baleines sont occasionnellement récupérés de sites du Paléoesquimau moyen mais sont présumés avoir été le résultat de gens qui dépeçaient les carcasses des baleines échouées. La précision de cette hypothèse a été remise en question par l'enregistrement de chasse aux grandes baleines à la fin de la Période III dans le site du complexe de Saqqaq de Queqertasussuk dans l'ouest du Groenland (Grønnow 1994 : Table 1). Il est nécessaire d'accepter le fait que les éléments des anciennes technologies sont invisibles en archéologie. Il n'y a aucun doute qu'une dépendance eu égard à la riche documentation ethnographique de la technologie et du mode de vie des Inuits a influencé les interprétations de la technologie des Paléoesquimaux, spécialement quand elle dévie du modèle inuit. Une telle hypothèse étroite renferme plusieurs pièges.

Une différence majeure entre le Paléoesquimau ancien de la Période III et du Paléoesquimau moyen de la Période IV a été l'abandon par ces derniers de territoires autrefois occupés dans l'intérieur du nord de l'Alaska et des barrengrounds des districts du Keewatin et du Mackenzie dans les territoires du Nord-Ouest (McGhee 1987). Ce changement de stratégie d'établissement loin dans l'intérieur indique des activités réduites sur la chasse au caribou et une concentration sur la chasse aux mammifères marins. En fait, on considère que la transition vers le complexe dorsétien a découlé directement d'une adaptation aux avantages que présentait une banquise plus étendue suite au changement de climat.

Une hypothèse qui se situe au cœur de l'archéologie de l'arctique oriental durant la Période IV, et plus tard, correspond au concept selon lequel une région-noyau comprenant le détroit d'Hudson, le bassin de Foxe et la région de l'île de Baffin, aurait été occupée de façon ininterrompue et aurait servi de relais pour les migrations des gens vers des régions plus éloignées ainsi que d'une place où se retirer dans des situations défavorables. Alors que le concept a encore une certaine utilité, il semple être une simplification exagérée des événements. D'autres régions qui revêtaient le caractère de noyau, notamment l'extrême arctique et le nord du Groenland, le Labrador et l'arctique central, ont existé pour des périodes considérables de temps et ont interagi les unes avec les autres autant que la prétendue région-noyau. Mais l'intensité de l'interaction a été variable. Par exemple, il semble maintenant que les premiers Paléoesquimaux moyens du Labrador et de Terre-Neuve avaient plus en commun avec les gens de l'extrême arctique, voisin du Groenland, que la plus grande partie de la côte québécoise n'en avait avec les gens de la zone-noyau proprement dit.

La tradition des Outils microlithiques de l'arctique (Irving 1957), dont le Paléoesquimau moyen représente un segment dans la branche orientale de la tradition, a été bien nommée. Les outils en pierre ont une taille typiquement minuscule et se conforment de manière exceptionnellement conservatrice à des modèles stylistiques culturellement approuvés. Les outils étaient façonnés avec un soin méticuleux. On compte une grande variété de burins, la plupart comportant un tranchant poli contrairement aux instruments de la Période III dont le tranchant était obtenu par coup de burin. Les burins semblent avoir servi une grande variété de fonctions : couper, creuser, graver et, comme ils étaient toujours façonnés de pierre très dure comme le chert et la néphrite, étaient idéalement appropriés pour le façonnage d'instruments et d'ornements en ivoire, en andouiller et en os. Les microlames peuvent ne pas être présentes ou abondantes dans les sites du Paléoesquimau moyen. Dans les sites comportant des conditions favorables à la conservation du bois, on a trouvé des microlames emmanchées dans des manches en bois. Leur fonction principale aurait été de servir de couteaux pour couper les peaux en vue des vêtements et pour trancher la viande. On croit généralement que les pointes ont pu avoir armé les têtes de harpon à tête basculante plutôt que le fût des flèches mais cette hypothèse est douteuse. Les armatures latérales en pierre taillée ont été insérées dans des fentes dans le côté des lances en os et en andouiller, les harpons et, occasionnellement, les flèches. Les pointes et les couteaux en ardoise polie se généralisent et sont fréquemment encochés latéralement comme plusieurs pointes en pierre taillée. Il y a une grande variété de formes de grattoirs, de couteaux, et d'herminettes en pierre taillée, ces dernières généralement en pierre dont le polissage dégage le tranchant seulement. Les instruments importants en os et en ivoire sont les aiguilles avec un chas creusé au lieu d'être perforé à la mèche et une variété de harpons à tête basculante, ces derniers étant particulièrement utiles comme repères d'horizons. Quelques harpons en ivoire et en andouiller étaient armés de pointes en pierre taillée ou polie alors que d'autres étaient d'un seul tenant dans le sens que la pointe perforante était simplement polie. Grâce aux conditions du pergélisol favorables à la conservation du bois, on a récupéré dans quelques sites des articles comme des manches en bois pour des burins en pierre et des microlames, et des parties d'embarcation et de traîneau. Des objets d'art en ivoire, en os, en bois et en stéatite sont présents en nombre croissant mais n'atteignent pas le degré de fleuraison apparente au cours de la Période IV. Les premières descriptions détaillées en quantité et en qualité des outillages du Paléoesquimau ancien et moyen ont été faites par Taylor (1968) qui a tenté de démontrer la continuité technologique entre les complexes pré-dorsétiens et dorsétiens.

Les complexes régionaux du Paléoesquimau moyen ont été identifiés principalement sur la base de leur outillage. Ceci ne s'applique pas seulement au Paléoesquimau moyen mais aussi au Paléoesquimau ancien. Ainsi, durant la Période III (4 000 à 1 000 avant J.-C.) "Dans l'arctique nord-américain, la tradition des OMA (Outils microlithiques de l'arctique) est représentée par le complexe de Proto-Denbigh et de Denbigh Flint en Alaska, du complexe de l'Indépendance I principalement dans l'extrême arctique canadien et le nord du Groenland, le complexe de Saqqaq, trouvé principalement dans le sud-ouest et le sud-est de Groenland et les complexes du Pré-Dorsétien et du Dorsétien généralement trouvés dans les régions canadiennes de l'arctique central et oriental, y compris le Labrador et Terre-Neuve" (Schledermann 1990 : 20). La différenciation régionale semble s'accroître durant la Période V avec le complexe de Lagoon dans le centre de l'arctique et les complexes de transition du Pré-Dorsétien, de l'Indépendance II, de Saqqaq récent, le Dorsétien I et de Groswater dans l'est. Par contre, comme pour la Période III, les similarités entre ces complexes régionaux excèdent leurs différences.

Il y a eu un changement significatif du mode de subsistance de la Période III à la Période IV alors que les Paléoesquimaux moyens de cette dernière abandonnèrent les anciens territoires de chasse de l'intérieur et intensifièrent la chasse aux mammifères marins sur la banquise (Maxwell 1980 : 170). Les animaux terrestres étaient encore importants mais comme une ressource complémentaire plutôt qu'une ressource principale. Le climat plus froid a, croit-on, réduit la disponibilité du caribou. En outre, les mammifères marins ont tendance à constituer une nourriture plus fiable quoique leur disponibilité soit affectée par l'état de la banquise. Comme les Paléoesquimaux moyens ont occupé plus 1 500 000 km carrés d'un paysage très variable, s'étendant du delta du fleuve Mackenzie à travers l'arctique jusqu'au Groenland et au sud sur la côte du Labrador jusque sur l'île de Terre-Neuve, les ressources animales et les méthodes nécessaires pour les capturer auraient été aussi variables. En dépit des différences régionales quant à la disponibilité des ressources et quant à l'importance accordée aux proies animales spécifiques, comme le caribou, le phoque semble avoir constitué l'élément de base de la subsistance dans toute la région.

Concomitant avec une concentration sur la chasse aux mammifères marins, on remarque le changement naturel du mode d'établissement sur la côte et loin des établissements intérieurs d'autrefois. C'est l'une des caractéristiques exceptionnelles de l'occupation dans l'arctique à la Période IV. Plusieurs sites sont situés à courte distance de la banquise et de ses concentrations de mammifères. Un problème majeur qu'on doit solutionner afin d'acquérir une plus grande compréhension des modes d'établissement est relié à la vraisemblance qu'il y ait eu des établissements hivernaux, des iglous, sur la banquise. De tels établissements hivernaux auraient été idéalement appropriés pour des fins de chasse soit près d'un plan d'eau ou au phoque aux cheminées de respiration. La possibilité de l'établissement hivernal sur la banquise a été soulevée pour les Paléoesquimaux anciens à certains endroits comme le centre de l'arctique où les sites d'occupation hivernale sur la terre ferme semblent absents (Wright 1995 : 435). Évidemment, tout témoignage de l'occupation hivernale de la banquise disparaîtrait chaque année avec la glace. Il y a aussi les problèmes reliés à l'acquisition d'échantillons fauniques nous permettant de tirer des conclusions quant à la subsistance. Les os de grands animaux, par exemple, étaient utilisés comme combustible et, étant donné le climat et la disponibilité du pergélisol ou des bancs de neige en été, la nourriture pouvait être facilement cachée pour la consommation hivernale. Ainsi, une concentration de vestiges d'oiseaux aquatiques dans un site n'indique pas nécessairement une occupation estivale au moment où les oiseaux étaient disponibles mais, plutôt, pourrait représenter d'autres saisons de l'année alors que les carcasses cachées des oiseaux étaient consommées. Dans plusieurs cas, la localisation des sites est vraisemblablement un indicateur plus fiable de la saison d'occupation que la récupération des vestiges fauniques.

Les abris des Paléoesquimaux moyens varient d'anneaux de tente et de structures rectanguloides semi-souterraines à des abris comportant des régions avec alignement axial foyer-aire de travail et des endroits pour dormir de chaque côté; ce dernier arrangement était le plus caractéristique dans l'extrême arctique, le nord du Groenland et le Labrador - Terre-Neuve.

Le chamanisme chez les Paléoesquimaux moyens se reflétait indubitablement dans les sculptures, principalement naturaliste, en ivoire, en andouiller, en os, en stéatite et en bois. Plusieurs de ces objets peuvent aussi avoir servi d'amulettes personnelles. Alors qu'un tel art avait connu des débuts à la Période III et s'était généralisé graduellement à la Période IV, ce n'est pas avant la Période V (500 après J.-C. jusqu'à l'arrivée des Européens) qu'il atteignit le sommet de son développement. En plus des formes animales et humaines, d'autres objets relativement généraux sont des contenants pour l'attirail des chamans, attirail sculpté sur des défenses de morse et des harpons miniatures à tête basculante. On détecte, dans les manifestations stylistiques, certaines correspondances avec celles des complexes d'Okvid et Ipiutak de la région du détroit de Béring en Alaska. On ne peut pas dater les sites de pétroglyphes sur la rive québécoise du détroit d'Hudson mais, sur la base des styles, on croit qu'il appartient à la Période IV. Non seulement les archéologues mais les historiens d'art ont été fascinés par l'art Paléoesquimau (e.g. Taylor and Swinton 1967). En fait, il a élicité l'observation à savoir que "Les croyances magico-religieuses ont imprégné la technologie dorsétienne à un point tel qu'elles ont contribué à l'accomplissement le plus frappant des Dorsétiens : la création d'un corpus artistique qui est unique, imprévu et remarquable" (McGhee 1996 : 148).

Le témoignage des sépultures des Paléoesquimaux moyens est extrêmement rare et provient principalement de sépultures vandalisées situées des crevasses des escarpements de calcaire à Terre-Neuve. Quelques sites situés plus au nord ont produit occasionnellement des restes humains. Pour des raisons inexpliquées et peut-être symboliques, ces restes sont souvent représentés par des mandibules. Les restes de chien sont également rares. On accordait peut-être aux chiens le même traitement qu'aux humains, probablement l'exposition ou leur déposition sur la banquise. Les études en anthropologie physique des témoignages restreints placent les individus dans l'ensemble racial des Mongoloïdes du nord auquel les Inuits actuels appartiennent.

On a trouvé populaire de considérer que les Paléoesquimaux moyens étaient isolés dans leur patrie de l'arctique oriental. Il y a cependant des témoignages évidents d'influences provenant de peuples apparentés d'Alaska. La dépopulation des côtes du Labrador de la part des Paléoesquimaux moyens vers 200 après J.-C. a été attribuée aux intrusions de la part des Indiens sur la côte ainsi qu'aux désastres naturels (Tuck 1976 : 101). Le témoignage direct de contacts entre Indiens et Paléoesquimaux moyens sont absents et "Les conclusions générales concernant les contacts entre Dorsétiens/Indiens au Labrador doivent être que l'enregistrement n'apporte pratiquement aucun témoignage de leur existence..." (Fitzhugh 1980 : 29).

Les goupes familiaux, petits et très mobiles, composant la société des Paléoesquimaux moyens étaient vraisemblablement organisés en bandes locales qui, à leur tour, auraient été apparentés par le sang avec les bandes voisines. Étant donné la nécessité pour les gens de trouver de la nourriture et que les animaux de proie pouvaient être affectés par les circonstances naturelles et non entièrement prévisibles, une mobilité considérable peut être anticipée y compris des migrations occasionnelles de populations sur de longues distances. Mais de tels déplacements prenaient place, croit-on, conjointement avec d'autres groupes et ainsi un système d'appui mutuel aurait eu lieu. Pendant presque toute l'année, on peut anticiper que la famille nucléaire était la plus grande unité familiale et que deux ou trois familles se déplaçaient ensemble ou se maintenaient à proximité l'une de l'autre. À des moments favorables de l'année, notamment lors des montaisons de l'omble (Salvelinus alpinus) à l'occasion du fraie dans les lacs et les rivières à l'automne ou près d'une colonie d'oiseaux en été, plusieurs des groupes familiaux auraient pu s'assembler pour réaffirmer leur identité sociale, arranger des mariages, organiser des cérémonies et échanger des renseignements et des commérages.

À en juger par la nature de l'outillage des Paléoesquimaux moyens et, en fait, de tous les Paléoesquimaux, on peut inférer que les gens réglaient leur comportement à l'aune d'une conformité étroitement contraignante. Il y avait une seule façon d'accomplir quelque chose et c'était la façon paléoesquimaude. De ce point de vue, il semble qu'on ait très peu toléré un comportement idiosyncratique, même quant il s'agissait de la fabrication des outils. On a suggéré que l'obsession des Paléoesquimaux moyens quant à leur façon ultra conservatrice de faire les choses a pu avoir été généralement responsable de leur disparition en tant qu'entité culturelle lorsque les ancêtres des Inuit ont occupé leur territoire vers le début du 10e siècle (Nash 1976 : 155).

Les limites de l'enregistrement archéologique sont en grande partie les mêmes que partout ailleurs au Canada, notamment la rareté des comptes rendus régionaux sous forme de publication, le mélange des occupations composantes en raison de l'occupation répétée des mêmes sites, et ainsi de suite. Cependant, il y a deux situations généralement uniques à l'arctique : la probabilité d'établissements hivernaux invisibles en archéologie dans les maisons en neige sur la banquise et, à un degré de compensation pour le premier, la visibilité des vestiges archéologiques visibles de l'air. Comme les Inuits de la Période V ont fréquemment occupé les mêmes sites que ceux des Paléoesquimaux, les établissements hivernaux composés de grandes pierres, d'os de baleine et de tourbe étaient hautement visibles de telle sorte que les reconnaissances aériennes permettent de découvrir accidentellement des occupations antérieures. On a suggéré que l'archéologie dans l'arctique "...partage certains modèles avec la croyance mythologique : l'acceptation d'une autorité antérieure, l'intolérance d'une opinion divergente et la recherche d'explications simples pour des phénomènes complexes" (McGhee 1983 : 21). Il y a eu aussi une tendance à assumer que l'absence d'enregistrement archéologique direct d'un élément technologique ou culturel est l'équivalent d'une absence réelle. Ceci a été la base pour mettre en doute l'existence d'éléments de la technologie, notamment ceux des kayaks, des umiaks, des maisons en neige, de la traction à chiens, et de l'arc et de la flèche. En d'autres mots, il y a eu une dépendance excessive sur l'analogie ethnographique des Inuits et l'hypothèse tacite qu'elle pouvait être appliquée à la technologie des Paléoesquimaux. Comme le démontrent les études ethnographiques récentes, les gens ont été capables de recourir à plusieurs façons ingénieuses pour atteindre leurs buts sans laisser d'enregistrement archéologique.


 
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