L'ÉNIGME DE LA RIVIÈRE AU TONNERRE (transcription textuelle) Capsule patrimoniale de la vallée du Mackenzie Montage et direction: Lori J. Schroeder Rédaction et production: Jean-Luc Pilon Une production du Musée canadien des Civilisations, Hull, Québec. Février 1996 (Bulletin de nouvelles): "Informations/Nord, le 11 juillet, 1986. Il y a onze jours, un front froid se déplaçant au sud de la Mer de Beaufort a déclenché un orage violent, accompagné d'éclairs et des vents atteignant de 30 à 40 kilomètres heure, dans les régions de la rivière au Tonnerre et du lac Travaillant." (Narrateur): "Que peut vouloir dire un nom? Prenons par exemple le nom de la rivière au Tonnerre. À titre d'archéologue oeuvrant dans la vallée du bas Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest, j'ai examiné un site archéologique à l'embouchure d'un petit ruisseau, appelé la rivière au Tonnerre, qui se jette dans le puissant fleuve Mackenzie à plus de 100 km au nord du cercle polaire. Ce site s'avéra assez intéressant. Il aurait constitué une source majeure de pierre qui servait à fabriquer des outils avant l'arrivée des Européens. Eh bien! comment ce ruisseau en est-il arrivé à s'appeler la rivière au Tonnerre?" (Narrateur): "Selon les documents, le premier à utiliser ce terme fut le Père Émile Petitot, missionnaire oblat au Fort Good Hope dans les années 1870. Mais en français "Tonnerre" ne correspondait pas à l'appellation que donnaient les Autochtones à ce ruisseau. On peut y voir un indice de la connaissance qu'avait Petitot des écrits des voyageurs européens qui avaient autrefois emprunté cette rivière." (Thomas Simpson). "Le 24, nous campèrent à un mille en amont du vieux Fort Good Hope, de l'autre côté de la rivière, au pied d'un escarpement d'ardoise friable, fortement imprégné de fer, et contenant une bonne dose de soufre. Dans la nuit, on a eu droit à du tonnerre, des éclairs et de la pluie ." (Alexander Mackenzie): "Le 8 juillet, 1789... On a eu du tonnerre et de la pluie toute la nuit..." "Nous avons suivi une petite rivière où les Autochtones et les Esquimaux s'approvisionnent en silex. La rive est formée d'un rocher haut, abrupte et tendre, bigarré de teintes rouge, verte et jaune. Le ruissellement ininterrompu de l'eau en détache souvent des morceaux qui tombent et se cassent en petits éclats de pierre ressemblant à de l'ardoise, mais pas aussi dure." (Le narrateur): "L'importance de la pierre a été mise en valeur par les découvertes archéologiques à l'embouchure de la rivière au Tonnerre en 1992. David Pokotylo de l'Université de la Colombie-Britannique dirigea une équipe de chercheurs." (David Pokotylo): "L'une des régions les plus riches de cette colline se trouve à cette extrémité qui est moins élevée et qui surplombe le fleuve Mackenzie. On a relevé plus de 30 petites concentrations d'outils en pierre dans cette région. Jusqu'à maintenant on en a fouillé neuf. L'une des plus importantes a été le dépôt qui se trouve juste en face de nous et qu'on a décapé par niveaux, l'un après l'autre, pour atteindre la surface originale qui était plate jusqu'ici, principalement pour tester et vérifier si cet endroit comprenait d'autres dépôts culturels plus profondément ensevelis. Il n'en avait pas. En avant-plan en face de moi, une surface d'environ deux mètres de diamètre a constitué le monticule le plus riche de nos fouilles cet été; il renfermait plus de 10,000 outils. Mais un aspect qui nous rendait un peu perplexes, c'était d'expliquer pourquoi tant de concentrations d'outils se trouvaient juste ici au sommet même de la crête qui surplombe la rivière. En fait, c'est simple. Autour de moi, il y a plusieurs bons points d'observation. On a une bonne vue de la vallée de la rivière au Tonnerre, on peut voir à une grande distance en amont et en aval du Mackenzie. Et je serais tenté de penser que les gens venaient ici pour fabriquer des outils, pour façonner des pointes d'armes en pierre, leurs outils pour gratter et leurs couteaux, compléter leur façonnage, mais d'ici ils pouvaient aussi apercevoir le gibier qui se rendait à la rivière au Tonnerre, même les gens qui en descendaient ou en montaient juste en face d'eux. En outre, dans cette région, il y a une brise constante qui rend l'atmosphère agréable lors des temps très chauds en permettant de travailler dans une fraîcheur relative qu'on ne retrouve pas au fin fond de la vallée." (Narrateur): "La pierre qui effleure ici se retrouve également dans des sites archéologiques dans un très grand rayon: au nord de la rivière au Tonnerre dans la région de Vidiitshuu, en aval du Mackenzie et loin dans le Delta, et à l'est jusqu'au lac Colville et le lac Grand Ours." (Narrateur): "Différents groupes utilisaient cette pierre en la ramassant en personne ou en l'échangeant. Encore plus important, ce comportement a duré plusieurs milliers d'années. Ces faits démontrent l'importance de ce site dans l'histoire de la région." (Narrateur): "Les Autochtones qui demeurent dans la vallée du bas Mackenzie détiennent une source remarquable de renseignements sur l'embouchure de la rivière au Tonnerre. Les Gwich'in qui exploitaient les territoires au nord et à l'ouest nomment cette place Vihtr'iitshik: l'embouchure du ruisseau à silex. Les Indiens, surnommés "Esclaves", qui vivent à Fort Good Hope et exploitent les territoires au nord, à l'est et au sud, donnent à cet endroit le nom de Feetee Lu Shee: grattoir à peau ou roche platte qui saute sur l'eau." (Narrateur): "Les Européens qui voyagèrent sur le fleuve Mackenzie ont puisé leur inspiration dans les forces de la nature qu'ils observaient à l'embouchure de la rivière au Tonnerre. Le nom qu'ils lui ont donné est poétique. Mais les gens de la région la connaissaient comme la source d'une matière première à utiliser, et lui donnèrent un nom qui reflétait leur perception." "La prochaine fois que vous consulterez une carte et lirez un nom de lieu inhabituel, demandez à un aîné "Que peut bien vouloir dire ce nom?". Vous serez peut-être surpris de sa réponse."