Les mystéres archéologiques de la région d'Ottawa

Introduction

Au début du printemps de 2002, quelques articles, parus dans les journaux de la région d'Ottawa, traitèrent de l'archéologie de la ville (Boswell 2002a,b,c).  L'histoire ancienne de la zone ceinturant les chutes Chaudières n'avait pas reçu autant d'attention depuis le début du XXe siècle, au moment où T.W. Edwin Sowter effectuait ses recherches et les publiait en tant que membre du Ottawa Field Naturalists' Club (Jamieson 1999; Pilon 2004; Sowter 1895, 1900, 1901, 1909, 1915, 1917).

Le site du nouveau Musée canadien de la guerre; photo: Jean-Luc Pilon

Un évènement d'un autre genre explique ce nouvel intérêt pour l'archéologie. Au printemps de 2002 ont débuté les travaux de construction d'un nouveau Musée canadien de la guerre, situé sur les Plaines LeBreton, sur la rive sud de la rivière des Outaouais, tout juste à côté des chutes Chaudières. Le projet de construction du musée, en particulier, et les ré-aménagements des plaines LeBreton, en général, ont suscité l'attention du public envers ce parc aux collines ondulantes, à l'extrémité ouest de la rue Wellington, sous le regard distrait de la Bibliothèque et des Archives du Canada.  Ce secteur a été témoin des plus importants chapitres qui ont marqué le développement de la ville de Bytown/Ottawa, y incluant l'arrivée des premiers colons, au début des années 1800, la première taverne/auberge, de vastes cours à bois, les barons de l'industrie forestière, de sénateurs, etc.  (Jenkins 1997; MacAdam 2002).  

Une vue sur le site du nouveau Musée canadien de la guerre en avril 2002, au tout début de la phase de construction. En avant-plan se trouvent les restes de la résidence de James Skead, un marchand de bois du XIXe siècle qui devint membre du Parlement canadien et plus tard sénateur.

Mais cette présence humaine cessa abruptement au milieu des années 1960 quand la Commission de la capitale nationale expropria et démolit  la communauté des « Flats » dans son entier, la remplaçant par des monticules de terre, parfois toxique.  Ce nouveau développement faisait face à un enjeu imprévu dont l'union de plusieurs éléments créait une situation, pour certains, très délicate (MacAdam 2002).

Bon nombre d'articles de journaux ainsi que des émissions de radio et de télévision ont reconnu le danger que ce nouveau développement faisait courir au patrimoine archéologique des « Flats ». Entre autres préoccupations, on a identifié la destruction possible de restes archéologiques autochtones (voir Boswell 2002c). Cette possibilité fut en grande mesure inspirée par les propos très clairs, énoncés par l'archéologue amateur T.W. Edwin Sowter dans ses articles de 1909 et de 1915, ainsi que sur une carte de la distribution des sites archéologiques de la région d'Ottawa, illustrant son article de 1917.  Dans chaque cas, Sowter insistait sur la découverte d'une sépulture commune, d'un ossuaire, par le docteur Edward Van Cortlandt en 1843 et rapportée en 1853, situé « à Ottawa, à l'endroit formant le coin nord-ouest de l'intersection des rues Wellington et Bay » (Sowter 1909:98). Dans son texte de 1915, il revient sur l'emplacement en ajoutant que le site était « à l'endroit présentement occupé par la Capital Brewery » (1915:50).   Dans les deux cas, Sowter cite l'article de Van Cortlandt (Figure 1) de 1853 comme preuve de ses propos. 

Cette affirmation fut répétée par Lucien Brault, spécialiste reconnu de l'histoire de la ville d'Ottawa, qui semble se référer aux écrits de Van Cortlandt, mais qui a sans aucun doute lu les écrits de Sowter, car il fait référence à d'autres découvertes archéologiques qui, situées dans la région de la ville d'Ottawa,  n'ont été présentées que par Sowter, sans toutefois citer ce dernier.

Plus récemment, les efforts de recherches du journaliste Randy Boswell ont mené à la découverte d'une courte note publiée dans la Bytown Gazette du 15 juin 1843 (Anonyme 1843).  On n'y donne pas le nom de l'auteur, mais son contenu, quoique plutôt sommaire, manifeste des similitudes intéressantes avec l'article publié par Van Cortlandt, 10 ans plus tard (Van Cortlandt 1853).   Boswell accepta, sans les remettre en question, les informations contenues dans l'article de 1843.  Au contraire, il semble blâmer les scientifiques d'avoir négligé cette source importante de renseignements. Du moins, c'est la conclusion à laquelle on peut arriver si l'on se fie au titre suivant:  « Comment l'histoire d'Ottawa a pris un mauvais tournant. Le Citizen révèle comment un cimetière autochtone situé à 'environ un demi-mile en aval de la Chaudière' a été découvert et puis perdu pendant un siècle, parce que des générations de chercheurs ont ignoré un article de journal.  On y retrouve des parts égales de tragédie, de farce et d'épopée » (Boswell 2002a).

Le présent article tente de comparer les deux publications qui portent sur l'Ossuaire d'Ottawa afin d'évaluer le degré de confiance que l'on peut attribuer à l'une et à l'autre version, surtout en ce qui a trait à l'emplacement du site. De plus, nous examinerons comment l'acceptation aveugle du contenu de la note de 1843 peut s'insérer dans la discussion du passé archéologique de la région d'Ottawa.

Introduction | Le docteur Edward Van Cortlandt | Comparaison des deux articles

Le fardeau de la preuve | Un appui en faveur de la thèse de Bédard's Landing

La certitude de T.W. Edwin Sowter | Autres considérations

L'article de la Bytown Gazette de 1843 | L'article de Van Cortlandt de 1853

Sources citées

Remerciements