Des travailleurs d'un autre corps de métier essentiel apparaissent sur un timbre de 1946 (#272), portant sur l'industrie moderne du bois de sciage. Encore ici, c'est l'automatisation de la production qui est le thème principal de l'image. On y voit deux hommes de chantier qui, munis des premiers modèles de tronçonneuses, pratiquent les nouvelles méthodes mécaniques d'abattage des arbres. Cette image donne l'impression que ces deux travailleurs sont à la merci des arbres abattus derrière eux. D'ailleurs, la publication de ce timbre, qu'on appelait parfois le « timbre des bûcherons insouciants », avait donné lieu à une certaine controverse. Il semblerait que cette image soit le résultat de la fusion de deux photos prises dans des chantiers de la Colombie-Britannique - effet artistique témoignant, en quelque sorte, des premiers balbutiements du réalisme magique. « En réalité, indique un commentateur, on ne verrait jamais deux équipes d'abatteurs si près l'une de l'autre, mais on voulait ainsi donner un plus beau coup d'œil à ce timbre rectangulaire¹⁸. » Le travailleur forestier est dépeint sous un jour plus héroïque dans le portrait de Henry Holgate, Le bûcheron, qui est reproduit parmi la série de timbres émis en 1995 (#1561c), en hommage au Groupe des Sept. On peut considérer que, à l'instar de l'œuvre même de l'artiste, le choix de ce tableau compense l'absence quasi totale de figures humaines dans les paysages de cette école artistique¹⁹.

Canada Scott 272 Timbre reproduit avec la permission de la Société canadienne des postes

Le premier timbre canadien illustrant des travailleurs miniers a été émis en 1957 (#373). On y voit un mineur manœuvrant une haveuse sur un front de taille. Cette image en noir et blanc met en évidence le contexte déprimant du travail souterrain. Même si ce timbre-poste a été émis à l'occasion du Congrès minier et métallurgique du Commonwealth, bien des Canadiens ont dû penser que le gouvernement voulait par là rendre hommage aux mineurs de Springhill, en Nouvelle-Écosse. Trente-neuf hommes avaient été tués dans cette mine l'année précédente et 75 autres l'ont été l'année suivante. Une activité minière plus ancienne est évoquée dans un timbre de 1958, qui rappelle le centenaire de la Colombie-Britannique et met en scène un chercheur d'or pratiquant le lavage à la batée (#377). Plus tard, un timbre-poste de 1978 (#765) présentait des ouvriers à l'œuvre dans une mine d'argent de Cobalt. Les activités d'exploitation aurifère de Yellowknife sont représentées sur un timbre de 1984 (#1009), où on ne trouve aucun indice des méthodes d'exploitation ou des relations de travail. Jamais on n'a utilisé de timbres-poste pour commémorer des tragédies minières ou d'autres catastrophes, tel le naufrage de l'Ocean Ranger : il semblerait que ce genre de thème ne convienne pas au discours officiel sur le développement du Canada²⁰.