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L'ancien cinéma Cartier
119, promenade du Portage

L'ancien cinéma Cartier

Le terrain où était bâti l'ancien cinéma passe, en 1888, de la Trust and Loan Company of Canada, qui l'avait acquis en 1877, à un avocat d'Ottawa, Henry C. Monk. Le 3 janvier 1901, ce dernier vend la propriété à Caroline Dorion, épouse de Napoléon Pagé, imprimeur et éditeur de journaux, qui y fait construire un bâtiment en bois de trois étages, avec devanture en brique, qui accueillera des bureaux. Dix ans plus tard, Pagé étant devenu agent des terres de la Couronne à Nominingue, elle vend sa propriété à J.-Henri Bélanger, agent d'assurances. En pleine crise économique, le 10 avril 1933, la Northern Life Assurance Company of Canada l'obtient par adjudication. Le 25 juin 1936, la Interprovincial Theatres Limited, de Toronto, en devient propriétaire.

Cette compagnie y fait construire un beau cinéma de style art déco, œuvre du célèbre décorateur de théâtre Emmanuel Biffa qui a réalisé l'aménagement de plusieurs cinémas à Montréal. L'inauguration du Cartier a lieu le 25 mars 1937 par la projection du film One in a Million, production de la compagnie Famous Players. L'entrée de l'édifice, relativement étroite, mène à un grand escalier de marbre, jusqu'au hall qu'illuminent des chandeliers en cristal. Le décor, les tapis et les murs, correspondent au pur style art déco. Les murs sont de marbres veinés de Sainte-Geneviève, agrémentés de moulures linéaires de plâtre peint et de miroirs semi-circulaires qui donnent l'impression d'un espace plus grand. Le plafond est peint or et argent. Les néons, discrets, ajoutent de l'ambiance. L'auditorium, la plus grande salle de projection de la région, est une pièce de forme courbée qui comprend 720 sofas et fauteuils rembourrés, fabriqués expressément pour le cinéma, des miroirs et un tapis épais. Il est décoré de bas-reliefs d'Amérindiens venant à la rencontre de Jacques Cartier. Les luminaires muraux sont des demi-globes peints bleu et vert pour représenter la mer et les continents. L'équipement de projection et l'acoustique font appel à la fine pointe de la technologie et l'air y est climatisé.

Pour attirer la clientèle francophone de la région, la compagnie choisit le nom du premier explorateur français à remonter le Saint-Laurent, Jacques Cartier, dont le portrait orne l'entrée de l'immeuble. Ce nom français n'est toutefois guère représentatif de la programmation choisie, car la majorité des films projetés sont en anglais, excepté ceux du jeudi soir. Robert-Émond Maynard est le premier gérant du cinéma. Le 18 août 1937, la Famous Players Canadian Corporation Limited achète la propriété.

Pour la première fois, le quotidien Le Droit, propriété des Oblats de Marie Immaculée, couvre l'ouverture du cinéma Cartier. Jusque-là, la communauté s'était opposée catégoriquement à ce type de divertissement, jugé dangereux pour les mœurs des enfants et des travailleurs. Par contre, il est possible que la communauté ait eu des préoccupations autres que morales. En 1927, en effet, plusieurs enfants étaient morts dans l'incendie d'un cinéma à Montréal. Depuis ce drame, le gouvernement du Québec interdisait aux enfants l'accès aux cinémas, ce qui n'était pas le cas en Ontario. Cependant, la fermeture des cinémas ontariens, le dimanche, tandis que ceux du Québec demeurent ouverts, fut sûrement un argument de poids dans cette prise de position, car la Famous Players profita de la position frontalière de Hull et entreprit la présentation, cette journée-là, de programmes spéciaux destinés aux Ontariens, en s'assurant de les annoncer dans ses salles d'Ottawa durant la semaine. La projection de films presque exclusivement en anglais a sûrement dû influencer le clergé pour qui la langue française était considérée comme la gardienne de la foi.

Paul-Hector Lafontaine, un employé puis un ami de Donat Paquin, fondateur des salles de cinéma hulloises, achète le cinéma Cartier en 1963; la même année qu'est démoli le cinéma Laurier, où il travaillait comme gérant depuis quelque temps. Né à Hull le 28 février 1910, Lafontaine commence à travailler à temps partiel pour Paquin à l'âge de 14 ans. Il devient par la suite gérant des entreprises Donat Paquin Ltée et gérant du Laurier et du cinéma Electra, à Montréal. Il est membre du groupe des Canadian Picture Pioneers et de la Quebec Allied Theatre Industry. En 1968, Lafontaine vend le Cartier. Graduellement, on n'y projette plus que des navets, puis des films pornographiques.

Dans le courant de la restauration de la promenade du Portage, la Ville de Hull ferme le cinéma et acquiert le bâtiment le 1er novembre 1991, sans le mobilier ni l'équipement. Malheureusement, les anciens meubles, les fauteuils, les projecteurs n'entreront jamais dans nos collections muséologiques. Après plusieurs années d'abandon, le 12 mars 1998, les entrepreneurs Jacques Parent et Raymond Chauvet achètent le bâtiment et transforment l'ancien cinéma en école de formation en haute technologie.



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