est une triste ironie du sort qu'il fallut que des milliers de personnes meurent sur les champs de bataille d'Europe et d'Asie pour que la population canadienne se trouve de l'emploi. En 1940, tellement d'hommes et de femmes s'étaient enrôlés pour lutter contre le fascisme et s'étaient trouvés du travail dans les usines de munitions que le plein emploi était presque une réalité. Les agriculteurs à la recherche d'un emploi permanent s'acheminaient vers les villes et un grand nombre de femmes trouvaient un travail rémunéré dans l'industrie de guerre. Se souvenant de la crise causée par ce qui avait été perçu comme la réalisation de profits excessifs par les entreprises durant la Première Guerre mondiale, le gouvernement ne tarda pas à établir un système de contrôle des prix et des salaires. Il élargit également la portée de la Loi sur les enquêtes en matière de différends industriels afin qu'elle s'applique à toutes les industries jugées essentielles à l'effort de guerre (la définition en était si large qu'elle couvrait presque tout ce que le Canada produisait). La création d'un organisme de service sélectif national destiné à contrôler la liberté des travailleurs de passer d'un emploi à l'autre constitua le dernier volet de la réaction initiale du gouvernement aux conditions de vie en temps de guerre. Une chose cependant que le gouvernement canadien omit de faire, contrairement aux gouvernements britannique et américain, fut d'inviter les syndicats à se joindre aux prises de décisions en temps de guerre. Par conséquent, à l'inverse de ce qui se produisit dans ces autres pays, les dirigeants syndicaux canadiens ne firent pas de « promesses de non-débrayage » pour la durée du conflit.

La participation syndicale connut un essor monumental et, en 1943, les travailleurs, mécontents de devoir attendre la fin de la guerre pour obtenir une hausse de salaire et une amélioration de leurs conditions de travail, débrayèrent en plus grand nombre et plus souvent qu'ils ne l'avaient fait en 1919. La plupart des travailleurs souscrivirent aux syndicats internationaux alors bien établis, affiliés au Committee for Industrial Organizing (CIO). Contrairement aux années 30, ces syndicats avaient alors les ressources financières et organisationnelles nécessaires pour venir en aide aux syndicalistes industriels du Canada. À la fin de la guerre, le Congrès canadien du travail (CCT) avait triplé le nombre de ses membres, qui était dès lors de 314 000, et les membres du Conseil des métiers et du travail étaient, quant à eux, passés de 132 000 à 356 000. En dépit d'un tel appui et de l'enthousiasme des organisateurs canadiens et des membres de la base, la mobilisation syndicale progressait à un rythme lent. Les employeurs continuaient à résister de toutes leurs forces à la syndicalisation de leurs effectifs.

Le gouvernement fédéral procéda avec prudence, soucieux de ne pas intervenir en faveur des syndicats. Toutefois, plusieurs événements marquants survinrent pour lui forcer la main. Il y eut tout d'abord les importantes et parfois violentes grèves des exploitants de mines d'or à Kirkland Lake, en Ontario, et des métallurgistes à Sydney et à Sault Sainte-Marie, qui, une fois de plus, mirent en lumière l'état déplorable des relations de travail au Canada. Ensuite, l'opinion publique commença à ressentir de plus en plus de sympathie à l'égard du syndicalisme. La Fédération du Commonwealth coopératif (FCC) obtint une popularité remarquable en se portant à la défense de la sécurité sociale, de la planification sociale et des droits syndicaux. En 1943, elle arriva presque à former le gouvernement provincial en Ontario et en Colombie-Britannique. La popularité du parti fit encore un bond en avant la même année lorsque le Congrès canadien du travail lui donna son appui. L'année suivante, la FCC remporta une victoire fracassante en Saskatchewan. Dans les sondages nationaux, le parti menaçait d'ébranler la domination qu'avaient exercée de tout temps les libéraux et les conservateurs.



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