Tommy Douglas, l'un des leaders charismatiques de la Fédération du Commonwealth coopératif (FCC), croyait que le temps était venu pour les travailleurs de faire élire un parti politique qui soit prêt à les représenter au détriment du monde des affaires ou, selon ses propres termes, à représenter les souris et non les chats. Même si les efforts de la FCC n'eurent guère de succès dans les années 30, ils forcèrent le gouvernement fédéral à infléchir la législation en faveur des « souris » au cours des années 40.

par Tommy Douglas, 1944

[TRADUCTION] Il était une fois un pays habité par des souris. Dans ce pays, naissaient et mouraient, vivaient et jouaient des souris. Leur vie ressemblait pas mal à la nôtre. Elles avaient même un parlement et tenaient une élection tous les quatre ans. En temps opportun, elles se rendaient aux urnes et y déposaient leur bulletin de vote. On offrait même à certaines d'entre elles de les conduire au bureau de scrutin et elles se retrouvaient embarquées pour les quatre années suivantes, juste comme vous et moi. La journée d'élection, toutes les petites souris se rendaient aux urnes pour y élire leur gouvernement. Un gouvernement constitué de gros chats noirs dodus.

Si vous trouvez étrange que des souris aient pu élire un gouvernement composé de chats, jetez simplement un coup d'œil à l'histoire du Canada des 90 dernières années et vous comprendrez que ces souris ne sont pas plus stupides que nous.

Bien entendu, je ne veux pas dénigrer les chats. Ils étaient tout de même gentils. Ils prirent les rênes du pouvoir avec dignité, promulguèrent de bonnes lois...des lois qui étaient bonnes pour les chats. Hélas, les lois bonnes pour les chats ne l'étaient pas pour les souris. Une de ces lois précisait que les trous de souris devaient être assez grands pour que les chats puissent y passer la patte. Une autre stipulait que les souris devaient limiter leur vitesse pour que les chats puissent prendre leur petit déjeuner sans effort indu.

Toutes ces lois étaient de bonnes lois... pour les chats. Mais elles étaient dures pour les souris. Et la vie devint pour elles de plus en plus pénible. Un jour, quand elles touchèrent le fond du baril, elles résolurent de faire quelque chose. Elles se rendirent en grand nombre au bureau de scrutin et elles ne réélurent pas les chats noirs... Elles les remplacèrent par des chats blancs.

Les chats blancs avaient mené une campagne magnifique. Ils disaient : « Le pays des souris doit avoir une vision plus large. » Ils disaient : « Le problème au pays des souris, ce sont les trous de souris ronds que nous avons. Si vous nous élisez, nous construirons des trous de souris carrés. » Et ils remplirent leur promesse. Les trous de souris carrés étaient deux fois plus grands que les trous de souris ronds de sorte que les chats pouvaient y engager les deux pattes à la fois. Et la vie des souris devint plus dure que jamais.

Quand les souris n'en purent plus de vivre ainsi, elles jetèrent les chats blancs dehors et rappelèrent les chats noirs, puis les chats blancs; et elles appelèrent cela la coalition. Elles inventèrent même un gouvernement de chats mutants tachetés. C'était des chats qui criaient comme des souris, mais qui mangeaient comme des chats.

Vous voyez mes amis le problème n'était pas la couleur des chats. Le problème est qu'il s'agissait de chats. Et parce que c'était des chats, ils se souciaient davantage des chats que des souris.

Vint alors une brillante petite souris qui avait une idée. Mes amis, voyez ce qu'une petite souris peut faire quand elle a une idée! Elle se leva et dit aux autres : « Écoutez-moi, pourquoi continuer à élire un gouvernement formé de chats? Pourquoi ne pas élire un gouvernement de souris? » Oh! dirent les autres : « C'est une bolchevique, enfermez-la! » Et elles la mirent en prison.

Laissez-moi toutefois vous rappeler qu'on peut emprisonner une souris ou un homme, mais jamais une idée.



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