Le mouvement syndical québécois s'est caractérisé, depuis la fin des années 60, par la mise sur pied de fronts communs ponctuels. Le plus célèbre est sans aucun doute le premier front commun du secteur public, qui réunissait en 1972 plus de 210 000 employés de l'État québécois, toutes centrales syndicales réunies.

La lutte fut épique. Le front commun revendiquait et obtint un salaire minimum de 100 $ par semaine, l'indexation au coût de la vie, un régime de retraite amélioré ainsi que des augmentations de salaires substantielles pour tout le monde.

La négociation fut marquée par le plus grand mouvement de grève de l'histoire ouvrière canadienne, l'emprisonnement des trois présidents de centrales syndicales et de plusieurs dizaines de militants et surtout de graves troubles sociaux : routes bloquées, occupations de villes, d'aéroports, de stations de radio. Au point que le gouvernement dut supplier les présidents de centrales d'aller en appel pour pouvoir les sortir de prison afin de reprendre les négociations. Quelques mois plus tard, en octobre, les travailleurs obtenaient gain de cause sur leurs principales revendications.


La grève générale de mai 1972

« Ce geste de répression exceptionnel (NDLR L'emprisonnement des trois présidents de centrale) déclenche la première grève générale de solidarité dans l'histoire du mouvement ouvrier au Québec, lancée spontanément sous le coup de la colère des travailleuses et travailleurs. À peine les trois présidents sont-ils incarcérés à la prison d'Orsainville, le 9 mai, que les syndiqués débraient un peu partout dans un immense défi à l'ordre établi et à sa « légalité». Au total, plus de 300 000 syndiqués participent, pour des durées variables, à ce vaste mouvement qui dure une semaine, en vue de réclamer la libération de leurs dirigeants emprisonnés. Les « Événements de mai 1972 constituent une flambée extraordinaire de solidarité de classe.

Les arrêts de travail éclatent à la fois dans les services publics et dans le secteur privé. C'est le cas des ouvriers de la construction, des métallos, des mineurs, des machinistes, des travailleurs de l'auto, es ouvrières et ouvriers du textile, des débardeurs, des employés de commerce, des ouvriers de l'imprimerie, du personnel des grands médias d'information ainsi que dans l'enseignement et dans certains grands hôpitaux.

Dans des villes comme Sept-Ïles, Thetford, Sorel et Joliette, le mouvement est presque général, à tel point qu'on parle » d'occupation » et de « contrôle » des lieux par les grévistes. Des postes de radio et de télévision sont occupés par les syndiqués qui y diffusent leurs messages. »

Source: Histoire du mouvement ouvrier au Québec. Une coédition de la CSN et de la CEQ. 1984. P. 266


« Il n'était pas nécessaire de créer un front commun si c'était uniquement pour aller chercher des choses que l'on aurait pu obtenir par des négociations ordinaires. Nos demandes visaient à aider les plus mal pris, les plus défavorisés dans la société. Quand notre demande de 100 $ par semaine pour la plus basse classification a été rendue publique, plusieurs de nos membres se sont objectés parce que c'était impensable, irréalisable et inacceptable. Mais dans un an et demi, plus personne ne gagnera moins de 100 $. »

Marcel Pepin, président de la CSN, cité dans : Fédération nationale des services. Procès-verbal du congrès. 1972.



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