Le principe de l'inclusion

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Cependant, c'est généralement le principe de l'exclusion qui prévaut au 19e siècle, de sorte que les ouvriers sont absents des timbres émis par le Dominion du Canada au cours de cette période. Les premières représentations d'ouvriers sur les timbres-poste du Canada remontent à 1929 et à 1930; on peut y voir en effet un grand nombre d'ouvriers travaillant à la récolte du blé. Sur le premier de ces timbres (#157), on peut reconnaître les méthodes de récolte préindustrielles utilisées durant plusieurs décennies par des milliers de travailleurs de partout au pays venus dans les Prairies, à cette époque de l'année. L'autre timbre (#175) illustre l'avènement de la mécanisation de la récolte. C'est donc dire que ces deux timbres-poste sont apparus à une époque charnière de l'évolution du travail agricole15. Aucun signe ici, bien sûr, ni plus tard, de l'effondrement de l'agriculture ou de ses conséquences humaines durant les années 1930. Ce qu'il faut remarquer, c'est que dans ces deux cas, les ouvriers sont subordonnés au thème principal de l'illustration, c'est-à-dire la récolte elle-même et, en partie, la mécanisation de la production. Les travailleurs occupent une place secondaire dans le contenu général de ces images.

Canada Scott 157
Timbre reproduit avec la permission
de la Société canadienne des postes
 
Timbre : Canada Scott 157
Timbre : Canada Scott 175 Canada Scott 175
Timbre reproduit avec la permission
de la Société canadienne des postes
 

Sur au moins deux timbres émis ultérieurement, où le travail agricole occupe l'avant-scène, le principe d'inclusion est plus évident. Dans ces deux cas, cependant, l'intention n'est pas tellement différente, parce que le sujet officiel de ces timbres n'est pas l'expérience même du travail, mais plutôt la production agricole. Un timbre de 1969 (#492) présente un portrait pittoresque de paysans du tournant du 20e siècle, qui met en évidence l'apport égal des hommes et des femmes aux activités agricoles. Il s'agit, en fait, de la reproduction d'un tableau du peintre québécois Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, à qui on a voulu ainsi rendre hommage. Un timbre évocateur de 1979 (#817) montre un pionnier labourant son champ : c'est une célébration du roman de Frederick Philip Grove, Fruits of the Earth (1933).

Canada Scott 492
Timbre reproduit avec la permission
de la Société canadienne des postes
 
Timbre : Canada Scott 492

C'est également le principe de subordination qui prévaut dans le cas du timbre de 1929 du Bluenose (#158), lequel est un hommage au célèbre schooner qui symbolise la tradition de la vie maritime sur la côte est. Les pêcheurs qui manœuvrent ce bateau sont à peine visibles sur l'image. Par contre, dans l'édition de 1988 (#1228), c'est au moins le capitaine qui est mis en évidence, le vaisseau figurant alors à l'arrière-plan. Il est intéressant de noter qu'Angus Walters occupe une place modeste et, disons-le, plutôt ambiguë, dans l'histoire de la vie ouvrière, étant donné le rôle qu'il a joué, en 1938, dans la promotion d'une campagne menée auprès des pêcheurs et des travailleurs de l'industrie poissonnière dans le but d'obtenir de meilleurs prix - fait pas très connu des admirateurs du Bluenose16. Entre-temps, le principe de l'inclusion est prédominant dans une émission de 1951, qui montre un pêcheur typique de la côte est (#302). On le voit ici sur un timbre-poste de un dollar sous un jour plutôt romantique, revêtu de son ciré, en train de remonter ses filets. On omet de souligner l'apparition de nouvelles méthodes de production et les choix difficiles auxquels le secteur des pêches est confronté à cette époque. C'est la prodigalité de la mer qui est mise en évidence dans cette image montrant le produit de la pêche, sujet principal du timbre, qu'on préfère envisager comme une ressource inépuisable.

Timbre : Canada Scott 302 Canada Scott 302
Timbre reproduit avec la permission
de la Société canadienne des postes
 

Par conséquent, lorsqu'il s'agit de l'exploitation des ressources et du développement économique, les travailleurs sont souvent présents, mais ils demeurent subordonnés à leur production ou à leurs machines. L'activité contemporaine du commerce de la fourrure est le sujet d'un timbre de 1950 (#301), dont la scène se situe dans un campement englouti sous la neige, dans la forêt nordique. À l'époque, ce projet de timbre-poste avait été contesté en raison de la taille plutôt irréaliste des peaux montrées17. Les ressources céréalières et pétrolières, respectivement représentées par les profils d'une femme et d'un homme, sont le sujet d'un timbre de 1955 (#355), émis afin de souligner le cinquantenaire des provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta. Une scène plus naturaliste incluant une équipe de topographes à l'œuvre apparaît sur une timbre-poste de 1961 (#391), dont le thème est le développement du Nord. L'industrie des pâtes et papiers est à l'honneur sur une émission de 1956 (#362), où l'ouvrier est à peine perceptible, tellement l'image est dominée par ses puissantes machines. Quant à ce timbre de 1953 (#334), consacré à l'industrie textile, il ne révèle aucune présence humaine dans le processus de production.
 

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