Tisser une histoire bien humaine

Kathryn Lyons-James Trepanier

Il faut l’avouer, il s’agit d’un artefact assez particulier : un vêtement tricoté fait entièrement de cheveux humains – des cheveux provenant de personnes homosexuelles, pour être plus précis. Confectionné en 2015, le « chandail gai » est un cardigan pesant près de deux kilos, orné de boutons aux couleurs de l’arc-en-ciel (fabriqués aussi de cheveux teints!). Il risque d’en faire sourciller certains et de susciter des conversations plutôt intéressantes lorsqu’il sera exposé au Musée canadien de l’histoire.

Ce chandail est également un excellent exemple des histoires et des expériences qui sont racontées dans la salle de l’Histoire canadienne. La galerie 3 de cette salle présente l’histoire depuis 1914 jusqu’à nos jours, ce qui signifie qu’aucun de ses chapitres n’est terminé. L’un des principaux messages livrés par son contenu évolutif est que l’histoire continue de s’écrire : il y a des défis, des expériences et des réussites qui continuent de façonner la société canadienne.

Le « chandail gai » est fait entièrement de cheveux humains de personnes homosexuelles. Images de Saatchi & Saatchi Canada avec l’aimable autorisation du Canadian Centre for Gender and Sexual Diversity.

Le « chandail gai » est fait entièrement de cheveux humains de personnes homosexuelles. Images de Saatchi & Saatchi Canada avec l’aimable autorisation du Canadian Centre for Gender and Sexual Diversity.

Le volet sur la diversité et l’inclusion comporte une section sur l’évolution récente des droits et de la reconnaissance des personnes LGBTQ2 au Canada. Pour illustrer les changements que les membres de cette communauté continuent d’essayer de mettre en place, nous utilisons des exemples d’activisme, récents et en cours, pour le droit égal au mariage et les droits des transsexuels. Les campagnes de sensibilisation et de lutte contre l’homophobie et la transphobie, comme la Journée rose, illustrent aussi la nature évolutive de la situation.

Le « chandail gai » a été créé par le Centre canadien pour la diversité des genres et de la sexualité (CCDGS), organisme voué à la promotion de la diversité, de la sécurité et de l’acceptation des minorités sexuelles et des minorités de genres. Une de ses priorités est la lutte contre la discrimination et l’intimidation. Ce sont les employés et les bénévoles qui ont eu l’idée du chandail.

Le fondateur et directeur du centre, Jeremy Dias, explique que « 80 % du langage d’intimidation est de nature homophobe, et “tellement gai” est l’une des expressions couramment utilisées comme insultes. En prenant l’expression au sens propre, nous espérions pouvoir bousculer l’idée que l’utilisation du terme “gai” est une insulte. Désormais, il y a effectivement quelque chose qui est “tellement gai” – et nous avons remarqué que les gens comprennent la blague et changent leur comportement. »

Les tricoteuses Amelia Lyon (gauche) et Brenna MacDonald ont confectionné le « chandail gai ». Images de Saatchi & Saatchi Canada avec l’aimable autorisation du Canadian Centre for Gender and Sexual Diversity.

Les tricoteuses Amelia Lyon (gauche) et Brenna MacDonald ont confectionné le « chandail gai ». Images de Saatchi & Saatchi Canada avec l’aimable autorisation du Canadian Centre for Gender and Sexual Diversity.

Fabriqué de cheveux donnés par une centaine d’adultes LGBTQ, le tricot a été assemblé par une équipe de fileurs et de tricoteurs bénévoles. « Il s’agit sans conteste du projet le plus étrange auquel j’ai participé », observe l’une des tricoteuses, Brenna McDonald. Le cardigan a été utilisé dans plus de mille activités scolaires de lutte contre l’intimidation, partout au pays, pour inciter les élèves à parler de l’utilisation du terme « gai » et de ses significations. Le CCDGS a accepté de prêter le chandail au Musée pour qu’il soit exposé dans la salle de l’Histoire canadienne et qu’il continue de susciter la discussion. « C’est un objet qui nous amène à penser, à réfléchir », affirme M. Dias.

Vous vous demandez si cette veste est confortable? Semble-t-il que son tissage gratte la peau, qu’elle est assez chaude et… qu’elle perd des cheveux. Les visiteurs pourront toucher un échantillon de tricot de cheveux humains ‒ aussi donnés par des personnes LGBTQ – et d’en apprendre davantage sur le chandail dans le cadre d’activités d’interprétation.

À partir du 1er juillet, la salle de l’Histoire canadienne tissera la trame du Canada au moyen des histoires et des expériences qui l’ont façonné. Le « chandail gai » incarne cette approche : son tissage est composé des histoires de nombreux Canadiens et Canadiennes LGBTQ!