Gladiateur des temps modernes : comment Georges St-Pierre a façonné le sport

Jenny Ellison

Georges St-Pierre a remporté cette ceinture de championnat de l’Ultimate Fighting Championship (UFC) 94 en 2009. Il s’agissait du premier combat à opposer deux tenants d’un titre de l’UFC de catégories différentes, à savoir Georges St‑Pierre, alors champion des poids mi-moyens, et B. J. Penn, champion des poids légers. St‑Pierre a vaincu Penn en quatre rounds. La ceinture est à l’image de cette lutte suprême : démesurée, solide et un peu tape-à-l’œil. Emblème de l’une des personnalités sportives canadiennes les plus importantes du xxie siècle, elle reflète les récents changements dans les méthodes de conditionnement physique au Canada, que Georges St‑Pierre a aidé à mettre de l’avant, ainsi que l’essor des arts martiaux mixtes (MMA), des sports extrêmes et de l’entrainement croisé (cross-training).

Gants portés par Georges St-Pierre

Musée canadien de l’histoire, 2018.143.3a-b

Originaire de Saint-Isidore, au Québec, Georges St‑Pierre, alias « GSP » et « Rush », a souvent dû surmonter des difficultés. Enfant, il a subi une intervention chirurgicale importante pour traiter des problèmes rénaux. À l’école, il a été victime d’intimidation, se faisant dérober son argent de poche et même ses vêtements. C’est pour se défendre que Georges St-Pierre a commencé à se battre. Sa fascination pour les MMA a commencé en 1993, le jour où il a vu Royce Gracie remporter le combat de l’UFC 1. À 17 ans, il s’est rendu à New York pour s’entrainer au gymnase de Gracie. Il ne parlait pas l’anglais à l’époque, mais les entraineurs ont été impressionnés par sa constitution athlétique et sa discipline. Aujourd’hui, il détient le record du plus grand nombre de victoires en combat pour le titre de l’UFC, et ce, malgré un arrêt temporaire. Fight Matrix, le site Web de notation de l’UFC, le place au premier rang des combattants de tous les temps.

Dans une entrevue, St‑Pierre a affirmé souhaiter être à l’image de Wayne Gretzky : un ambassadeur de son sport, capable de rallier adeptes et membres du public. À bien des égards, il a parcouru un itinéraire qui évoque celui d’autres célébrités canadiennes du sport. Figure de proue de son sport, il a contribué à l’adoption de règles plus strictes et a fait la promotion de l’esprit sportif dans l’octogone. Il s’est également prononcé en faveur d’une politique antidopage plus vigoureuse dans les MMA, appuyant les contrôles réguliers introduits par l’UFC en 2015. Hors du ring, la Fondation GSP sensibilise la population au problème de l’intimidation et octroie des bourses d’études aux athlètes du Québec. Par ses engagements et sa personnalité, St‑Pierre transcende son sport : il est devenu une célébrité très suivie sur les médias sociaux, et pas seulement par des personnes liées aux MMA.

Par ailleurs, St-Pierre s’est tracé une voie bien différente de celle des athlètes professionnels masculins qui l’ont précédé. En 2013, il a décidé de s’accorder une pause professionnelle de quatre ans. À l’origine, ce congé devait lui permettre de se remettre d’une blessure. Aux prises avec des problèmes de sommeil, GSP a par la suite reconnu avoir eu besoin de ce temps d’arrêt pour se ressourcer sur le plan mental et soigner son stress. En admettant ouvertement ses difficultés et l’anxiété que lui causait son sport, il a rompu avec les modèles traditionnels de masculinité. L’athlète préconise une approche holistique du mieux-être, qui va au-delà de la simple force physique. Après cette pause de quatre ans, Georges St‑Pierre est retourné dans l’octogone et a remporté le championnat UFC des poids moyens.

Le Musée canadien de l’histoire est la première institution au monde à acquérir une ceinture de champion de l’UFC et un objet lié à la carrière de Georges St-Pierre. Les MMA sont un phénomène relativement nouveau, remontant à 1993, mais qui se classent parmi les sports connaissant la croissance la plus rapide au Canada.

Ceinture titre du championnat UFC 94 gagnée par Georges St-Pierre

Musée canadien de l’histoire, 2018.143.1

Cette ceinture, remportée il y a à peine 10 ans, renoue avec les thèmes traditionnels de l’histoire canadienne du sport. À l’instar des MMA, les premières ligues professionnelles de hockey ont été critiquées pour leur caractère violent et brutal. Si le hockey est désormais considéré comme un sport approprié pour la famille, il n’en a pas toujours été ainsi. Au cours du xxe siècle, les organisations de hockey amateur et professionnel ont adopté des règles pour mieux encadrer le sport. De toute évidence, Georges St‑Pierre incarne tout autant qu’il façonne une culture sportive en évolution, en plus d’aider à définir les standards athlétiques du xxie siècle.