Une énigme élucidée grâce aux archives du Musée

Le 9 avril 2015

Le dessin d’une inconnue portant des vêtements inuits du XIXe siècle posait une énigme pour un marchand d’œuvres d’art chargé de le vendre. Cependant, lorsque ce marchand a montré l’esquisse signée en 1927 par Langdon Kihn à des experts du Musée canadien de l’histoire, ceux-ci ont immédiatement reconnu la femme représentée et ont pu reconstituer les faits à l’origine du portrait de Juliette Gaultier de la Vérendrye — une soprano canadienne de formation classique —, revêtue d’un manteau de chaman d’Igloolik.

« Nous avons retrouvé l’une de ses lettres où elle écrit, en février 1927 : “Kihn est en train de faire mon portrait dans un costume eskimo”, explique Judith Klassen, conservatrice, Expression culturelle, au Musée de l’histoire. L’année correspond, et les vêtements aussi. Grâce au contenu de nos archives, nous avons été capables de rapiécer le tout. »

L’histoire derrière le portrait

Le manteau appartenait à un chaman nommé Qingailitaq (ou Qingailisaq). Celui-ci l’a vendu vers 1902 à un capitaine baleinier, qui en a ensuite fait don à l’American Museum of Natural History de New York. (Des membres de la communauté d’Igloolik ont fabriqué un autre manteau semblable dans les années 1980. Celui-ci se trouve dans la collection nationale du Musée canadien de l’histoire.)

En avril 1927, Gaultier vivait à New York, préparant ses débuts au Town Hall Theatre. Elle se spécialisait dans ce qu’elle appelait le « chant folklorique canadien » et des pièces des communautés inuites et des Premières Nations faisaient partie de son répertoire. Désireuse d’offrir des prestations authentiques, Gaultier avait étudié les transcriptions de chansons et lu les notes prises sur le terrain par Marius Barbeau et Diamond Jenness, deux anthropologues du Musée national du Canada (aujourd’hui le Musée canadien de l’histoire). De plus, Jenness lui avait prêté des vêtements des collections du Musée associés à des peuples autochtones en vue de spectacles qu’elle donnait au Canada.

On avait demandé à Langdon Kihn, reconnu pour ses portraits d’Amérindiens, de peindre les décors de la scène où Gaultier faisait ses débuts à New York. Gaultier, qui avait emprunté une cape en écorce de cèdre à l’American Museum of Natural History à l’occasion de son spectacle, avait dû convaincre ce musée de lui prêter aussi le manteau de chaman pour que Kihn réalise un portrait d’elle ainsi vêtue.

Le rôle changeant du Musée

Si ce type de prêt ne se produit plus de nos jours, et était même inhabituel à l’époque, le portrait de Gaultier incarne une période importante de l’histoire culturelle canadienne.

« Ce dessin nous éclaire sur les liens entre l’histoire et la culture populaire, et remet en perspective le rôle du Musée national dans le contexte de l’époque, souligne Judith Klassen. Ces liens ne tombent pas sous le sens. Ils nous obligent à réfléchir. »

Pour en apprendre davantage sur Juliette Gaultier de la Vérendrye, consultez le blogue du Musée.

Image : Juliette Gaultier de la Vérendrye, toile de Langdon Kihn
Musée canadien de l’histoire, photo Steven Darby, IMG2015-0023-0001-Dm