Un cadeau magnifique
 
La réponse de Lady Aberdeen
Traduction libre

 

Sénateur Allan, M. Frost et Messieurs,
 

Si je vous avoue être confuse de cette merveilleuse surprise que vous m'avez réservée, je n'exprime qu'une partie infime de la vérité. J'aimerais pouvoir vous dire tout ce que je ressens dans mon cœur, mais au moins permettez-moi de vous assurer que cette marque d'amitié spontanée m'est et me sera très très précieuse ainsi qu'à mon mari et à mes enfants et, si je peux me permettre d'ajouter, à nos mères également.

Quant au magnifique cadeau, vous n'auriez pas pu en trouver un qui ait plus de prix à nos yeux car cette collection d'œuvres d'art, belle en soi, ne peut que représenter une valeur spéciale pour moi étant l'œuvre de femmes artisans du Canada avec lesquelles j'ai tant de chères associations de tendre sympathie et de coopération mutuelle à des buts communs et des entreprises communes. Mais, à part cela, les lieux et sujets illustrés seront un souvenir vivant constant du cadre intimement lié à ces divers foyers canadiens qui nous sont devenus si chers. En regardant ces images et en invitant nos invités à les admirer lors de nos grands festivals, nos pensées voyageront affectueusement au grand Dominion et vagabonderont d'Est en Ouest, s'attardant tendrement sur des souvenirs fraîchement rappelés à notre mémoire par des scènes de vie à la fois rurales et citadines.

Et de nouveau, nous entendrons le doux chant du rouge-gorge canadien et de l'oiseau bleu annonçant l'arrivée du printemps dans les bois de Rideau Hall. Nous entendrons le bruissement des oies sauvages survolant nos magnifiques lacs et montagnes de la Colombie-Britannique et, de nouveau, nos chasseurs se mettront à la poursuite de la petite poule-des-prairies brune et rusée à travers leurs vastes domaines. Son Excellence s'imaginera une nouvelle fois en train d'attraper un saumon dans la Restigouche et nos enfants rempliront leurs bateaux de butin provenant des eaux du Pacifique ou de l'Atlantique. Combien de fois allons-nous mourir d'envie de revivre l'exaltation qui accompagne une glissade en toboggan un de ces jours d'hiver éclatants du Canada! Et combien de fois allons-nous tendre l'oreille pour entendre le bruit de la pagaie qui brise l'eau pendant que le canot glisse sur une rivière majestueuse sous les rayons de soleil et de beauté! Et, maintenant, nous sommes en train de courir et de fouler l'herbe des prairies aux teintes aquatiques et bientôt nous arrivons dans une forêt dense regorgeant de fleurs sauvages étalant devant nous leur immense beauté!

Mais, en fin de compte, avez-vous vraiment été si aimables en nous donnant des images aussi vives de scènes devenues si chères à nos cœurs et dont nous devons maintenant nous séparer? Je ne sais trop que répondre en ce moment. Je pourrai mieux vous répondre quand vous viendrez nous voir là-bas, comme j'espère que vous le ferez de temps en temps, dans ce vieux pays auquel nous retournons plus forts et mieux préparés, j'ai confiance, à nos fonctions nouvelles et anciennes à cause de ce que nous avons appris ici.

Notre séjour ici est un très riche chapitre de notre vie et sa richesse nous serre le cœur pendant que nous tournons la dernière page.

J'ai parlé des voix de la forêt et des prairies, des rivières, des lacs et des montagnes qui vont nous hanter dans notre demeure écossaise, mais il y aura un écho plus grave de voix parlant de l'amour humain, de l'amitié et de la confiance et de l'encouragement si généreux qui nous ont permis de nous approcher du cœur et de la vie intérieure de ce pays. Ces voix en chœur invisible joueront une musique qui nous ira droit au cœur lorsque nous penserons au Canada et à tout ce que ce mot évoque pour nous et à tout ce que nous prions qu'il signifiera de plus en plus pour le monde entier.

Messieurs, je voudrais pouvoir exprimer personnellement à chacun des membres du Sénat et de la Chambre des communes qui ont pris part à ce complot une certaine expression de ma sincère reconnaissance. Je voudrais qu'il y ait des occasions de vous voir tous plus souvent. Mais, cela n'est pas possible et je vous prie de croire que c'est avec la plus profonde sincérité que je vous dis que vous avez rehaussé et embelli ma vie entière par votre geste aujourd'hui.

Que Dieu vous bénisse mes amis.

(Une copie de cette réponse figure dans le livre de présentation remis à la comtesse d'Aberdeen, 1898.)

 
 

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