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Histoire des Autochtones du Canada
Tome I (10 000 à 1 000 avant J.-C.)

Les Paléoindiens (Sommaire, Chapitre 2)

La colonisation de l'hémisphère occidental par les Paléoindiens et leurs descendants a constitué tout un exploit dont l'importance dans l'histoire de l'Homo sapiens est comparable aux déplacements des populations qui ont occupé l'Europe et l'Asie, et qui ont atteint l'Australie entre 30 000 et 40 000 A.A. (Jelinek 1992). L'ampleur de cet événement colonisateur revêt un caractère unique à l'image de certaines caractéristiques de la culture paléoindienne. L'analogie avec les chasseurs récents que nous font connaître les documents historiques n'est pas totalement appropriée à certains secteurs culturels des Paléoindiens, particulièrement en ce qui a trait à la technologie qui s'est à peine modifiée en dépit des distances énormes qu'ont franchies les populations qui l'utilisaient. Une telle continuité doit s'enraciner dans des sociétés qui ont vécu dans des conditions complètement différentes des sociétés connues historiquement. En effet, ces sociétés ont affronté des changements écologiques de grande envergure et d'une incroyable variété. La suite de cet ouvrage doit par conséquent s'inspirer du principe que la propagation rapide des Paléoindiens revêt un caractère unique et correspond à un phénomène unique à expliquer. L'histoire de l'archéologie dans l'hémisphère occidental n'a révélé aucun autre phénomène comparable sauf, quoique ce soit à une échelle plus réduite, l'occupation de l'Extrême-Arctique et du Groenland par les premiers Paléoesquimaux vers 2 000 avant J.-C.


Carte I - Cultures Paléoindienne et Planoïenne
Carte I - La distribution des cultures Paléoindienne et Planoïenne
1 Variante de l'ouest | 2 Variante de l'est | 3 Variante du nord

A Sites Paléoindiens | B Eau | C Limite de la calotte glaciaire | D Zone de végétation de la toundra | E Zone de végétation de forêt à lichens | F Zone de végétation de la forêt boréale | G Zone de végétation de forêt à feuillage caduc

En plus de montrer la distribution géographique du Paléoindien et du Planoïen, la Carte I fournit un aperçu des caractéristiques topographiques et des communautés de plantes en changement dans le temps. C'était dans ces milieux radicalement différents qu'ont vécu les premiers hommes.

(Adapté en partie des Planches 2 et 5 de Atlas Historique du Canada, Volume I, Des débuts à 1800. R. Cole Harris, editor, et Geoffrey J. Matthews, cartographe/concepteur, University of Toronto Press, 1987. Dessin de M. David W. Laverie.)


La recommandation de James B. Griffin était de restreindre le terme paléoindien aux artisans des pointes cannelées, l'outil le plus caractéristique des Paléoidiens (Griffin 1977 : 10). Ainsi, contrairement à la pratique courante, le Paléoindien ne comprend pas la culture planoïenne qui, dans l'ouest, s'est développée à partir de la culture paléoindienne. Les Planoïens dans l'ouest et les Archaïques dans l'est ont constitué des formations équivalentes. L'exclusion de ces cultures de la désignation paléoindienne et leur évaluation comme équivalent occidental de l'Archaïque dans l'est représentent un arrangement classificatoire plus cohérent.

En dépit des comptes rendus qui, entre 1895 et 1932 après J.-C., ont rapporté que, dans les Plaines, on avait trouvé des restes de bisons exterminés dans la même couche que des outils en pierre taillée (Rogers and Martin 1986), les archéologues n'ont généralement pas accepté ces observations avant l'avènement de la datation par le radiocarbone (Wilmsen 1965). Les idées ont cependant commencé à changer en 1925 lorsque des archéologues ont mis au jour des pointes de lance en pierre et des os de bisons exterminés dans un site près de Folsom, au Nouveau-Mexique (Figgins 1927). On a par la suite reconnu que ce style distinctif de pointes de lance recueillies dans ce site était largement répandu à l'est des Montagnes Rocheuses aux Etats-Unis et au Canada (Cotter 1937). Les sites livrant ce genre de pointes contenaient souvent des renseignements reliés à des conditions géologiques et écologiques essentiellement différentes de celles d'aujourd'hui. Grâce à l'avènement de la datation par le radiocarbone, ces dates se sont constamment regroupées entre 11 500 et 10 500 A.A. Parce que cette culture largement répandue et fermement datée apparaît dans un contexte archéologique, elle semble représenter la première occupation humaine en Amérique du Nord à l'exclusion de la Béringie. Initialement définie dans les Plaines du centre, cette formation la plus ancienne et la plus répandue est appelée Clovis alors que Folsom désigne l'expression la plus récente de cette culture. Cependant, il n'y a pas de césure entre les datations par le radiocarbone relatives à la culture paléoindienne ancienne (le Clovissien) et la récente (le Folsomien) (Haynes et al. 1984). Le site Lindenmeier au Colorado a livré les deux styles, anciens et récents, de pointes de lance cannelées et des pointes qui n'étaient pas cannelées (Wilmsen and Roberts 1978). Il est clair que le continuum culturel entre les Paléoindiens anciens et récents est marqué par un régionalisme accru dans le temps. Ce régionalisme est à ce point prononcé dans l'Ouest et dans l'Est de l'Amérique du Nord que plusieurs archéologues sont d'avis que les termes "Clovissien" et "Folsomien", originaires de l'Ouest, sont étirés à l'extrême quand on les applique aux assemblages paléoindiens recueillis à l'Est de la rivière Mississipi (Deller and Ellis 1992).

Dans cet ouvrage, le Paléoindien ou la culture paléoindienne désigne les assemblages clovissiens, folsomiens et les classifications qui en sont dérivées dans l'est. Le terme "culture" est utilisé comme une étiquette pour décrire un modèle culturel largement partagé et à prédominance technologique (Frison 1983; Haynes 1980; MacDonald 1983; Wilmsen 1965; Wormington 1957). La propagation de la culture paléoindienne coïncide avec les changements écologiques nombreux qui sont survenus à la fin du Pléistocène; des changements reliés au climat, à la végétation, à l'hydrologie, aux cycles d'érosion et de déposition, à l'extinction d'espèces animales et à la densité des populations. Les Paléoindiens rencontrèrent des milieux uniques consistant en une mosaïque de communautés de plantes qui n'ont aucun parallèle aujourd'hui, ainsi que des glaciers et des plans d'eau qui en découlaient, et une faune variée qui comprenait des espèces comme des mammouths, des chevaux, des chameaux, et de grands bisons d'une espèce aujourd'hui disparue. À la fin du Pléistocène les communautés de plantes ont changé rapidement et des espèces de grands fauves, autant proies que prédateurs, se sont éteintes. Le rôle joué par les Paléoindiens dans leur extinction a donné lieu à des discussions qui se poursuivent encore. Il y a des indices que la culture paléoindienne a servi de base au développement de la plupart des cultures régionales dont les cultures archaïques dans l'est et les cultures planoïennes dans l'ouest.


 
Tome ITome II

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