Courrier du ciel : Le service postal aérien de l'époque héroïque, 1918-1939

Bâtir le système région par région

Forte d'une saison d'essais, les Postes décident d'adopter une politique nationale de service postal aérien. Les premiers contrats de service postal aérien, signés en mai 1928, assurent le service dans les centres économiques et urbains du Canada : Toronto, Montréal et Ottawa. (On avait déjà commencé à livrer du courrier le long de la basse Côte-Nord à l'automne et à l'hiver de 1927-1928.) Le système devait accélérer la communication entre ce corridor central et les navires transatlantiques partants et arrivants. Cependant, en raison du développement précoce de lignes de poste aérienne vers des destinations au sud de la frontière — Montréal-Albany, Toronto-Buffalo, puis plus tard Toronto-Detroit — le système fonctionne plus ou moins à l'unisson avec le système américain plus gros. Les liaisons nord-sud finiront par relier l'ouest du Canada aux États-Unis en Colombie-Britannique (Vancouver-Seattle), en Alberta (Lethbridge-Great Falls, au Montana) et au Manitoba (Winnipeg-Fargo, au Dakota du Nord).

Les Maritimes

Le réseau de service postal aérien du Canada se développe de façon sporadique. Une fois le service en place dans la région centrale en 1928, il faut peu de temps avant d'assister à la création d'une liaison avec les Maritimes. S'étendant, au début de 1929, jusqu'à Saint John, au Nouveau-Brunswick, et Halifax, en Nouvelle-Écosse, la route longe directement la vallée du Saint-Jean. Malheureusement, elle est supprimée au bout de deux ans. Avec la crise économique qui sévit, le gouvernement fédéral se sent contraint de sabrer le budget du service postal aérien. Les seuls vestiges du réseau sont le service modeste de part et d'autre du détroit de Northumberland reliant Moncton à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard. Il faut attendre 1940 avant que les provinces Maritimes ne soient réintégrées dans l'échiquier postal aérien du Canada.

La côte ouest

Le service postal aérien entre Victoria et Vancouver est exploité de façon intermittente en 1928, mais le contact direct par voie aérienne avec le reste du Canada ne sera pas assuré avant 1939. Le relief ne représente pas un obstacle insurmontable. Après tout, les Américains avaient réussi à se frayer un passage à travers les cordillères de l'Ouest en 1927. Cependant, au début du moins, il est plus facile de mettre le cap sur le sud. Vancouver est donc relié à Seattle, dans l'État de Washington, en 1935. Seattle devient la fenêtre de la Colombie-Britannique sur le monde de la poste aérienne. Le réseau n'est pas parfait et le courrier se trouve parfois retardé à cause du brouillard et de problèmes techniques. À une occasion, le courrier est honteusement livré à Seattle par voiture. Deux ans plus tard, en 1937, la décision d'instaurer un service postal aérien entre Edmonton et Whitehorse suscite un vif débat public dans la région de Vancouver. Vancouver, plutôt qu'Edmonton, soutiennent les détracteurs du projet, est la métropole naturelle du Yukon. Au bout d'un certain temps, le Sud est relié via Prince George à l'avion postal du circuit Edmonton-Whitehorse qui se pose à Fort St. John, dans le nord-ouest de la province.

Les Prairies

On assiste aux balbutiements du service postal aérien dans les trois provinces des Praires en mars 1930. Les pressions considérables des cercles politiques et de la presse finissent par convaincre le gouvernement d'agir. «L'OUEST A BESOIN DU SERVICE POSTAL AÉRIEN» peut-on lire dans le Calgary Albertan peu de temps après l'instauration du service postal aérien dans le Canada central. La venue du service postal aérien dans les Praires est un événement d'envergure nationale. Les vols postaux de nuit au Canada sont d'abord introduits ici, ce qui nécessite l'aménagement et la conception de terrains d'atterrissage et d'une panoplie d'aides visuelles à la navigation : feux de balisage, projecteurs, etc. Le réseau de poste aérienne des Praires a ceci de particulier qu'il est lié d'est en ouest au service postal ambulant du réseau ferroviaire vu l'absence de service postal aérien direct au-dessus des Rocheuses ou à travers le bouclier au nord des Grands Lacs avant la fin de 1930. Edmonton et Calgary se livrent à une concurrence féroce pour le droit au service postal aérien. Au bout d'un certain temps, les deux villes sont liées directement à Winnipeg, le terminal est du service postal aérien des Prairies.

Le Nord

Le Nord constitue le dernier front pionnier du service postal aérien du Canada. Il n'est donc pas étonnant que ce soit là qu'il connaisse le plus grand impact. Ici, le service postal aérien n'est pas ce qu'il y a de mieux, c'est tout ce qu'il y a. Dans les années 1930, si vous habitez quelque part entre Yellowknife et Moosonee et que vous voulez communiquer par la poste — pour quelque raison que ce soit, même pour commander un dentier d'un laboratoire d'Edmonton — vous êtes dépendant de l'existence d'un lien aérien à la région. Vers la fin des années 1930, le Nord compte trois routes : une route vers Coppermine sur l'océan Arctique; une seconde (la plus vieille), ouverte par Wop May, le 10 décembre 1929, longe la vallée du Mackenzie jusqu'à Aklavik; et une troisième relie Edmonton à Whitehorse et Dawson dans le Yukon.

Le système commence à peine à fonctionner au début des années 1930 lorsqu'il subit une fermeture partielle. La ligne principale du service des Prairies est fermée au complet en 1932. Le service postal aérien renaîtra pourtant. Le service postal aérien d'un bout à l'autre du Canada deviendra réalité avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale grâce à l'injection d'importantes sommes par le gouvernement à la fin des années 1930, à la fois dans Trans-Canada Airway (la route aérienne transcanadienne) et Trans-Canada Airlines. La poste aérienne deviendra le pilier du système de communication à longue distance du Canada pendant les deux à trois décennies qui suivent.

La poste aérienne et le village postal | Le service postal aérien au Canada : des premiers pas tardifs | Une période d'essai | Bâtir le système région par région | La livraison des biens | Le pilote de brousse | Crédits