LE PARDON : GUÉRIR PAR L’ART

Le 4 juin 2021
Silhouette d’un gardien de prison avec du fil barbelé en arrière-plan

Sans titre – Peinture de William Allister – Collection Beaverbrook d’art militaire – MCG 20120037-002

À la fin de l’année 1941, lorsque le signaleur William Allister a appris qu’il allait être déployé, il a présumé qu’il partirait pour la Grande-Bretagne. Or, il a plutôt été envoyé dans la colonie britannique de Hong Kong. Quelques semaines plus tard, les troupes japonaises attaquaient; William a fait partie de cette bataille désespérée.

Lorsque les forces alliées ont été envahies, William a été fait prisonnier. Comme tant d’autres militaires du Canada, il a été maltraité et terrorisé dans les camps de guerre. Artiste de nature, il a trouvé refuge dans la peinture. Il devait utiliser des matériaux improvisés, comme de l’huile à vilebrequin pour la peinture, des pinceaux fabriqués à la main et des morceaux de toiles de tente volés.

William, qui a grandi à Montréal dans les trépidantes années 1930, avait des talents d’acteur prometteurs. Il a poursuivi sa carrière d’acteur longtemps après la fin de la guerre. Auteur, cinéaste, artiste dans le domaine publicitaire et dans les beaux-arts, il a souvent exprimé, par son art, les expériences troublantes qu’il a vécues en temps de guerre.

Le Musée canadien de la guerre est fier de détenir plusieurs peintures de William Allister, lesquelles ont été généreusement données par son épouse, Mona Allister. William a créé ces œuvres dans le secret, pour représenter ce qu’il vivait comme prisonnier de guerre. Il les a cachées de ses ravisseurs en les cousant dans la jambe de pantalon d’un autre prisonnier. William a peint l’œuvre ci-dessus en 1942, alors qu’il était encore prisonnier. Elle est présentée dans le cadre de l’exposition Vies transformées – Récits de la Seconde Guerre mondiale.

 

Après la guerre, William est demeuré hanté par le traitement des personnes emprisonnées au Japon, exprimant souvent ses sentiments dans l’art et l’écriture. En 1983, près de 40 ans après son emprisonnement, il a décidé de retourner au Japon avec son épouse. « Nous avons vécu pendant deux mois à Kyoto, à la japonaise, raconte-t-il, en nous imprégnant de l’esprit du territoire, avec une compréhension approfondie et une nouvelle direction sur le chemin cahoteux du pardon. Ce voyage m’a enfin permis de trouver une paix intérieure. »

Sa collection acclamée East Weds West (L’Est qui se marie à l’Ouest) a été conçue durant cette période; le Musée canadien de la guerre a été honoré lorsque Mona Allister l’a présentée avec la première œuvre de la série. En plus d’avoir écrit deux livres sur ses expériences en temps de guerre, William a fait l’objet d’un documentaire canadien, en 1995, intitulé The Art of Compassion (L’art de la compassion).

« Mon père parlait très ouvertement de la période où il avait été prisonnier de guerre, raconte sa fille, Dorianne Allister Winkler. Je me souviens que, même lorsque j’étais enfant, il nous racontait en famille beaucoup de ses expériences vécues à la guerre. En peignant ses 19 murales de la série East Weds West, il traçait essentiellement sa voie vers la paix. Il nous a dit que jamais il n’oublierait, mais qu’il pardonnerait! »

William Allister est décédé en 2008, en Colombie-Britannique, à l’âge de 89 ans. Il a laissé une trace indélébile de ses expériences en tant que prisonnier de guerre, tout en démontrant le pouvoir de l’art pour faire comprendre l’expérience des militaires du Canada.

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