Le récit captivant d’un projet de rapatriement
Partie 1 : Le récit
Parmi les principes directeurs de la salle de l’Histoire canadienne, il y a la volonté de présenter une histoire du pays qui tienne compte de plusieurs points de vue. Les premiers récits relatés dans la salle, généralement présentés en ordre chronologique et par thématiques, traitent de l’histoire archéologique des peuples autochtones du Canada. Malheureusement, les collections archéologiques parviennent rarement à mettre en lumière ce qu’ont vraiment vécu les ancêtres de ces peuples, d’autant plus que les artefacts sont souvent interprétés d’un point de vue occidental et scientifique. Or, c’est la perspective autochtone qui nous intéressait pour ces premiers récits, et nous voulions que nos visiteurs puissent entrer plus intimement en contact avec le passé.
Dans ce premier de deux billets, vous en apprendrez plus sur l’histoire d’un Inuit qui a vécu il y a huit siècles. Le second billet portera sur la façon dont nous avons collaboré avec des partenaires autochtones afin que soit rendue possible la rencontre entre cet homme, les visiteurs et les communautés autochtones.
Commençons tout d’abord par le récit.
Lorsque les restes de cet homme ont été recueillis, il y a près de 60 ans, les chercheurs occidentaux n’avaient généralement pas tendance à consulter les communautés autochtones, encore moins à collaborer avec elles. Il en est autrement aujourd’hui : les restes de cet homme et les objets avec lesquels il a été inhumé ont fait l’objet d’un rapatriement au Nunavut. Au cours de ce processus, Janet Young, Ph. D., a été amenée à réaliser une analyse détaillée des ossements. Cela lui a permis de découvrir de grands pans de la vie de cet homme ainsi que des détails révélateurs le liant aux artefacts enterrés avec lui.
L’homme était au début de la quarantaine au moment de sa mort, et il a été inhumé avec un impressionnant éventail d’objets fort probablement confectionnés en ivoire de morse. Parmi eux figure un perçoir à archet – un instrument qui servait à allumer des feux – sur lequel ont été gravés des dizaines de pictogrammes représentant des scènes de chasse, des animaux, des conflits humains et le quotidien d’un village. Lorsque ces scènes ont été comparées aux traumatismes et aux adaptations physiques subis par le squelette, nous avons remarqué plusieurs liens évidents.
Premièrement, l’homme souffrait d’un problème à la clavicule propre aux adeptes du kayak, ce qui correspond à de nombreux pictogrammes sur le perçoir à archet. De plus, l’analyse des os des bras a indiqué que l’homme avait dû soulever, à plusieurs reprises et dans une position inhabituelle, un objet lourd. Ce détail correspond aux scènes sur l’outil qui représentent un chasseur de baleines maniant un lourd harpon. Enfin, de graves blessures sont visibles sur les os des jambes et sur la colonne vertébrale de l’homme. Celles-ci l’ont sans doute obligé à se déplacer avec une canne. Les images présentes sur le perçoir à archet dépeignent justement un homme se déplaçant entre les tentes à l’aide d’un bâton de marche.
Ces liens entre les images et les ossements nous ont amenés à la conclusion que l’instrument illustrait la vie de l’homme à côté duquel il avait été enterré. En y regardant de plus près, on distingue un enfant jouant entre les tentes à l’une des extrémités du perçoir, alors qu’à l’autre bout figure un homme âgé circulant avec un bâton de marche. La surface de cet instrument raconte-t-elle toutes les étapes de la vie de cet homme?
Il semble que cet homme ait choisi de raconter son histoire en gravant ces pictogrammes grâce auxquels, huit siècles plus tard, nous pouvons vous partager ce récit captivant. La question maintenant est de savoir comment parvenir à présenter le tout d’une façon qui puisse bien mettre en valeur la perspective autochtone et l’individualité de cet homme.
Restez à l’affût pour découvrir comment nous avons collaboré avec le gouvernement du Nunavut, la Fiducie du patrimoine inuit et la communauté d’Arctic Bay pour parvenir à mettre en scène ce fascinant récit.