Les rituels des partisans : une curieuse facette de l’histoire du hockey

Jenny Ellison

Tandis que les éliminatoires de la coupe Stanley 2017 battent leur plein, la barbe de vos joueurs favoris ne cesse de s’allonger. Le rituel consistant à se laisser pousser la barbe pendant les éliminatoires remonterait, selon la croyance populaire, à Denis Potvin, Clark Gillies et leurs coéquipiers des Islanders de New York dans les années 1980. Avec le temps, ce rituel est devenu une marque de succès dans l’après-saison. Plus la barbe est longue, plus un joueur et son équipe se rendront loin dans les séries. Certains partisans ont adopté ce rituel pour manifester leur soutien à leur équipe et participer par procuration aux éliminatoires.

Les amateurs de hockey ont nombre d’autres rituels pendant les sacro-saintes éliminatoires de la LNH. Dès les années 1950, les journaux rapportaient que des aficionados jetaient sur la glace des objets dans le but d’intimider les joueurs de l’équipe adverse ou de protester contre la décision d’un arbitre. En 1955, certains se mirent à lancer des chaussures et des « claques » durant une partie des Canadiens, à Montréal, pour protester contre la décision récente du président de la LNH, Clarence Campbell, de suspendre Maurice Richard pour le reste de la saison de la LNH. Une émeute eut lieu à l’extérieur du Forum de Montréal, où Campbell avait assisté à la partie. Les visiteurs de l’exposition Hockey peuvent voir une boîte de soupe « Rocket » Richard concoctée pour protester contre la décision de Campbell.

L’un des exemples les plus curieux (et dégoûtants) d’objets lancés sur la glace par des partisans nous vient de Détroit, où certains y jettent des pieuvres. Ce rituel aurait été inventé par Jerry Cusimano. En 1952, Jerry et son frère Pete espéraient voir Détroit gagner la coupe Stanley en huit parties consécutives lors des deux dernières séries. Ayant remporté la demi-finale, l’équipe avait pris le dessus sur Montréal durant la série finale. Jerry a eu l’idée de jeter une pieuvre sur la glace pour attirer la chance. Huit tentacules, huit parties gagnées d’affilée – tel était son pari.

Les journalistes sportifs légendaires que sont Dick Beddoes et Scott Young ont publié des articles sur les lanceurs de pieuvres dans le Globe and Mail de Toronto dans les années 1960 et 1970. Ils ont appris que Cusimano s’était procuré les pieuvres dans l’entreprise familiale de fruits de mer, s’était glissé dans l’aréna Olympia de Détroit et les avait projetées sur la glace lors des parties trois et quatre. Comme vous pouvez l’imaginer, les arbitres n’ont pas été impressionnés. Par contre, les Wings ont gagné les huit parties suivantes et remporté la coupe. Dans une entrevue accordée en 1961, Cusimano a révélé qu’il avait transporté les pieuvres à la patinoire dans une cornemuse. Au départ, il les apportait dans un sac de quilles, mais il ne cessait de se tromper de sac en sortant de chez lui. Quand il arrivait à l’aréna, sa technique consistait à attendre un moment fort dans la partie pour lancer la pieuvre sur la glace.

Cusimano, enchanté par ce rituel, a confié à un journaliste : [Traduction] « Jamais les gens ne me voient faire : j’ouvre la fermeture à glissière, j’extrais la pieuvre, je me penche vers l’arrière et VLAN! La voilà au centre de la glace, et tous les joueurs de lui donner des petits coups comme si elle allait exploser. » À la mort de Jerry dans un accident de voiture, Pete a repris la tradition. Pete a décrit la meilleure technique à Beddoes : [Traduction] « Vous attrapez la pieuvre dans la paume de votre main. Vous choisissez votre cible. Ensuite, vous étirez votre bras vers l’arrière et lancez le projectile comme s’il s’agissait d’une grenade. Il faut garder le coude droit pour la lancer à la bonne distance. » Pete Cusimano a expliqué à Beddoes que son frère et lui faisaient bouillir la pieuvre au préalable pour qu’elle vire au rouge vif, mais, dans les images récentes et les souvenirs, les pieuvres sont plutôt violâtres.

John Finley, l’ancien médecin de l’équipe des Red Wings de Détroit, a conservé cette rondelle de hockey des séries éliminatoires de 1995. L’équipe n’a pas remporté la Coupe Stanley cette année-là, ayant perdu contre les Devils du New Jersey lors de la série finale. Photo : Musée canadien de l’histoire.

John Finley, l’ancien médecin de l’équipe des Red Wings de Détroit, a conservé cette rondelle de hockey des séries éliminatoires de 1995. L’équipe n’a pas remporté la Coupe Stanley cette année-là, ayant perdu contre les Devils du New Jersey lors de la série finale. Photo : Musée canadien de l’histoire.

Dans les années 1990, Al Sobotka – gestionnaire de l’immeuble et responsable de la glace à l’aréna Joe Louis – s’est mis à faire virevolter les pieuvres lorsqu’il les ôtait de la patinoire. Les Red Wings ont joué leur dernière partie à l’aréna Joe Louis en avril dernier, mais Sobotka a récemment confié au Detroit Free Press que le rituel se poursuivra. Au fil des ans, la pieuvre a pris valeur de symbole, devenant un produit dérivé des Red Wings de Détroit (comme cette rondelle des éliminatoires de 1995), voire même une mascotte pour l’équipe.

Disposant de tant d’anecdotes à raconter sur le jeu, nous étions confrontés à des choix difficiles et n’avons pu intégrer cette rondelle dans l’exposition Hockey. Par contre, vous pouvez voir des objets liés à un rituel canadien notoire inspiré par Roger Neilson, un entraîneur connu pour son côté novateur. Au cours d’une demi-finale de la coupe Stanley en 1982, les Blackhawks gagnent contre les Canucks 4 à 1, à Chicago, lors d’une partie peu captivante durant laquelle il y a eu de la bagarre tant sur la patinoire qu’à l’extérieur. Vers la fin de la partie, Neilson, l’entraîneur-chef des Canucks, fixe une serviette blanche sur un bâton de hockey et l’agite pour protester contre ce qui lui semble être une mauvaise décision de l’arbitre. Certains joueurs des Canucks font de même. Résultat? Neilson est expulsé de la partie, mais les amateurs de hockey de Vancouver, qui ont bien aimé son geste de défiance, apportent leurs propres serviettes lors de la partie suivante à Vancouver. Brandir des serviettes blanches pendant les parties d’éliminatoires des Canucks à domicile est maintenant une forme d’applaudissement qu’on appelle « Towel Power », ou le « pouvoir de la serviette ».

L’entraîneur Roger Neilson était connu pour son côté novateur, mais aussi pour ses cravates farfelues. Cette figurine à tête branlante de « Rog » avec une serviette en est un exemple. Prêt du Peterborough & District Hall of Fame. Photo : Musée canadien de l’histoire.

L’entraîneur Roger Neilson était connu pour son côté novateur, mais aussi pour ses cravates farfelues. Cette figurine à tête branlante de « Rog » avec une serviette en est un exemple. Prêt du Peterborough & District Hall of Fame. Photo : Musée canadien de l’histoire.

En 1982, un journaliste du Globe and Mail qualifia la réaction de Neilson d’embarrassante. Il soutenait que la presse américaine ne prenait pas la LNH au sérieux et que les frasques de Neilson avec sa serviette renforçaient l’impression que le hockey n’était pas vraiment un sport digne des ligues majeures. Le rédacteur ajoutait ce conseil : [Traduction] « Le mieux serait que Neilson fasse publiquement des excuses et que toutes les personnes concernées oublient ce qui s’était passé. »

Le geste de Neilson a néanmoins gagné en popularité. En 2002, pour souligner la millième partie de Neilson dans la LNH, les Sénateurs d’Ottawa ont distribué des serviettes blanches aux partisans présents, lesquels sont au cœur de l’histoire et de la culture du hockey. En fait, toute une section de l’exposition Hockey est consacrée aux amateurs du sport, puisqu’ils sont une partie intégrante de ce sport. Vous pourrez y voir la serviette commémorative de Neilson ainsi que des articles faits à la main et des souvenirs appartenant à de super amateurs.

Roger Neilson a inspiré le rituel qui consiste à agiter des serviettes chez les amateurs de hockey de Vancouver. En fin de carrière, Neilson fut entraîneur adjoint des Sénateurs d’Ottawa. L’équipe lui a permis d’être entraîneur-chef intérimaire pour les deux dernières parties de la saison 2002 de la LNH pour qu’il puisse se rendre à sa millième partie en tant qu’entraîneur-chef. Les Sénateurs ont émis ces serviettes pour souligner l’événement. Neilson est décédé en 2003. Prêt du Peterborough & District Hall of Fame. Photo : Musée canadien de l’histoire.

Roger Neilson a inspiré le rituel qui consiste à agiter des serviettes chez les amateurs de hockey de Vancouver. En fin de carrière, Neilson fut entraîneur adjoint des Sénateurs d’Ottawa. L’équipe lui a permis d’être entraîneur-chef intérimaire pour les deux dernières parties de la saison 2002 de la LNH pour qu’il puisse se rendre à sa millième partie en tant qu’entraîneur-chef. Les Sénateurs ont émis ces serviettes pour souligner l’événement. Neilson est décédé en 2003. Prêt du Peterborough & District Hall of Fame. Photo : Musée canadien de l’histoire.

Quels sont vos rituels pendant les éliminatoires?