Un symbole de changement

Le 26 août 2015

Ce pendentif a été offert il y a environ deux cents ans par la Compagnie de la Baie d’Hudson à un chef autochtone pour témoigner de l’importance attachée au commerce des fourrures. Gros et lourd, arborant sur un seul côté l’image gravée d’un castor accompagné du monogramme « HB », le pendentif était un symbole ostensible d’un certain statut dans le milieu de la traite des fourrures.

Le pendentif revêt une importance particulière pour deux raisons. Premièrement, la plupart des bijoux offerts aux peuples autochtones étaient en argent, et non en or plaqué comme celui-ci. Deuxièmement, il représente un exemple rare d’œuvre en or conçue par Charles Arnoldi (1779-1817), un orfèvre réputé de Montréal.

Beaucoup auraient vu dans le pendentif un symbole d’équité entre les commerçants et les peuples autochtones dans les régions de l’Ouest. « En général, les peuples autochtones ne faisaient pas de troc s’ils n’avaient pas d’abord tissé des liens avec les commerçants, souligne Timothy P. Foran, conservateur, Amérique du Nord britannique. La plupart du temps, ils négociaient selon leurs propres conditions, et les nouveaux arrivants européens devaient respecter leurs coutumes. Par ailleurs, la traite des fourrures marquait le début d’une présence européenne permanente sur les terres autochtones de l’Ouest. Elle a ouvert la voie à la prise de contrôle du territoire autochtone par l’État canadien dans les années 1870. »

La contestation du monopole

La remise du pendentif frappé entre 1800 et 1815 s’inscrivait directement dans la foulée d’une rivalité de plus en plus féroce entre la Compagnie de la Baie d’Hudson et la Compagnie du Nord-Ouest, fondée à Montréal en 1779. « La Compagnie de la Baie d’Hudson est devenue active dans les années 1670 par l’érection de quelques postes de traite sur les rives de la baie d’Hudson, attendant alors simplement que les peuples autochtones viennent vers elle. À l’inverse, la Compagnie du Nord-Ouest a construit une série de forts à l’intérieur des terres et bâti un réseau de transport et de commerce tentaculaire, qui s’étirait de la vallée du Saint-Laurent aux Rocheuses, et plus loin encore. Comme la Compagnie du Nord-Ouest utilisait des bijoux en argent comme objets de traite, la Compagnie de la Baie d’Hudson n’a guère eu le choix d’en faire autant, bien qu’elle ne s’en était encore jamais beaucoup servi jusqu’alors. La Compagnie du Nord-Ouest a forcé la Compagnie de la Baie d’Hudson à innover et à devenir concurrentielle. »

Mettre fin à la rivalité

La concurrence s’est finalement avérée trop vive. Tandis que la Compagnie de la Baie d’Hudson élargissait son réseau et investissait davantage dans les objets de commerce, et que les stocks d’animaux à fourrure déclinaient ou disparaissaient dans certaines régions, les deux compagnies se comportaient comme si elles étaient en guerre – et du sang fut versé dans les deux camps. Vers 1821, le gouvernement britannique, excédé, les a contraintes à fusionner pour créer une nouvelle Compagnie de la Baie d’Hudson, allégée. Par la suite, celle-ci a commencé à retirer les pièces d’argent et d’or de ses marchandises échangées, car leur production coûtait très cher.

Malgré son monopole revendiqué sur le commerce des fourrures après 1821, la Compagnie n’était nullement au bout de ses peines. « Même si elle s’efforçait de rationaliser ses activités et de contrôler le commerce, elle a fait face à une concurrence accrue de la part de commerçants indépendants tout au long des années 1830 et 1840, explique M. Foran. Ce sont finalement les Métis des Prairies qui sont parvenus à briser son monopole, et leur victoire dans un procès tenu en 1849 a créé un précédent en faveur du libre-échange dans l’Ouest. »

Image : Pendentif oval en plomb plaqué or, 10 cm x 7,5 cm, 1800-1815
La Compagnie de la Baie d’Hudson donnait des pendentifs en argent aux meilleurs trappeurs et chasseurs autochtones, mais ne remettait les pendentifs en or plaqué qu’aux chefs seulement. Ce type de pendentif est très rare.