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Histoire des Autochtones du Canada
Tome I (10 000 à 1 000 avant J.-C.)

Les Bouclériens moyens (Sommaire, Chapitre 16)

Les Bouclériens ont été les premiers à vraiment occuper le Bouclier canadien, cette vaste étendue de terre qui comprend le sud-ouest des Territoires du Nord-Ouest, la majorité du Manitoba, le nord de l'Ontario, le nord du Québec y compris la partie septentrionale du Saint-Laurent, et le Labrador (Wright 1972; 1981). Le Bouclérien émane du Planoïen qui était présent dans le sud du District du Keewatin et dans l'est du Manitoba il y a environ 6 000 avant J.-C. Ce développement impliquait une dépendance à l'égard du caribou et du poisson, dépendance qui s'est greffée sur une adaptation générale aux écosystèmes du Bouclier canadien (voir Feit 1973). Depuis l'ouest, des bandes de Bouclériens ont occupé le Bouclier canadien qui se libérait graduellement des masses glaciaires et des étendues d'eau qui étaient associées à ces dernières, et que colonisaient des communautés de plantes et la faune qui s'en alimentait. Ce processus graduel entraîna l'occupation du Bouclier canadien d'ouest en est, sauf les basses terres de la baie d'Hudson situées en Ontario et une bonne partie du Québec et du Labrador, qui n'ont pas été colonisées avant 2 000 avant J.-C. On considère que les Cris, les Ojibways, les Algonquins, les Montagnais et les Béothuks qui y vivaient à l'arrivée des Européens sont les descendants directs des Bouclériens. Les affinités culturelles et linguistiques étroites qui unissaient les peuples ci-haut mentionnés, sauf les Béothuks qui disparurent avant que leur langue ait pu avoir été étudiée de façon appropriée, reflètent à quel point les systèmes culturels des Bouclériens étaient exceptionnellement interreliés dans cette région dont l'étendue est équivalente à presque la moitié du Canada. Les facteurs qui ont contribué à forger cette identité étaient : (1) l'association des principales ressources alimentaires aux réseaux fluviaux du Bouclier canadien qui servaient également de routes de communication tant en été qu'en hiver; (2) un mode de subsistance dont le caribou et le poisson se trouvaient au cœur, et qui exigeait un territoire considérable pour que les petites bandes de gens puissent survivre en raison de la fluctuation des populations de caribous combinée à l'impact endémique et souvent généralisé des feux de forêts; (3) un système social flexible qui favorisait une série de relations cimentées par des mariages interbandes; (4) un apport limité des intrusions ou des influences culturelles de la part des cultures voisines; (5) et la colonisation tardive d'une grande partie de l'est du Bouclier canadien.


Un camp d'algonquiens du nord - MCC 594
Un camp d'algonquiens du nord

Les modes d'établissement témoignent que les Bouclériens moyens suivaient un mode de vie essentiellement identique à ceux des Cris, des Ojibway, des Algonquins et des Montagnais dont parlent les documents rédigés par les observateurs européens. Sauf quelques exceptions, seul le témoignage le plus faible des habitations, notamment les structures recouvertes d'écorce illustrées dans la photographie, ont survécu dans l'enregistrement archéologique. Aucune trace non plus de canot en écorce, si essentiel au transport dans les vastes étendues du Bouclier canadien. Les objets en bois, en écorce et en cuir qui exigent une technologie élaborée et qui sont essentiels à la survie ont tout simplement été effacés de l'enregistrement archéologique. Il est important de remarquer que le campement est situé sur une plage active dont l'inondation une partie de l'année aurait également contribué à disperser le témoignage parsemé de l'occupation humaine.

(Musée canadien des civilisations, Service canadien d'ethnologie, Négatif 594 : T.L. Weston, 1884, rivière Jackfish, lac Winnipeg, Cris des marécages?)


L'outillage des Bouclériens moyens se caractérise par des couteaux, des grattoirs et des pointes de projectile en pierre taillée et une absence générale d'outils façonnés par polissage. Comme pour toutes les autres cultures, les éclats non retouchés dont le tranchant naturellement vif pouvait servir à une gamme étendue de tâches, notamment à couper, à gratter et à pratiquer des rainures, constituaient la catégorie la plus importante d'outils. Les instruments en cuivre natif revêtent évidemment une importance particulière dans les sites situés à proximité des sources de cuivre du lac Supérieur. On détecte aussi le témoignage d'un commerce étendu avec les GLSaint-Laurentiens moyens de la vallée des Outaouais. Avec le temps, on remarque que les grattoirs et les pointes de projectile à encoches latérales dépassent en nombre les grands couteaux à retouches bifaciales et les pointes lancéolées. L'os est généralement absent de l'enregistrement sauf sous forme de petits fragments calcinés. Par conséquent, l'inférence d'une dépendance à l'égard du caribou et du poisson doit reposer sur la distribution des modes d'établissements. On considère que les caches d'instruments en pierre et en cuivre découvertes au Manitoba, en Ontario et au Québec correspondent à des tombes "sans os" là où les sols acides ont dissout les os. L'un de ces sites du Manitoba contenait des restes humains. L'ocre rouge et l'outillage en pierre taillée dont souvent des objets façonnés en calcédoine de Knife River du Dakotadu Nord et en cuivre natif, caractérisent ces structures du Manitoba et de l'Ontario, et permettent de croire que vers 2 000 avant J.-C. un rituel mortuaire élaboré était pratiqué au moins par ces Bouclériens moyens qui vivaient aux frontières des centres d'élaboration cérémonielle situés plus au sud.

Les habitations des Bouclériens moyens comprennent des structures semi-souterraines imposantes comportant un couloir d'accès ainsi que des habitats très fragiles qui ont laissé peu de traces archéologiques. La distribution des modes d'établissement ne changent généralement pas dans la grande partie du Bouclier canadien depuis la plus ancienne occupation humaine jusqu'à l'arrivée des Européens; ce qui permet de croire que les rondes de subsistance ont été relativement stables pendant des milliers d'années. Cette situation n'est pas étonnante en raison de la nature relativement prévisible du comportement animal et de la stabilité du paysage. Malheureusement les sites stratifiés sont rares. Au contraire, les sites consistent plutôt de débris culturels désespérément mélangés provenant d'un nombre incalculable de campements saisonniers qui ont servi pendant des milliers d'années. Cette difficulté d'isoler les occupations individuelles constitue l'élément le plus limitatif des fouilles archéologiques effectuées dans le Bouclier canadien.

L'étendue de terre située sur le flanc sud-ouest du territoire des Bouclériens et la province de végétation des Grands-Lacs-Saint-Laurent (McAndrews et al. 1987 : Planche 4) qui bordait la frontière sud-est ont agi comme deux aires importantes de contact entre les différentes cultures. Ces frontières culturelles ont varié dans le temps en raison des changements climatiques qui imposaient des conditions avantageuses ou désavantageuses aux diverses adaptations culturelles. En dépit de l'homogénéité déjà soulignée des Bouclériens, on détecte clairement la manifestation d'un régionalisme accentué le long de la frontière orientale du territoire bouclérien, là où les influences des cultures avoisinantes ont été les plus intenses. On peut s'attendre d'aillleurs à trouver des différences régionales à l'intérieur d'une reconstitution culturelle dont les dimensions spatiales et temporelles comme celles qu'on propose pour le Bouclérien sont aussi considérables, mais ces différences apparaissent mineures comparées aux caractéristiques culturelles communes.


 
Tome ITome II

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