Dames du temps jadis

Au temps des premières découvertes

Même si, selon les critères scientifiques actuels, ils ont été tracés à la spatule plutôt qu'au pinceau, les grands traits de la préhistoire de l'Europe occidentale sont le fruit d'amples travaux effectuées au cours de la seconde moitié du XIXe siècle par d'éminents géologues et préhistoriens tels les Lubbock, Christy, Lartet et de Mortillet.

C'est grâce à ces pionniers que fut esquissé le concept de Paléolithique, c'est-à-dire, d'un âge de la pierre ancienne, et que furent élaborées dans l'enthousiasme et la controverse les premières grandes ébauches chronologiques et culturelles de ces époques lointaines et glaciaires.

Pêcheurs, chasseurs et artistes

Ce fut vrai, en particulier, du Paléolithique supérieur dont certains des jalons les plus visibles indiquaient chez les peuplades de chasseurs, pêcheurs et cueilleurs de cette période reculée une capacité de représentation artistique et symbolique hautement développée. S'élabora donc, au fil des découvertes, ce qu'on a appelé la préhistoire de l'art occidental et dont les origines les plus perceptibles datent d'environ 35 000 ans.

On put démontrer que ces manifestations du Paléolithique supérieur européen étaient le propre de populations biologiquement modernes, c'est-à-dire, de gens comme nous, des Homo sapiens sapiens. On put également établir que ces populations se démarquaient nettement de leurs prédécesseurs les Néandertaliens (Homo sapiens neandertalensis) qui eux, avaient laissé les vestiges beaucoup plus frustes et forcément moins lisibles, caractéristiques de l'époque antérieure dite du Moustérien ou, encore, du Paléolithique moyen.

Controverse et chicane

Cette première grande ébauche de la préhistoire européenne ne s'élabora pas sans mal. Effectuées de manière que nous pourrions qualifier aujourd'hui d'anarchique, et souvent dans un climat de controverse ou même de chicane, les fouilles avaient souvent pour but la recherche sélective des beaux objets et des pièces que l'on considérait alors comme étant, à tort ou à raison, les plus significatives. Enfin, peu d'attention étant accordée à la préservation de leur intégrité, nombreuses furent les collections qui se retrouvèrent dispersées à tous les vents ou, même, qui furent perdues pour cause de guerres. Ainsi en fut-il des matériaux accumulés pendant plus d'un demi-siècle aux Balzi Rossi.

Chronologie de la fin des temps glaciaires

Formulé au siècle dernier pour rendre compte de l'occupation humaine de l'Ancien Monde, le concept de Paléolithique, aussi connu sous le nom d'Âge de la pierre ancienne, fut divisé en trois grands segments dont le plus récent, appelé Paléolithique supérieur, se situe entre environ 35 000 et 10 000 ans avant aujourd'hui. Ce dernier fut caractérisé par une série de bouleversements intéressant l'ensemble du milieu européen, dans sa nature aussi bien que dans ses cultures.

Au premier rang de ces transformations, on peut noter, autour de 40 000 ans, l'apparition sur la scène européenne de populations biologiquement modernes (Homo sapiens sapiens), porteuses de nouvelles technologies, et qui devaient rapidement remplacer leurs prédécesseurs néandertaliens. Cette substitution biologique et culturelle se fit dans un contexte de détérioration climatique qui, fluctuant à la baisse, devait conduire à ce qu'on appelle le maximum glaciaire ou, encore, le dernier Pléniglaciaire, entre environ 22 000 et 18 000 avant aujourd'hui. Ces épisodes de refroidissements eurent évidemment un effet marqué sur les sociétés d'alors qui, pour survivre au cours de ces millénaires, surent se renouveler en inventant, entre autres choses, des systèmes de communication riches en symboles de toutes sortes. Les Vénus gravettiennes en sont justement un des exemples les plus anciens et les plus saisissants.


L'Europe de la fin des temps glaciaires

Durant la première moitié du Paléolithique supérieur, entre environ 28 000 et 22 000 ans, l'hémisphère nord commença à ressentir les effets d'un refroidissement climatique qui devait conduire, autour de 20 000 ans, à l'apogée de la dernière grande glaciation. Une bonne partie de l'Europe du Nord fut alors lentement envahie par d'énormes nappes glaciaires provenant des régions boréales de Scandinavie. Plus au sud, des glaciers d'importance variable se formèrent aussi dans quelques massifs montagneux dont, surtout, les Alpes. En contrepartie, au fur et à mesure que s'accumulaient les glaces, les niveaux marins s'affaissèrent, exposant ainsi de vastes zones littorales qui, en certains endroits, sous forme d'isthmes, relièrent pour un temps les îles au continent.

L'Europe, avec sa physionomie changeante, fut alors soumise de façon continue à d'importants bouleversements écologiques, aussi bien dans le domaine de la végétation que de la faune. Et ce fut durant cette longue période de changements - et même en partie à cause d'elle, selon certains auteurs - que se manifesta à l'échelle du continent, le phénomène culturel que l'on appelle le Gravettien et que put ainsi s'épanouir au sein d'un réseau culturel que nous comprenons encore mal, la première grande statuaire du monde occidental et, même, d'Eurasie.

(carte d'après Stringer et Gamble, 1993)