Dames du temps jadis

Sont-elles authentiques?

Cette question fut posée d'emblée, il y a presque un siècle, lorsque Louis Alexandre Jullien en 1896, vendit au Musée des Antiquités Nationales une des quinze figurines qu'il disait avoir découvertes aux Balzi Rossi. Présentée à la communauté archéologique en 1898, elle prêta aussitôt à controverse lorsque l'éminent préhistorien français Gabriel de Mortillet mit en doute son authenticité. Cependant, comme bon nombre des arguments de ce dernier tenaient beaucoup plus de l'esthétique et de la pudibonderie que de la science et, comme à la même époque on commençait à mettre au jour, ailleurs en France, des figurines de ce genre, la polémique fit long feu.

Malheureusement, le silence dont choisit de s'entourer L. A. Jullien, relativement à la nature de ses activités archéologiques, fit que ce qui aurait pu être la consécration de ses travaux demeura entaché d'incertitude et de méfiance. Et c'est pourquoi, à ce jour, la question demeure posée : L. A. Jullien aurait-il pu être un faussaire?

Si la solution de ce problème existe dans de quelconques archives qu'il reste encore à dépouiller, elle se situe surtout dans l'analyse détaillée des statuettes elles-mêmes, c'est-à-dire, entre autres, dans l'identification des matériaux utilisés et dans l'étude de la facture des pièces et des formes qu'on a voulu leur donner. Et ces travaux, en cours, indiquent clairement que, aussi génial eût-il été, L. A. Jullien n'aurait jamais pu, en 1895, à une époque où on commençait à peine à percevoir la complexité de ce type de figuration, créer de toutes pièces ce que nous savons être aujourd'hui des modes de représentation de concepts, de symboles et d'archétypes appartenant à l'aube de l'humanité moderne.