
“Si on veut caractériser de
façon générale et sans risque d'erreur toute la
tradition philosophique occidentale, on dira qu'elle est une
série de notes explicatives sur l'œuvre de Platon.”
-Alfred North
Whitehead
Les Grecs de l'Antiquité ne faisaient pas de distinction
entre la philosophie et la science, ni entre les diverses
disciplines — physique, chimie, mathématiques,
astronomie, etc. — comme on le fait aujourd'hui. C'est à
mesure que les connaissances s'approfondissent et se diversifient
que la distinction des disciplines devient pratique. Dans la
Grèce antique, une personne pouvait être experte dans
plusieurs domaines. Aujourd'hui, puisque les spécialistes ont
tendance à savoir de plus en plus de choses sur de moins en
moins de sujets (autrement dit, ils ont une connaissance
approfondie sur un domaine plutôt restreint), il est presque
impossible de rester au courant des recherches détaillées
dans plus d'un domaine. Mais au temps de Thalès, de Pythagore et
d'Aristote, c'est la règle. Les gens
s'attendent à ce que quelqu'un qui connaisse bien un domaine
soit aussi compétent dans d'autres. Et beaucoup le sont.
Les Grecs font des progrès considérables en
mathématiques, surtout en géométrie, empruntant
beaucoup d'éléments aux Égyptiens (qui
s'intéressent principalement aux applications pratiques) tout
en repoussant les limites sur les plans théorique et
intellectuel. Éléments de géométrie,
le livre classique d'Euclide, fait autorité
dans le monde entier pendant deux millénaires environ.
Les Grecs laissent aussi leur empreinte sur l'astronomie. Il est important de comprendre l'astronomie pour mieux régler les activités agricoles. La connaissance de l'astronomie est aussi essentielle à la mise au point d'un calendrier précis et indispensable à la navigation. Les Égyptiens et les Babyloniens font de grands progrès en astronomie, mais leur travail est fondé en grande partie sur plusieurs siècles d'observations. Ce sont les Grecs qui appliquent les mathématiques à l'astronomie, élargissant ainsi considérablement la gamme de questions qu'on peut poser sur le système solaire et auxquelles il est possible de répondre. Au IIIe siècle av. J.-C., l'astronome grec Aristarque de Samos propose la théorie selon laquelle le Soleil, plutôt que la Terre, serait au centre du système solaire. Le monde est arrivé à la même conclusion… près de deux millénaires plus tard. Ératosthène, un autre Grec, calcule avec exactitude la circonférence et le diamètre de la Terre.
Ce sont les Grecs qui abordent sérieusement la physique — l'étude de la nature des choses — au VIe siècle av. J.-C. Dans la plupart des cas (p. ex. le travail d'Aristote et de Pythagore), il s'agit d'une activité intellectuelle avec peu d'expérimentation contrôlée, ce qui est la pratique courante aujourd'hui.
Aristote, qui se sent également à l'aise en
philosophie qu'en science, écrit plusieurs traités sur les animaux qui posent les
fondements de la zoologie. Il fait aussi du travail important sur
les plantes, mais de loin moins étendu et exhaustif que ses
textes sur les animaux. Cependant, Aristote a une influence
profonde sur d'autres savants, notamment Théophraste, qui jette les bases de la
botanique.
Nous n'avons aucune indication que Socrate ait
écrit quoi que ce soit, mais il est le premier grand penseur
d'Athènes. Les écrits de Platon et de Xénophon nous permettent de comprendre ses
idées jusqu'à un certain point. Socrate met en cause les
mœurs et la soif de pouvoir de ses concitoyens, et ses
opinions lui coûtent la vie. Il est considéré comme
le père de l'étude de l'éthique.
Plusieurs facteurs influencent le développement de la médecine dans la Grèce antique. Premièrement, il y a la force puissante de la religion, dont les dieux et déesses s'occupent de la guérison, de la mort et de la pestilence. Deuxièmement, il y a le contact commercial, notamment avec l'Égypte (qui apprend beaucoup en pratiquant la momification) et la Mésopotamie (qui publie des documents médicaux exhaustifs sur des tablettes d'argile bien avant 1000 av. J.-C.). Les Grecs puisent également dans ces régions et ailleurs dans l'Orient une gamme encyclopédique de remèdes à base de plantes médicinales.
Pour couronner le tout, il y a le triste bilan de la guerre — diverses blessures et amputations résultant d'accidents ou de coups de flèche, d'épée ou de lance — qu'Homère décrit de façon si frappante et si exacte dans l'Iliade. En traitant les blessés, on acquiert beaucoup d'expérience et d'information pratique qu'on peut appliquer ailleurs. Pendant les périodes archaïque et classique, la religion grecque n'admet pas la dissection du corps humain, mais cela change après la fondation de l'école alexandrine. Les médecins et les chercheurs font des progrès dans certains domaines qu'on ne dépassera qu'au XVIIIe siècle.
On abandonne la croyance selon laquelle les dieux et les esprits
malins provoquent la maladie (une croyance que les premières
civilisations ont peut-être toutes partagée) quand on
découvre que les causes naturelles peuvent y contribuer, mais
la transition est longue et difficile. Pendant plusieurs
générations, deux systèmes de croyances, l'un
fondé sur la religion et l'autre sur une science naissante,
coexistent. Hippocrate, le Grec qui est le
père de la médecine, écrit : « La
prière est effectivement une bonne chose, mais, tout en
faisant appel aux dieux, l'homme devrait également donner un
coup de main. » À cette fin, on établit des
centres de guérison où les fidèles pourront faire
leurs prières et recevoir des soins médicaux. Hippocrate
et ses disciples font un pas géant en médecine quand ils
se demandent « Quelle est l'origine de cette
maladie? » plutôt que « Quel dieu ou
quelle force maléfique a causé cette
maladie? »
La guerre conduit à d'importants progrès non seulement
dans les pratiques médicales, mais aussi en génie. Des
savants comme Archimède deviennent
ingénieurs militaires, inventant et améliorant des armes
défensives et offensives. Parmi les autres innovations, il y a
l'engrenage, la vis, la machine à vapeur et la presse à
vis, mais l'attitude qui domine chez les Grecs par rapport au
travail manuel et aux appareils qui facilitent le travail
n'encourage ni ne récompense vraiment l'innovation (sauf dans
le domaine militaire). Par conséquent, beaucoup d'inventions
demeurent des curiosités, plutôt que d'être des
instruments de changement.