La vache des orphelins
La vache des orphelins, 2000
Installation : pigments sur toile de jute tissée et rembourrée, bois
Prêt de l'artiste
(Photo : Harry Foster  © Canadian Museum of Civilization Corporation)



«Il était une fois, dans un village, un homme qui avait une femme et deux enfants. La mère possédait une vache. Mais voici qu'un jour elle tomba malade. Lorsqu'elle se vit près de mourir, elle appela son mari et lui dit : "promets-moi que tu ne vendras pas la vache, que tu la garderas toujours pour les petits orphelins..."

Avec cet extrait du conte La vache des orphelins, je veux représenter le peuple livré à lui-même par les orphelins, et le pays, par la vache.

En un sens, le thème est prétexte à des confrontations artistiques et techniques. [...]

Formellement, mes inspirations et pérégrinations esthétiques, culturelles me mènent ou plutôt me ramènent essentiellement à l'art primitif, aux maisons kabyles d'Algérie décorées avec une profonde maîtrise émotionnelle par des femmes, aux masques africains, à ces tapis et signes berbères [...], ainsi qu'au M'zab et à son admirable architecture.»


Extraits du commentaire de l'artiste




Natif de Béjaïa, en Algérie, Ali Kichou voit le jour en 1959. Il entre à l'École nationale des beaux-arts d'Alger en 1978, puis à l'Académie des beaux-arts de Rome en 1983. Il devient restaurateur d'œuvres d'art en Italie, où il résidera pendant 14 ans. La découverte qu'il fait, au début des années 80, des trésors artistiques méconnus que recèle son pays – fresques de Tassili, artisanat berbère, maisons conçues par les femmes kabyles – l'incite à rompre radicalement avec la peinture traditionnelle occidentale. Il recherche de nouveaux matériaux, détrône la toile comme support de l'œuvre : Mon travail, ma démarche artistique, sont des remises en cause constantes des techniques usuelles, conformes et par là-même historiques.

Ali Kichou avec ses filles Tinhinane Yasmina Kichou et Assa Djazia Kichou Ali Kichou avec ses filles Tinhinane Yasmina Kichou
et Assa Djazia Kichou
, Montréal, Québec, 1999
Camille Zakharia
Procédé numérique Iris
Collection du Musée canadien des civilisations


Ali Kichou utilise désormais de la colle et de la toile de jute pour donner du relief à ses œuvres et renoue avec le «signe», ce mode d'expression ancestral. Il rejoint le groupe Movimento Trattista («Traits en mouvement») et crée des installations plus esthétiques que thématiques auxquelles il ajoute bientôt une dimension sonore. Son travail s'apparente au spectacle ou au théâtre avec ses costumes, ses accessoires et la richesse de son univers plastique. Il tente ainsi de rejoindre l'universel en puisant aux sources culturelles des peuples. Questionné sur son identité, il répond : Honnêtement, je ne me sens pas Arabe, je me sens Algérien. Quand je rêve, je ne rêve pas en arabe [...], je rêve en berbère, je pleure en berbère. Mais je me sens concerné, parce que je fais partie du monde arabe [...] et [que] l'arabe est rejeté.

La vache des orphelins
La vache des orphelins (détail), 2000
Installation : pigments sur toile de jute tissée et rembourrée, bois
Prêt de l'artiste
(Photo : Harry Foster  © Canadian Museum of Civilization Corporation)

Grand voyageur, il se rend à Berlin, à Stockholm, à Budapest, partout où sont exposées ses œuvres. Frappé par la densité de la population en Europe, préoccupé par l'avenir de ses enfants et désireux d'améliorer les conditions de vie de sa famille, il décide avec sa femme, l'artiste Hadjira Preure, d'émigrer au Québec en 1995.

Ali Kichou a participé à près de 80 expositions solos et collectives dans plusieurs pays européens, entre autres dans les pays scandinaves, ainsi qu'en Algérie et au Canada. Plusieurs musées italiens, hongrois et algériens ont fait l'acquisition de certaines de ses œuvres.