C'est une sacrée histoire, l'immigration. Une
aventure emplie d'émotions et de douleurs. Je suis en train de
la vivre.
Je suis allée, en avion, d'un continent à un autre.
Je ne peux m'empêcher de penser à ceux qui partent
de chez eux sur des radeaux, souvent au péril de leur vie.
Cela me bouleverse profondément.
Je ne l'oublie pas. Je suis très consciente de cela.
Quand je reçois une lettre, parfois, je pleure. Pas de douleur. D'émotion.
Propos recueillis lors d'une entrevue.
Au moment de l'entrevue, Emma Mbia était installée
depuis deux mois à Montréal.
Emma Mbia est née à Paris. Son père est camerounais et
sa mère métisse, de mère anglaise et de père noir
américain. Elle découvre l'Afrique à l'âge de 11
ans, quand son père la fait venir pendant les vacances
d'été.

« Mon amour de l'Afrique est venu peu
à peu. Cela n'a pas été évident tout de suite.
C'est aussi grâce à mon père si j'aime aujourd'hui autant
ce continent. » Une formation en sociologie de la culture et
en cinéma la mène à effectuer plusieurs études de
terrain au Cameroun. « J'ai travaillé sur les musiques
et les danses bikutsi. C'était une manière de connaître
davantage ma culture ». L'Afrique, l'Europe, deux continents
dont elle se sent issue : « Je me sens moi. Faite avec mes
rencontres, mes sensibilités. L'Afrique est là. L'Occident est
là. J'ai été heurtée parfois. En France, on te dit
que tu es noire et en Afrique, que tu es blanche. À un moment
donné, tu ne sais plus où t'habites. Il faut passer par ces
phases de turbulences pour savoir où tu te positionnes. Les gens te
collent toujours des étiquettes. Le plus important, c'est de savoir,
toi, où tu te situes. » Emma a vécu plus de 30
ans en France.
En septembre 2004, elle s'installe à Montréal.
« J'avais envie de me confronter à des choses nouvelles. Il
fallait que je perde tous mes repères et que je change de continent.
J'avais besoin d'un choc culturel ! » Partir,
recommencer à zéro, intégrer une nouvelle
société : « C'est comme un gros building et
il faut que tu entres dedans », dit-elle. L'une de ses
priorités est de trouver un emploi. « J'ai
travaillé dans les milieux des arts et de la recherche. Tout ce bagage,
je veux le projeter dans le milieu des médias. » Pour
Emma, s'établir au Canada, c'est vivre une autre aventure de vie.
« Je suis, ici, maintenant. Je suis dans la découverte. »
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