Je n'ai pas choisi de quitter le Rwanda. Je suis partie parce
qu'on m'a chassée.
Quand on arrive comme immigrant, on est seul, seul, seul.
Propos recueillis lors d'une entrevue.
Née au Rwanda, Radegonde Ndejuru y a vécu jusqu'à
l'âge de 21 ans. L'accession du pays à l'indépendance, la
fin du pouvoir colonial belge et la prise du pouvoir politique par la
majorité Hutu s'accompagnent de violentes turbulences politiques et
sociales. « L'histoire du Rwanda est parsemée de
guerres, de fuites, de drames et d'injustices. » En 1963,
alors qu'elle a 11 ans, son père est assassiné au cours d'une
des vagues de violence qui secouent le pays. Dix ans plus tard, Radegonde
est elle-même forcée de s'exiler. En 1973, elle arrive au Canada
seule, sa famille étant dispersée en Europe et sa mère
restée au Rwanda.
Elle travaille à Montréal comme infirmière, mais
l'Afrique lui manque. Elle obtient sa citoyenneté canadienne en 1978 et
part aussitôt travailler en Guinée-Bissau, puis en Côte
d'Ivoire, en qualité de coopérante pour des ONG
québécoises (SUCO et CECI ). « Il y a le contact
avec les gens qui est fantastique. Je n'avais pas l'impression de travailler
mais de vivre et d'apprendre tout le temps. C'est ce qui a rendu ces
expériences inoubliables. » Ces différents
séjours sur le continent renforcent son identité d'Africaine.
« Je venais d'attraper mon identité africaine, plus
africaine que rwandaise », dit-elle.
En 1988, dès son retour au Québec, elle participe avec
d'autres femmes d'origine africaine à la création de l'organisme
Solidarité Femmes Africaines, qui a pour objectif d'améliorer
les conditions de vie des immigrantes originaires d'Afrique, de donner une
autre image des femmes africaines et de faciliter leur intégration dans
la société d'accueil, tout en faisant la promotion de leur
culture africaine.
À travers ces expériences de vie et ces migrations
successives, Radegonde a su combiner sa fidélité à sa
culture d'origine et à ses racines, et son adhésion aux aspects
positifs de sa société d'accueil : d'un côté la
solidarité et la force du groupe et de la communauté, si
importantes dans la société traditionnelle africaine, et de
l'autre la liberté individuelle qui est au cour des relations
interpersonnelles dans les pays occidentaux. C'est cette synthèse des
influences africaines et canadiennes qu'elle a tenté d'inculquer
à ses enfants, et ce sont ces valeurs qui lui ont permis d'orienter sa
vie en fonction de sa propre vision des choses, sans être
prisonnière des contraintes sociales si fortes dans les
sociétés africaines, mais en préservant la
solidarité et l'entraide du groupe comme moteur de changement et de
progrès social.
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