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Peuples et connaissance du Nord - 
Expédition canadienne dans l'Arctique (1913-1918)
La petite marine arctique du Canada - Les navires de l'Expédition
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Alaska


L'Alaska
est le seul des six navires achetés pour l'Expédition qui reste en service du début à la fin. L'histoire de ses quatre années passées avec l'Expédition est relatée dans les rapports de l'Expédition, mais elle prend forme dans les journaux quotidiens de R.M. Anderson, chef de l'équipe sud, qui mène une carrière canadienne, et dirige ses capitaines Nahmens et Sweeney et son mécanicien Blue.

L'Alaska est une goélette en bois, à moteur auxiliaire, pesant 47 tonnes et mesurant 57,5 pieds, dotée d'un moteur à essence de 50 chevaux-vapeur. Ce navire est construit à Seattle en 1912 pour le commerce dans la mer de Béring et le transport du courrier des États-Unis à Kotzebue Sound. L'Alaska et son navire-jumeau, l'Arctic, appartiennent initialement à Ira Rank, homme d'affaires américain oeuvrant à Nome et à Seattle. Le prix de vente est de 8000 $ incluant l'engin et les outils de pont.

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La goélette Alaska de l'ECA, vue du flanc. Source : David Gray


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La goélette Alaska de l'ECA, vue de la proue. Source : David Gray


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MCC CD95-946-024

Chargement de la goélette Alaska de l'ECA, observé de sa proue, Nome, Alaska. Juillet 1913. JRC 39474. Source : Musée canadien des civilisations


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Papier en-tête de la U.S. Mercantile Company, Nome, en Alaska, (anciens propriétaires du navire Alaska). Source : Musée canadien de la nature


Le 19 juillet, le « navire du gouvernement canadien » N.G.C. Alaska quitte Nome et arrive à Teller en Alaska cinq jours plus tard avec un moteur en mauvais état. Le départ du Karluk et de la goélette auxiliaire de l'Expédition, le Mary Sachs, est retardé afin que le mécanicien du Karluk puisse aider à démonter et à réparer le moteur de l'Alaska. Un changement d'hélice exige également le déchargement et la mise au sec de l'Alaska, occasionnant de nouveaux retards. L'Alaska prend finalement la mer le 11 août, mais vu qu'il est continuellement ennuyé par des problèmes de moteur, il progresse lentement à la voile. «  Le 14 août. Le capitaine [Nahmens] a menacé de démissionner et de mettre le cap sur Kotzebue Sound... à moins que les moteurs ne puissent être remis en état de fonctionnement ». Heureusement pour l'Expédition, le problème – présence d'eau salée dans le réservoir d'essence de tribord – est résolu et « après le moteur a bien fonctionné. » (Journal de R.M. Anderson, août 1913).

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MCC CD95-933-016

R.M. Anderson fait le guet tandis que la goélette Alaska de l'ECA s'approche des banquises; homme à la proue (Johansen?) mesurant la profondeur des eaux, Alaska septentrional. Le 19 ? août 1913. JJO 38387. Source : Musée canadien des civilisations


En 1913, les progrès des neuf vaisseaux cherchant à atteindre l'île Herschel sont retardés en raison des conditions rigoureuses de la glace au large de la côte nord de l'Alaska. L'Alaska et le Mary Sachs parviennent jusqu'à pointe Collinson, sur la côte nord de l'Alaska, près de la frontière de l'Alaska et du Yukon, où l'Alaska, pris dans une épaisse glace mouillée, demeure emprisonné pendant toute l'hiver à partir de la mi-septembre.

Ce n'est pas avant le début juillet 1914 que l'Alaska flottera de nouveau librement dans le port. Après de nouvelles réparations à l'hélice, l'Alaska quitte la pointe Collinson le 25 juillet et atteint l'île Herschel au Yukon le 5 août, devançant à peine le Mary Sachs. Ces vaisseaux de l'Expédition sont les premiers à pénétrer dans les eaux canadiennes de l'Arctique de l'Ouest arborant le drapeau canadien. À la mi-août, l'Alaska quitte l'île Herschel en mettant le cap vers l'est et arrive à Bernard Harbour, où est établi le quartier général de l'Expédition canadienne dans l'Arctique deux semaines plus tard.

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MCC CD2000-17-002

Vue de la rive du chargement de la cargaison sur l'Alaska, avec sept hommes, deux chaloupes, un canot, des boîtes, pointe Collinson, Alaska septentrional. Le 23 ? juillet 1914. RMA 39193. Source : Musée canadien des civilisations


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MCC CD96-660-026

L'Alaska à l'île Herschel (on aperçoit le Mary Sachs derrière à gauche), territoire du Yukon. Le 10 août? 1914. GHW 51432. Source : Musée canadien des civilisations

Réparation de l'hélice

Après avoir déchargé la cargaison de l'Alaska, il est une fois de plus nécessaire de le mettre au sec sur la berge, cette fois pour réparer une hélice brisée. « M. Blue [mécanicien] est pratiquement mort de froid pendant les réparations vu que l'hélice se trouvait sous l'eau et qu'il devait travailler dans environ trois pieds d'eau et se pencher jusqu'à ce que son menton soit submergé. Il a travaillé tout l'avant-midi pour tenter de sortir l'Alaska de la boue où la goélette s'était enfoncée et rapidement enlisée. » (Journal de R.M. Anderson, septembre 1914).

L'Alaska se dirige de nouveau vers l'ouest le 6 septembre pour recueillir du bois d'épave et du charbon dans une réserve aux îles Baillie. Anderson décide de guider l'Alaska vers l'île Herschel pour aller chercher plus de carburant et d'autres provisions. L'Alaska parvient à l'île Herschel, charge la cargaison et est de retour aux îles Baillie à la mi-septembre, au milieu de la pire tempête de la saison. De précieuses heures sont passées à déterrer des barils de carburant et des sacs de charbon qui ont été ensevelis par le sable rejeté par les vagues et la marée de la tempête.

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MCC CD95-936-030

Pont du NGC Alaska, aperçu de la tête du mât, durant la traversée de la baie de Mackenzie, du côté ouest du delta du Mackenzie, territoire du Yukon. Le 14 septembre 1914. RMA 38737. Source : Musée canadien des civilisations


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MCC CD96-652-019

Les barils de carburant de l'ECA laissés sur la plage par le capitaine Louis Lane, la goélette Mary Sachs de l'ECA mise à l'ancre au large, îles Baillie, T.N.-O. Le 18 août 1914. GHW 50841. Source : Musée canadien des civilisations


En tentant de faire demi-tour dans l'étroit point de mouillage, la proue de l'Alaska touche légèrement le fond boueux. Avec l'apaisement du vent d'ouest, la marée de la tempête se retire rapidement et les tentatives de halage échouent. L'Alaska s'enlise bientôt complètement au sec. Il faut décharger toute la cargaison, et la goélette flotte finalement librement quatre jours plus tard. Mais il est déjà trop tard. En raison de la noirceur grandissante et de la formation de nouvelles glaces, Anderson met le navire en rade pour l'hiver derrière l'extrémité du cordon sablonneux de cap Bathurst. Le capitaine Daniel Sweeney, qui s'est joint à l'Expédition comme commandant l'hiver précédent, le mécanicien Daniel Blue et Mike Siberia, leur assistant, restent avec l'Alaska pour garder le navire pendant l'hiver. Anderson retourne à Bernard Harbour en traîneau à chiens.

L'année 1915 commence par la construction d'une maison de neige près de la poupe de l'Alaska pour garder les hommes au chaud pendant qu'ils creusent dans la glace jusqu'à l'hélice. Blue espère enlever l'hélice et la découper pour lui donner une dimension plus appropriée à l'Alaska. Cependant, le trou s'emplit d'eau et le projet est abandonné.

Après une longue bataille contre le scorbut, Daniel Blue, chef mécanicien de l'Alaska, meurt d'une pneumonie le 2 mai 1915 après dix jours de maladie.

L'Alaska sort de son lit de glace d'hiver le 15 mai, et les préparatifs de son voyage d'été commencent. Mike et Jacobsen amorcent le long et frustrant travail de remise en fonction du moteur de l'Alaska. Vingt-trois jours plus tard, Jacobsen est « payé » avec 5 $ comptant, 4 sacs de farine, 1 lb de tabac, 2 lb de savon et la chemise en peau de caribou du défunt M. Blue. Mais le moteur ne fonctionne toujours pas. Finalement, il semble que le problème est causé par l'essence achetée l'an dernier et qu'il faut naviguer à la voile jusqu'à l'île Herschel.

La glace quitte la rive le 10 juillet et l'Alaska échoue pour la première fois en 1915 tandis qu'il tente de sortir du port. Le navire avance péniblement dans la glace pendant trois jours, passe huit heures accroché sur un récif et parvient enfin à l'île Herschel. Là-bas, le mécanicien du Gladiator se met au travail pour réparer le moteur de l'Alaska. Trois jours et 50 $ plus tard, il est finalement en état de marche. Lorsque la cargaison tant attendue de l'Expédition arrive à bord du Ruby le 21 août, l'équipage travaille jusqu' à minuit pour charger l'Alaska et prend la mer à deux heures du matin. À bord se trouve un nouveau mécanicien, M. J.E. Hoff, la femme de Mike, Cis, et ses enfants, trois autres Inuits et le caporal W.V. Bruce de la RGCNO, qui doit enquêter sur la disparition de deux prêtres, tués, croit-on, par des Inuits. L'Alaska arrive à Bernard Harbour le 5 septembre et se retrouve bientôt emprisonné par les glaces.

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MCC CD95-937-014

L'Alaska en quartiers d'hiver, aperçu dans la lumière du soleil depuis la poupe, Bernard Harbour, Nunavut. Le 28 février 1916. RMA 38757. Source : Musée canadien des civilisations


L'été suivant, après plusieurs jours de découpage et de dynamitage, l'Alaska flotte librement le 23 juin 1916. Arborant fièrement une nouvelle couche de peinture et transportant une cargaison supérieure à sa capacité de chargement, l'Alaska quitte Bernard Harbour le 13 juillet et arrive à l'île Herschel à la fin août. Avec un chargement plus raisonnable et des passagers en moins, le navire met bientôt le cap vers Nome.

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MCC CD96-663-003

Dynamitage de la glace autour du NGC Alaska, oumiak et six hommes sur la glace, un à bord du navire, Bernard Harbour, Nunavut. Le 24 juin 1916. GHW 51609. Source : Musée canadien des civilisations


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MCC CD96-658-022

Chargement de l'Alaska (vue de la rive); un doris amène des barils de combustible avant qu'il ne prenne la mer à destination de Nome. 1916. GHW 51269. Source : Musée canadien des civilisations


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MCC CD96-658-027

L'Alaska quittant Bernard Harbour, vue vers le nord à partir de la rive, avec maison et poteau utilisé pour l'anémomètre. GHW 51279. Source : Musée canadien des civilisations


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MCC CD96-663-022

Vue du mât et du pont de l'Alaska, avec R.M. Anderson et Cox parmi le groupe de sept hommes se trouvant sur le pont, peut-être aussi Ikey Bolt. Pont chargé, avec plusieurs chiens, en route vers l'ouest à destination de l'île Herschel, golfe d'Amundsen, T.N.-O. Juillet 1916. GHW 51668. Source : Musée canadien des civilisations


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MCC CD96-660-003

Hommes sur le pont de l'Alaska; à gauche : un Inuk, R.M. Anderson (mains sur les hanches), Cox, homme de la Compagnie de la Baie d'Hudson?, Jenness? portant la parka blanche, O'Neill?, Johansen? et deux agents de la R.G.C.N.-O., île Herschel, territoire du Yukon. Le 4 août 1916. GHW 51371. Source : Musée canadien des civilisations

Encore des difficultés

Des glaces jalonnent pratiquement tout le trajet de l'Alaska, à partir de la frontière internationale jusqu'à pointe Barrow en Alaska. Après avoir franchi la pointe, l'Alaska éprouve soudainement des difficultés. « Le navire avait plus de fuites que d'habitude et la salle des machines a été inondée. La pompe ne fonctionnait pas bien. Le moteur s'est finalement arrêté. Le mécanicien s'est découragé et a affirmé qu'il ne pouvait rien faire pour le faire démarrer de nouveau, mais après plusieurs ratées, Sweeney...a réussi à passer les chaînes de l'anguiller et nous avons ensuite pompé et fait baisser le niveau d'eau. Le mécanicien a de nouveau fait démarrer le moteur et nous avons atteint pointe Hope. » (Journal de R.M. Anderson, août 1916).

En continuant à traverser l'extérieur de Kotzebue Sound, ils pénètrent dans la mer de Béring au début d'une forte tempête, le soir du 11 août. « Nous avancions difficilement le long de la côte dans une formidable tempête qui soufflait en descendant les falaises escarpées. C'était à peu près tout ce que nous pouvions faire pour suivre la côte. Parfois, nous nous écartions un peu de notre route et commencions à dériver dans la mer de Béring, mais nous avons en fin de compte pointé le nez du navire vers une petite baie...et avons jeté les deux ancres » (Journal de R.M. Anderson, août 1916). Comme la tempête continue, ils doivent jeter l'ancre pendant quelque temps sous les falaises de Tin City et de nouveau derrière l'île Sledge, près de Nome.

L'Alaska arrive finalement de nouveau à Nome en août 1916. Là, l'Alaska est tiré au sec sur la grève, en bon état, sauf pour ce qui est du moteur et des fuites autour de la boîte à garniture. Les importantes collections recueillies par l'Expédition dans les domaines de la géologie, de l'ethnologie, de la biologie et de la photographie, en même temps que les dossiers de l'équipe sud, parviennent donc intactes à Nome. L'Alaska a eu sa part de problèmes dans les eaux peu profondes, un moteur capricieux et les glaces arctiques, mais il a rempli sa mission avec succès en tant que navire amiral de l'équipe sud de l'Expédition canadienne dans l'Arctique.

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L'Alaska dans la lumière mi-hivernale en 1914 ; aquarelle peinte en 1987 par David Gray. Source : Musée canadien de la nature


L'Alaska est mis en vente à Nome au prix de 5000 $, mais aucun preneur ne se manifeste. En mai 1919, un acheteur est finalement trouvé et l'Alaska est vendu à L. Seidenverg, par l'entremise de l'Alaska Lighterage and Commercial Company, pour la somme de 3150 $. Elle complète son travail dans le cadre de nouvelles affectations le long de la côte de l'Alaska sous la direction de son nouveau propriétaire.